Anaïs : Rentre-dedans!
Anaïs, le visage taillé au couteau, la guitare brandie comme une arme, fait du direct. Après un passage remarqué lors du dernier Coup de coeur francophone, la voici au festival de la chanson de Tadoussac.
"Même si la vie c’est pas du foie gras / Ni même de la mousse de canard / Si ça a tendance à ressembler à de la bouillie ou du navet / Je crache pas dans la soupe… / Il vaut mieux ça que d’être affamé / Bon, je sais plus bien qu’est-ce que je disais."
The Cheap Show, le premier album d’Anaïs, débute par Même si la vie s’pa du foie gras, une parodie si juste des atermoiements psycho-pop que cuisine Lynda Lemay qu’avant de remarquer qu’elle signait son texte Linda Molay, prenant d’abord au sérieux son humour grinçant, je désespérais de l’interviewer. "Y’a tellement d’images dans les chansons de Lynda que j’imaginais qu’elle parte un peu en couille, qu’elle ne comprenne plus elle-même ce qu’elle raconte… C’est du cynisme tendre, c’est jamais méchant", dit Anaïs un brin hilare depuis Paris.
Convertie aux joies du one woman show le temps d’une douzaine de chansons live aussi brillantes que disparates, la Marseillaise, avec sa seule guitare, fait feu de tous genres: scat, rap, jazz, afin d’étayer ses textes d’artificier: "Je voulais faire un truc simple, direct, cynique et si possible marrant, et tenter d’aller le plus loin possible avec pas grand-chose."
Une rafraîchissante immédiateté, plus présente chez les interprètes des années 30 que dans les introspections philosophiques naïves ou engagées de la chanson française des dernières décennies: "Je revendique la chanson réaliste, mélange d’humour et de vérité, qui s’est un petit peu perdue. Je veux capturer des moments. Ne pas trop y réfléchir. Plonger dedans. Vivre une écriture qui m’échappe. J’aime bien rester sur le fil." Tendance lourde qui ne se manifeste nulle part autant que dans l’étonnante Christina, chanson sans narrateur consacrée aux douleurs d’une fille plaquée, saisies sur le vif: "Oh l’enfoiré m’annoncer ça comme ça de but en blanc / J’sais même pas qui c’est cette foutue Christina cette pute en blanc… / Une infirmière nan mais j’te jure / Bah faut qu’on t’opère ça c’est sûr / Je verrais bien une ablation / Sans tes couilles tu seras p’tête moins con…" "Quand j’ai fini d’écrire ça, j’étais surprise, je me suis dit: Wow! Dur… Surprise moi-même!"
Farouche visage taillé au couteau, la guitare brandie comme une arme, elle parle des filles qui ne baisent que des blacks, des accouchements douloureux, du sexe animal, des désirs insatiables. Un univers qui s’accommoderait facilement d’un quatuor bien bruyant. "Le concept guitare seule est passager. Le prochain sera un bel album avec plein de musiciens. Je viens d’un groupe de rock, mes timbres préférés, ce sont la soul, le rock, le blues."
Entre-temps, collision entre la "méthode" chansonnière et l’attitude rentre-dedans, sur la chanson du même titre, la toute jeune trentenaire répète obsessionnellement: "Bébé baise-moi, bébé baise-moi / Oooooh allez bébé bé-bé-bé baise-moi…" avant de lancer au public ce trait merveilleusement cynique: "Allez! Tout le monde ensemble, c’est facile: Oh bébé oh bébé baise-moi." Et la foule de reprendre en choeur, pliée de rire.
Le 8 juin
À la scène Desjardins
En première partie des Cowboys Fringants
Dans le cadre du Festival de la chanson de Tadoussac