Jeronimo : Les mots qui tremblent
Musique

Jeronimo : Les mots qui tremblent

Le Belge Jeronimo délaisse son studio de campagne le temps de deux concerts francofous. Il apporte dans son baluchon les pièces de son deuxième disque, 12 h 33.

C’est sur son troisième essai que planche déjà Jérôme Mardaga lorsque joint quelque part en Belgique rurale. Le syndrome de la page blanche ou la panne d’inspiration ne semblent guère figurer parmi ses tourments, aussi nombreux et tangibles soient-ils dans son oeuvre. "Le travail d’écriture ne s’est jamais vraiment arrêté après le premier album, rapporte-t-il, soulignant avoir écrit l’essentiel de 12 h 33 sur la route, contrairement à Un monde sans moi (2002, D7), pondu en totale sédentarité. "J’ai écrit celui-ci dans les camions, les avions et les chambres d’hôtel, expose-t-il. Et le fait de changer de décor constamment, de voir chaque jour de nouveaux visages, ça change un peu l’état de conscience; on est beaucoup plus en éveil parce que tout bouge, tout défile plus vite autour de soi. Le dicton veut que les voyages fassent réfléchir et je pense que c’est vrai. On passe énormément de temps à regarder par les fenêtres et les hublots, dans le silence. Il s’installe donc un type de réflexion différent… Et là, pour l’écriture du troisième album, j’ai pris le parti de ne pas écrire en tournée, justement. Car l’écriture, c’est un processus à différents angles; on peut le moduler selon les circonstances, le décor, le contexte, et je trouve ça intéressant parce que ça amène des choses nouvelles et inattendues…"

Éviter la répétition semble impératif pour le musicien de 33 ans, toujours aussi émerveillé, 25 ans après ses balbutiements en la matière, par la pression de la touche record et la fixation de moments sonores. À l’inverse de l’expérience solo antérieure, ses compères Sacha Symon (basse) et Thomas Jungblut (batterie) étaient présents en studio pour la conception de 12 h 33, recueil où diffère aussi quelque peu son interprétation, davantage chantée que parlée. Un phénomène vraisemblablement non étranger aux thématiques abordées, voire surtout à l’adoption d’une nouvelle perspective. "Cet album-ci est beaucoup plus enfermé, je dirais. Ce n’est pas vraiment un observateur qui parle comme sur Un monde sans moi, où c’était plus quelqu’un en retrait qui observait, décrivait et se moquait, plutôt cynique et amer. Sur 12 h 33, j’ai l’impression que le personnage prend des coups et rend les coups; le point de vue a changé, la position n’est plus la même…"

Si un aspect perdure toutefois dans son écriture, c’est bien la poreuse démarcation entre fiction et réalité. "La réalité, c’est quelque chose d’assez fuyant, d’assez fugitif, estime-t-il. C’est là par moments, mais pas tout le temps. Alors ça ne me gêne pas que les frontières soient souvent assez floues, assez troubles, car c’est vrai. Je ne veux pas dire que c’est un combat quotidien, mais c’est une gestion quotidienne. Et bon, le fait de monter sur scène, d’avoir de la presse, de faire des clips et d’avoir une certaine notoriété, ça n’aide pas. Ça ne facilite pas la différenciation entre réalité, fiction, fantasme, chimère et projection… Mais bon, je pense que c’est la vie, ça!"

Le 16 juin à 22 h
À la Zone Molson Dry

Le 17 juin à 23 h
En doublé avec Karkwa
Au Spectrum
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