Elliott Brood : Fantômes, cordes et whiskey
Elliott Brood s’amène au Divan Orange chargé de ses bombes country-folk aux arômes de whiskey. Étonnamment, les trois musiciens comptent bien peu d’artisans du genre parmi leurs influences. Le monde à l’envers.
Death-country, blackgrass, goth-folk… Bien des épithètes peuvent coller à la truculente musique d’Elliott Brood, qui n’est en fait le nom d’aucun membre du groupe, mais plutôt celui d’un mystérieux personnage, assassiné selon la légende pour ses chansons (voir www.elliottbrood.ca). Une nébuleuse et sinistre histoire aux dimensions mythiques, à l’image de celles vécues par les protagonistes de l’univers éclaté qu’a imaginé le trio torontois. Prenant d’abord la forme d’un duo comprenant Mark Sasso (banjo, guitare, voix) et Casey Laforet (guitare, claviers, voix), le groupe rencontre Steve Pitkin (batterie, valises, voix) dans un bar un soir de concert. Pitkin bosse à la sonorisation de l’endroit et propose ses services de réalisateur, advenant un projet d’enregistrement. C’est lui qui posera sur ruban les six pièces du délectable EP Tin Type (Weewerk) paru en 2004. Devant le succès de l’expérience et l’évidente bonne entente mutuelle, Pitkin se joindra au clan et c’est à trois musiciens que sera enregistré Ambassador, long-jeu de 12 titres paru chez Six Shooter Records. Après les éloges des critiques et une forte rotation à la radio de CBC, Ambassador était mis en nomination pour le Juno du meilleur album roots/traditionnel, honneur qui reviendra finalement à la formation de Winnipeg The Duhks.
"On a enregistré Tin Type dans une salle de séjour; c’était vraiment le summum de l’enregistrement maison, avec une vieille machine à ruban sur laquelle on a enregistré les seules six pièces qu’on avait à ce moment-là", relate Casey, soulignant l’apparition de guitares électriques et de vraie batterie sur ce premier long-jeu. "Ambassador était beaucoup plus planifié; on avait une bonne idée des chansons qu’on voulait y mettre et on souhaitait vraiment installer une ambiance, un ton pour l’album au complet. On a donc enregistré dans un vieil abattoir converti en studio, et le disque s’est vraiment imprégné de cette atmosphère, avec cette espèce de sensation d’épouvante…" Des ballades torturées aux éclats festifs de banjo et guitares, le trio génère un country-folk pénétrant et intemporel, porté par les voix fortes et claires de Mark et Casey.
Et c’est avec surprise qu’on apprend que bien peu d’artistes country figurent parmi les principales influences du groupe. "Oui, c’est étrange, confirme Casey. Il y a bien sûr Neil Young, Dylan et ce genre de rock-country, mais on n’a jamais été vraiment influencés par les grands noms classiques tels George Jones ou Hank Williams. Je les découvre pour ma part essentiellement aujourd’hui, car les gens nous en parlent beaucoup après nous avoir entendus, croyant que c’est ce que nous écoutons. Alors tout cela se passe un peu à l’envers", admet-il, ajoutant avoir surtout carburé au motown et à tout ce qui sortait de Detroit, à un pont près de la ville où il a grandi, Windsor. Ambassador, c’est d’ailleurs pour l’Ambassador Bridge, enjambant la rivière Detroit entre les deux villes. "J’ai bien sûr eu ma phase grunge, avec Nirvana et compagnie, poursuit-il. Mark, lui, écoutait beaucoup de plus vieux trucs comme Zeppelin ou les Beatles quand il était jeune. Il semblerait qu’on a été élevés dans la musique country, mais non; cela s’est juste passé comme ça", explique-t-il, mentionnant sa grande affection pour des groupes tels Modest Mouse et Neutral Milk Hotel.
Parlant de grande affection, la musique d’Elliott Brood serait-elle semblable sans l’existence du whiskey? Casey éclate de rire: "Non, elle sonnerait probablement bien différemment sans whiskey! Quoique je ne sais pas… En fait, on n’a jamais eu à boire pour écrire de la musique, ou quelque chose du genre. C’est vrai qu’on aime bien le whiskey, mais cela se prête plus lors des performances en concert; cela contribue à ce qu’on se laisse aller un peu; on aime bien jouer de façon relâchée et détendue… Nous ne sommes pas des alcooliques, en passant, mais il est clair que nous apprécions un bon verre à l’occasion. Je ne sais pas si ça changerait notre musique; j’espère pas trop, car on ne peut boire toujours et à jamais… On verra, on fera le test; on enregistrera un album complètement sobres et on verra s’il est médiocre ou non…"
Le 9 juin
Au Divan Orange
Voir calendrier Rock/Pop