La Grande Sophie : Grandeur d'âme
Musique

La Grande Sophie : Grandeur d’âme

La Grande Sophie, folle de Peau d’âne et des Beach Boys, injecte dans la chanson francophone ce qui lui manquait d’optimisme introspectif marrant.

"J’aimais pas mon boulot dans l’usine de mon père, à Port de Bouc, où il y avait même pas de cinéma et pas beaucoup de rêve… Je voulais payer mes vacances. Alors je me suis lancée comme ça, pas loin, à Marseille, me suis mise à chanter sur les bords de mer… et puis ensuite, Paris à 20 ans."

Flagrantes, marrantes, lucides, indiscutablement féminines et surtout aussi spontanées que sa trajectoire: pour peu, les chansons de La Grande Sophie s’apparenteraient à ces petits tableaux que Françoise Sagan brossait des états d’âme de la jeune Française idéaliste et (évidemment) désespérée, dans les années 60. "Ben oui, la quête de soi… La quête du bonheur… Ces temps-ci, c’est le thème récurrent de mon travail. Les égarés, ça ne vient pas de nulle part, c’est l’époque! Je suis sensible à mon entourage… Et j’espère être le témoin de ce qui m’entoure", dit spontanément la grande fille d’un ton limpide.

D’Un jour heureuse à Petite Princesse, sur son deuxième album intitulé prosaïquement La Suite, ces petites auto-analyses débordant de filles et (parfois) de garçons largués tentant de reprendre leur vie en main ne relèvent cependant pas de l’insubordination contre un quelconque conservatisme moral, mais bien de la sobre quête du bonheur opposée à la solitude affective: "Oui, heu, ben la vie est pas si simple que ça! Vous avez réussi, vous? Ça m’intéresse!" demande-t-elle dans un éclat de rire coupant court à l’analyse du texte, alors que des chansons marrantes comme Psy-psychanalyste pataugent férocement dans le freudien primaire entre les chroniques d’Elle France et les névrosées hyperactives des Parapluies de Cherbourg de son idole, le cinéaste Jacques Demy.

"Je cherche. Je me considère comme quelqu’un qui, au quotidien, rêve toujours d’un ailleurs meilleur." Et cette velléité de raconter semble lui imposer une prose, une chronique du quotidien atrocement lucide qui privilégie le un jour-détour au détriment du amour-toujours. "La rime est énervante! Trop souvent, on écoute des chansons à la radio et on devine la suite. J’essaie de casser… J’espère que ce que j’écris démontre quelques traits de caractère."

Culture éclectique et anachronique: Bobby Lapointe, Les Rita Mitsouko, les Beach Boys, The Mamas and the Papas, la fille de bonne famille a commis sur La Suite un tiers final de rock presque sale aux envolées inattendues: "Oui, les sixties, Les Calamités par exemple, ces trucs marrants que j’aime… J’ai voulu accentuer les guitares du genre… J’ai fait un duo avec Lee Hazlewood. Et puis j’ai repris un tube des années 80 de Martha and the Muffins, j’aime bien chercher des mots en français qui sonnent. Les reprises en français, c’est un jeu adorable pour tromper l’ennui des trajets. Et j’aime bien créer un paradoxe entre la mélodie légère et des textes où je ne dis pas forcément des choses gaies."

Grande, La Grande Sophie? "Ah ça, faudra venir vérifier par vous-même! ricane-t-elle encore, limpide… 1 m 78. Suis-je plus grande que vous?"

Restait plus qu’à se planter sur son âge: "Vous dites quoi? 26 ans? Oh non… Mais merci, ça fait plaisir."

Le 10 juin à 20 h
À la Zone Molson Dry
Concert gratuit

Le 11 juin à 23 h
Avec Ève Cournoyer
Au Spectrum