Sandrine Kiberlain : Seconde nature
Sandrine Kiberlain, actrice acclamée et atypique, revient avant les vacances offrir ses chansons fines et timides comme un petit ciel gris d’été parisien. Entretien.
Vous avez souvent répété que votre incursion dans la chanson ne serait pas qu’une passade. Ou en êtes-vous maintenant?
"Je ne savais pas si ça allait plaire. Finalement, ça a dépassé mes espérances. Le disque s’est bien vendu. Ça ne m’a pas empêchée de faire un film en décembre. Mais j’ai essayé de me garder totalement disponible pour la scène et j’ai mis tout le reste de côté. C’est devenu aussi important que d’être actrice."
On vous a encouragée à écrire et ensuite à faire de la scène ou c’est vous qui avez pris les choses en main?
"Alain Souchon n’a pas changé une ligne de mes textes, c’était un premier encouragement. Mais au départ, j’ai tout poussé moi-même. Et ça ne se fait pas tout seul…"
Mais la célébrité a forcément facilité l’accès à la scène et à une maison de disques?
"Ce peut être un inconvénient. Parce que je suis actrice, j’ai déployé doublement d’énergie pour convaincre de mon sérieux. Je suis allée et venue dans la maison de disques avec des chansons, des maquettes, des idées… En revanche, ensuite, bien sûr, ça a des avantages pour la promotion, les télévisions, les spectacles…"
Vous confessez votre amour pour Modiano et Sagan; des écritures pleines de non-dits, ça vous ressemble?
"Des écritures pudiques dans lesquelles j’arrive à me retrouver. Je n’aime pas le pléonasme. Ces auteurs-là, je les comprends. J’ai l’impression qu’on est du même monde… Ça évoque ce que je n’ai pas pu dire."
Est-ce pour les mêmes motifs que vous choisissez vos rôles au cinéma?
"Tout à fait. Les rôles que j’ai faits appelaient quelque chose que j’assumais, un univers, un parcours qui me touchait ou alors des personnages que je ne sais pas être et que j’ai envie de défendre."
La chanson La Godiche, c’est autobiographique? Vous vous percevez comme ça: malhabile, un peu de travers?
"C’est quelqu’un qui a parlé de moi en ces termes avec un certain humour et j’ai trouvé ça plus vrai que s’il m’avait appelée "ma beauté". Il faut bien me connaître pour savoir que ça me toucherait… C’était le premier à oser ça…"
Êtes-vous une douteuse?
"Une inquiète, je dirais… On a beau être une "vedette", on est une personne normale. On vit aussi entouré de gens happés ailleurs qui nous renvoient à nous-même."
Ce spectacle, vous l’avez beaucoup promené en France, Belfort, Rezé, Niort, des coins un peu blêmes qui affichent complet.
"Oui, c’est pas un spectacle sophistiqué, ça permet un parcours intimiste dans de petites salles, comme l’ont fait Camille ou Delerm… et y’a pas de gens à négliger."
Est-ce que l’expérience de l’actrice facilite la présence sur scène?
"Le théâtre m’a très probablement fourni de l’assurance. Le cinéma n’a aucun rapport, c’est strictement une relation privilégiée à une caméra…"
S’il fallait reconnaître une grande vertu à vos chansons, c’est, outre leur finesse décalée, une grande franchise…
"On ne peut pas faire ça autrement qu’en étant au plus près de soi. En tout cas, pas moi."
Le 17 juin à 20 h 30
Avec Jérémie Kisling
Au Club Soda
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