Dominique A : Le petit roi
Dominique A signe avec L’Horizon son album le plus abouti, un carrefour personnel où convergent rock littéraire et chanson, minimalisme et lyrisme. Enfin de retour au Québec.
En 15 ans de carrière, Dominique A n’a jamais paru aussi serein, en pleine possession de ses moyens. Désormais, il chante, écrit et compose à la perfection. L’Horizon, son septième album, prouve son rôle de chef de file de la nouvelle scène française. Petit roi, il trône au sommet, et sa cour se presse autour de lui. Elle s’appelle Miossec, Pierre Bondu, Jeanne Cherhal, et l’ami Katerine n’est jamais loin, son ex-compagne Françoiz Breut non plus. Récemment, Dominique A signait la plus belle chanson du dernier Jane Birkin, en plus de chanter en duo avec elle sur son DVD Rendez-vous avec Jane.
On a joint Dominique A en pleine tournée à Morlaix, en Bretagne. Au bout du fil, il semble épanoui, à l’instar de sa musique libérée de tout maniérisme: "Pour les spectacles au Québec, je serai en solo, mais j’espère que ce sera mieux que lorsque j’avais fait la première partie de Fred Fortin", dit-il en riant, mal à l’aise. Puis il rajoute: "Une partie de la salle n’écoutait pas. Les gens parlaient tellement que c’était difficile pour moi de chanter." Mauvais casting, peut-être? Peu importe. Cette fois-ci, le sieur A sera en vedette, comme il le mérite.
LUMINEUSE NOIRCEUR
Son dernier passage au Québec, c’était à la sortie d’Auguri. Cet album de 2001 est sans doute son plus réussi avec Remué (chef-d’oeuvre, 1999). Deux disques qui forment avec L’Horizon un concentré de ce qu’il sait faire de mieux: du rock littéraire, de la chanson mélodieuse et contemplative, de la noirceur lumineuse, métissée de dérision. Cinq longues années avant que Dominique A ne revienne chanter ici.
Les fans les plus maniaques et les plus fortunés se rappellent sans doute qu’en 2004, le chanteur a publié Tout sera comme avant, un opus qui s’inspirait de L’Imprudence de Bashung, mais nettement moins réussi, avec des cordes symphoniques qui étouffaient plus qu’elles ne magnifiaient ses chansons: "Je l’aime bien, même si je trouve qu’il n’est pas réussi à 100 %. Selon moi, le problème de Tout sera comme avant, ce n’est pas le contenu musical, mais le fait que la voix ne soit pas à la hauteur de ce qui se passe musicalement, créant une distorsion. Mais il y a toujours certaines chansons que j’aime énormément, comme Bowling, Les Éoliennes, Dans les hommes ou Pendant que les enfants jouent. Mais je pense qu’il faut laisser du temps à ce disque. Remué avait vachement divisé les gens aussi, et aujourd’hui l’on m’en parle beaucoup. Je voulais faire un projet ambitieux, quitte à me vautrer par moments", raconte l’aventurier de la chanson française, celui qui souhaite toujours aller plus haut, plus loin, défricher plus profondément ses terres intérieures. À la recherche d’une inaccessible étoile musicale.
Tout sera comme avant n’était disponible qu’en importation, EMI n’avait pas jugé bon de le sortir en copie domestique. Mais dorénavant, c’est Olympic Disk qui diffuse le chanteur en Europe, et La Tribu au Québec: "Maintenant, je suis sur une petite structure qui travaille avec La Tribu, ce sera plus simple, il y a une synergie. Des possibilités plus grandes. Ce contexte-là correspond plus à des artistes comme moi; nous ne sommes pas taillés pour bosser avec des majors. Les petites structures nous donnent le temps nécessaire pour évoluer."
DÉBLAYER L’HORIZON
La Tribu a bien raison de sortir en nos terres L’Horizon. L’artiste est au meilleur de sa forme. Ses fresques musicales n’ont jamais été aussi belles, envoûtantes. Son rock s’éclaire de quelques chansons pop (Dans un camion), de ballades somptueuses (Antaimoro, co-composée par sa nouvelle muse, Laetitia Bégou) et d’une confession troublante, sur le fil du rasoir de la métaphore: "Toute ma vie/Je n’ai fait que rouvrir/Des fenêtres et des portes claquées/Ni poignées ni serrures/Ne m’ont fait reculer", chante-t-il sur Rouvrir, et l’on suppose qu’il évoque les serrures, les règles verrouillées de la chanson française traditionnelle, celle qu’il avait en horreur à ses débuts, en 1992. Il voulait alors tout bouleverser, il y parviendra, mais de l’intérieur, en donnant un coup de pied à ses habitudes de création, ne se répétant jamais. Il n’y a pas deux disques de Dominique A qui se ressemblent, et le dernier balaie l’horizon, synthétise toute son oeuvre, superbement.
"Par la force des choses, après Tout sera comme avant, la scène m’a ramené à plus de sobriété. Lorsqu’il a fallu jouer ces morceaux en spectacle, je suis revenu à la base, à savoir la guitare-voix ou le piano-voix. J’ai constitué un groupe un petit peu particulier. Plutôt que d’essayer de reproduire le son de l’orchestre, des cordes, j’ai préféré faire appel à des instruments à vent. J’avais envie aussi de partir sans rythmique, sans batterie, afin de travailler sur l’harmonie, que le répertoire ne soit pas dépendant d’une énergie donnée par la basse/batterie. Ça nous a emmenés sur d’autres terrains. Toutes proportions gardées, j’avais en tête des gens comme Leonard Cohen ou Gérard Manset. Les albums de Cohen essentiellement acoustiques, mais avec un arrière-plan sonore très travaillé, avec beaucoup d’arrangements en filigrane." Exactement ce que Dominique A réussit à faire avec L’Horizon: cacher des richesses sonores sous une apparente simplicité. Et poétiquement, une écriture mouvante, qui ondoie avec un minimum d’artifices.
"Pour L’Horizon, j’ai désiré poursuivre cette recherche musicale avec les musiciens du spectacle, ainsi que Dominique Brusson, qui avait fait le son de Remué. Je voulais me sentir libéré de toutes contingences commerciales avant de rentrer en studio. Maintenant, j’ai 37 ans, je pense pouvoir me débrouiller seul comme un grand et savoir ce que je veux sans avoir besoin de demander une autorisation." Ainsi, le petit roi pourra engendrer une descendance encore plus riche. Les enfants du rock.
Dominique A
L’Horizon
(La Tribu)
Le 13 juin à 19h
Au Spectrum
Avec Albin de la Simone
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