Saïan Supa Crew : Gentlemen cambrioleurs
Musique

Saïan Supa Crew : Gentlemen cambrioleurs

Saïan Supa Crew récidive avec une troisième livraison qui s’abreuve à la source d’un hip-hop métissé. De passage à Montréal, le quintette ne souhaite qu’une chose: braquer l’énergie de son public.

À l’heure où le rap français tourne sérieusement en rond, apprendre qu’un nouvel album de Saïan Supa Crew vient d’atteindre les bacs des disquaires nord-américains ne peut être qu’une bonne nouvelle. Devenu quintette à la suite du départ inopiné de Specta, le Crew réussit un grand coup avec Hold-up, troisième opus plus éclaté que jamais proposant des featurings étonnants (will.i.am de Black Eyed Peas ainsi que Camille). "On s’est dit que c’était le bon moment de faire renaître Saïan avant de reprendre nos projets solo respectifs. À force de bosser en solo dans nos petits laboratoires et d’explorer toutes les voies musicales imaginables, on voulait voir ce que ça donnerait à plusieurs. C’est une simple question d’expérience acquise", raconte Fefe, un des M.C., chanteurs et beatboxes humains du combo.

Mélange cohérent d’influences ragga, reggae, dancehall, R&B et même jazzy, l’opus pose un regard critique et lucide sur la vie en banlieue et s’attaque même au système politique français (Jacko). Toujours aussi engagé, le combo s’est récemment porté à la défense de l’humoriste Dieudonné à la suite du scandale causé par les propos antisémites de l’un de ses sketchs. "Sincèrement, ce fut difficile pour plusieurs car les Français font preuve de beaucoup moins d’ouverture d’esprit que les Canadiens. Il y a peu de représentants de race noire en France, alors dès que quelqu’un dérape, on est obligés de se rallier derrière cette personne. On l’a soutenu même si on est à mille lieues de ce genre de pensée. On n’a pas le contrôle sur tout mais pour la liberté d’expression, on se battra toute notre vie", explique Fefe avec véhémence.

Enchaînant les spectacles depuis sa formation initiale en 1997, le Saïan a vécu une période de doute et de remise en question rapidement dissipée. Ayant regagné sa motivation, il poursuit sa mission d’aborder une série de sujets graves en livrant des rimes puissantes en français, anglais et créole. Non, la diversité linguistique n’effraie pas le clan: "Chacun respecte les origines et l’éducation de l’autre. C’est ce qui fait notre force, je crois, mais ça vient aussi du fait que le groupe a énormément voyagé au fil des ans. On s’est aperçu qu’on pouvait faire des spectacles autant en Espagne qu’en Suède. L’essentiel, c’est de faire bouger les gens, et partout où on est passé, ça a fonctionné."

Et pour faire bouger les masses, SSC remplit diablement bien son mandat. Bêtes de scène, les cinq M.C. déchaînés font preuve d’une énergie brute et communicative lors de chacune de leurs prestations scéniques. Alors qu’un membre joue au beatbox humain, l’autre saute partout tandis qu’un troisième rappe. Pas de doute possible, c’est en spectacle que le groupe prend véritablement son envol. "Chaque fois qu’on monte sur scène, on fait comme si c’était la première fois. C’est peut-être ça qui fait toute la différence", explique Fefe.

Alors que tout se ressemble dans le hip-hop français, plutôt unidimensionnel au cours des dernières années, le Saïan ne ralentit pas et se démarque par son innovation, sa pertinence et sa maturité. Sur la route depuis déjà quelques mois, les cinq perfectionnistes (parfois extrémistes) mijotent tranquillement leurs projets solo et perçoivent leur escouade musicale d’un tout autre oeil. Fefe explique: "Aujourd’hui, pour certains, le rap est un langage à part entière alors que pour d’autres, c’est la catastrophe. Saïan fait partie d’une autre école de pensée, une autre saison du rap. On a d’autres valeurs en tête et des idées plein les poches!" Non, SSC n’a pas encore dit son dernier mot.

Le 8 juin à 20h
Zone Molson Dry
Concert gratuit

Le 9 juin
Avec Atach Tatuq
Au Spectrum