Manu Militari : Les grands moyens
Où sera Manu Militari dans 10 ans? Allez savoir… Rarement avons-nous rencontré un rappeur aussi déterminé et collé à ses instincts de survie. Entrevue.
Anciennement de Rime Organisée, Manu Militari lançait fin février Voix de fait, son premier album solo d’où émane un sentiment d’urgence poignant, particulièrement sur la pièce-titre. Intense bombe hip-hop à toute épreuve, Voix de fait témoigne de la même hargne qui se cache derrière l’expression latine manu militari (signifiant "avec des moyens militaires", mais aussi "immédiatement et avec tous les moyens nécessaires").
Affichant un calme paradoxal, Manu, 27 ans, n’a rien en commun avec les autres rappeurs québécois rencontrés en entrevue. Si, comme plusieurs, il s’attacha à la culture rap à 16 ans en découvrant le Wu-Tang Clan, ses motivations, qu’il livre au compte-gouttes, s’avèrent beaucoup plus incisives. "Pour moi, le rap était la continuité de l’univers retrouvé dans le film Scarface (de Brian De Palma et Oliver Stone). Je ne comprenais pas vraiment l’anglais à l’époque, mais j’entendais les rappeurs dire des phrases comme "Don’t fuck with me" qui me rappelaient les pulsions guerrières de Tony Montana (personnage principal du long-métrage; petit trafiquant de drogue violent, déterminé et prêt à tout pour devenir un puissant caïd)."
Cette notion du combattant reviendra tout au long de notre entretien, comme lorsque Manu explique son attrait pour le monde arabe, coin de la planète qu’il visita à deux reprises, y passant presque un an au total. "De par leur histoire et leur religion, j’avais une vision utopique des pays arabes. Je m’attendais à y retrouver un peuple de guerriers prêts à tout pour assurer leur survie, mais au fond, ils ne sont pas mieux que nous. En m’y rendant, je voulais aussi adopter la religion musulmane, mais elle comportait trop de contradictions avec mes propres valeurs." De ces voyages est née La Traversée du lac Nasser, une pièce qui rapporte justement une conversation sur divers enjeux sociaux entre un Arabe et un Canadien.
En lui parlant, on finit par percevoir Manu Militari comme un de ces guerriers, se servant du rap comme d’une arme au profit de sa cause: sa propre survie et celle des sans-voix.
C’est lorsqu’il refuse de répondre à une question concernant son enfance, qu’on imagine difficile à l’écoute des textes sombres de son premier album, qu’on saisit mieux la philosophie du rappeur. "Le rap contient énormément de codes qu’il faut respecter pour acquérir une crédibilité, c’est la base même du mouvement. Exemple: il faut monter les marches une par une, sans penser à sauter directement au balcon."
"Je ne te raconterai pas d’où je viens car pour moi, exhiber sa misère ne fait partie des codes rap. Un type qui se plaint dans ses pièces parce qu’il ne l’a pas eue facile en vivant pauvrement dans Hochelaga-Maisonneuve n’a aucune crédibilité à mes yeux. Le rap est une musique de guerriers. Et un vrai guerrier passe à travers n’importe quel mur. Le vrai guerrier devient Bill Gates, peu importent ses origines. Je ne m’apitoierai jamais sur mon sort, je vais me battre pour l’améliorer."
Le 16 juin à 19 h et 21 h
Au Monde Hip-hop Desjardins
Voir calendrier Hip-hop / Rap