Aut'Chose : La revanche du freak
Musique

Aut’Chose : La revanche du freak

Aut’Chose obtient finalement sa part de reconnaissance, 30 ans après les faits. Tout un velours pour son meneur Lucien Francoeur, qui tente d’expliquer un tel délai.

Lorsque Michel "Away" Langevin et feu Denis "Piggy" D’Amour (Voivod) lui manifestent leur ardent désir de jouer les pièces d’Aut’Chose advenant une quelconque occasion favorable, le chanteur de la mythique formation des années 70, Lucien Francoeur, ne s’imagine pas l’ampleur que prendra cette idée. "On a fait ça pour le fun", dit-il du concert d’avril 2005 au Café Campus, soulignant le 30e anniversaire du groupe, et de la parution subséquente du disque Chansons d’épouvante (Artic), relecture des plus grands succès de la troupe réunissant désormais Jacques Racine (guitariste original), Vincent Peake (basse, ex-Groovy Aardvark), Joe Evil (claviers, Grimskunk), Michel Langevin (batterie) et Alex Crowe (guitare, Tricky Woo). "La grosse bad luck, ç’a été la perte de Piggy, confie Francoeur, rappelant son départ prématuré en août 2005, emporté par un cancer à 45 ans. On a perdu un guitariste formidable et un être humain d’une grande générosité." Mais conformément à la volonté du défunt, le projet suit son cours. D’ailleurs, une douzaine d’idées de morceaux laissées sur CD peu avant son décès alimentent actuellement la concoction d’un nouvel album original.

Malgré le malheur, cette réincarnation d’Aut’Chose n’est pas sans réjouir le poète maudit, heureux de constater le succès remporté par Chansons d’épouvante, et surtout de retrouver la scène avec ce qu’il appelle son dream band. "C’était bon en 74-75, mais là, c’est infernal! s’exclame-t-il. Les tounes sont pareilles, avec les mêmes structures, mais avec l’énergie et le talent de ces gars-là, c’est comme, man, c’est la guerre du Golfe!!!" lance-t-il, estimant que le peu de diffusion passée a permis de préserver les pièces de l’usure. "Puis il y a des retours qui sont trop orchestrés. Je ne le ferais pas si c’était fabriqué, sincèrement. C’est une belle aventure qui n’est pas forcée, pas patentée, et qui ne me force pas à être une caricature de moi-même. Tout se fait spontanément; c’est venu d’un coup de coeur de gars qui avaient aimé ces albums-là. C’est comme ça que le projet est parti, puis d’une certaine façon, on n’est plus capables de l’arrêter…"

Quant à savoir pourquoi il aura fallu trois décennies à Aut’Chose pour trouver sa juste place dans le paysage musical, l’auteur de Nancy Beaudoin émet diverses hypothèses. "La génération qui se met en place depuis une dizaine d’années a été exposée à beaucoup plus de variété musicale et a donc une plus grande culture musicale que les critiques de mon temps, qui ne voulaient pas comprendre Aut’Chose, analyse-t-il. Mais aujourd’hui, quand je rentre dans un magasin de disques et que je vois tout ce qui se fait, m’as te dire de quoi, c’est phénoménal!… Puis les Alain Brunet et les multinationales ne peuvent plus contrôler tout ça; ils ne peuvent plus dire: pendant tant d’années, ça va être juste du disco. Parce que maintenant, les kids font leurs disques et leurs pochettes, les distribuent puis les vendent eux-mêmes; les big shots ne peuvent plus orienter la musique dans une direction en occultant tout le reste", poursuit-il, demeurant néanmoins stupéfait devant l’inertie des grandes radios. "Tu découvres plus de nouvelle musique dans les cafés qu’en écoutant les radios officielles à Montréal, déplore-t-il. C’est quand même incroyable!"

Autre chose qui lui aurait paru incroyable il n’y a pas si longtemps: jouer aux FrancoFolies et à Woodstock en Beauce. "C’est sûr que tout ça m’a réconcilié avec mon passé, avec ce que j’avais fait, et que, d’une certaine façon, j’avais peut-être moi aussi mis un peu de côté; tu finis toi-même par mettre en place le même processus d’occultation… Mais la victoire et la vengeance sont douces au coeur de l’Indien et de Lucien!"

Le 11 juin à 19 h
Au Spectrum