AS Dragon : Dragon à cinq têtes
Musique

AS Dragon : Dragon à cinq têtes

AS Dragon met les pieds à Montréal pour la première fois depuis l’arrivée en ses rangs de l’exubérante Natasha Lejeune, qui narre l’histoire du groupe aux chansons tendues, nées dans l’urgence.

"Moi je suis une fille/ Une folle un garçon/ Je suis sur le fil/ Caméléon", chante Natasha Lejeune, figure de proue d’AS Dragon, après les présentations d’usage: "J’aurais pu être comme Blondie ou encore comme Iggy et Siouxie", chante-t-elle. Si Iggy Pop était né femme et à Paris, peut-être aurait-il la dégaine de Natasha, qui elle, pose fièrement sur la pochette de Va chercher la police, second album du quintette paru en mai chez nous et en 2005 pour la France, avec un petit macaron à l’effigie de l’Iguane. "On a d’ailleurs fait la première partie des Stooges lors du Bol d’or en France il y a trois ans, lors de leur première reformation en France depuis 20 ans, devant 30 000 personnes. C’était extra, c’est le plus gros concert qu’on ait jamais fait! Sur scène, c’est clair qu’il y a un lien avec Iggy; ce premier degré, la générosité…", raconte celle dont on dit qu’elle se transforme en animal sauvage, en performeuse provocante et dominatrice une fois montée sur les planches.

ÉTRANGES ÉPOUSAILLES

Retour en arrière. À la tête du label Tricatel, en France, il y a Bertrand Burgalat, qui aime bien les projets inusités, les entreprises risquées et les mariages inattendus. En 2000, pour accompagner l’écrivain Michel Houellebecq en tournée, il fonde le groupe AS Dragon (qui l’accompagna aussi pour quelques représentations). "Un jour, lors d’un show à Berlin, Houellebecq ne s’est pas présenté. Ils ont fait le concert sans lui et ça s’est carrément bien passé. Bertrand Burgalat a voulu qu’ils enregistrent un album".

À cette époque, Natasha n’était pas encore des leurs. "C’est par hasard que je suis arrivée à la musique et dans AS Dragon. À l’origine je suis danseuse. Le groupe cherchait quelqu’un avec une présence scénique, un côté plus théâtral. Ils voulaient une fille, mais pas forcément une chanteuse. Moi, je suis plutôt exubérante; enfin, je suis pas timide, quoi. J’avais un peu fait le tour de la danse contemporaine sans vraiment y faire carrière. J’ai rencontré Michael Garçon (claviériste) par hasard à une fête et il a eu une sorte de feeling." Une semaine suivant la rencontre, après avoir gribouillé quelques textes en vitesse, elle monte sur scène avec AS Dragon. Le groupe enchaîne une vingtaine de concerts. On est en janvier 2002. Cinq mois plus tard, le quartette devenu quintette entre en studio pour enregistrer Spanked, un opus majoritairement décliné en anglais. "On est devenus très impliqués, mais sans se connaître réellement… On a eu la chance d’être tout de suite très actifs, et cela venait avec un part de séduction, d’envie, d’excitation et de nouveauté."

Il y a, au coeur de ce dragon à cinq têtes, un curieuse synergie, une tension constante qui s’explique en partie par la façon dont le groupe a été fondé. "L’énergie du groupe est difficile à expliquer. AS Dragon a été fondé par quelqu’un d’autre et il réunit des gens à la personnalité et au caractère complètement différents. Ce mélange d’énergies contraires crée une certaine tension. On vit dans l’urgence permanente de toujours tout concrétiser."

TRASH ROMANTIQUE

Cette tension, cet état d’esprit et cette urgence, on les sent partout sur Va chercher la police, un album sur lequel des guitares qui flambent croisent les nappes de synthés rappelant vaguement les années 80, un opus effronté sans être arrogant, moins punk que ce à quoi on pourrait s’attendre, versant parfois dans des mélodies presque pop (mais douces-amères), ou dans une sorte de froideur à la Air (sur Naufragés de l’ombre notamment, AS a d’ailleurs travaillé avec l’ingénieur de son responsable de Moon Safari, Stéphane "Alf" Briat).

Avec toujours, à l’avant-plan, cette Natasha constamment sur le fil, androgyne, pas rassurante, qui signe la majorité des textes avec l’écrivaine Virginie Despentes (Baise-moi), une fille fascinante qui gravite autour du groupe. On pourrait parler aussi du point de vue féminin mis de l’avant dans les chansons. Mais un point de vue de filles culottées un peu comme chez PJ Harvey, la perspective de filles conscientes de leur charisme sexuel, intriguées par les psychopathes et les serial killers, jamais désabusées mais loin d’être naïves.

Dans les meilleurs moments, ça donne des chansons comme Morte, qui ouvre l’album en mettant la barre très haut: "Je suis morte à l’aurore et personne ne le croit/ Triste sort que d’agoniser là/ Je suis morte au petit jour/ Va chercher la police." Mais à quoi pense Natasha quand elle écrit des trucs comme ça? "C’est une petite série noire. J’avais une image précise en tête: une fuite, un couple de fugitifs. Ils ont une vingtaine d’années, se retrouvent dans le bois après que la fille se soit plus ou moins fait tirer dessus sur une route de campagne. J’ai écrit le texte en cinq minutes. La fille se demande s’il est parti chercher du secours ou s’il l’a abandonnée. Elle repose entre la vie et la mort, sait qu’au petit jour elle sera morte. Cette chanson est la synthèse de ce que nous sommes, c’est-à-dire un peu romantiques, un peu sexuel décadent, dans la musique comme dans les textes. Avec l’urgence, toujours bien présente."

Le 12 juin à 20 h
Zone Molson Dry
Concert gratuit

Le 13 juin
Avec Malajube et Avec Pas d’Casque
Au Métropolis à 21 h