Emmanuel Pahud : Vivre dangereusement en musique
Musique

Emmanuel Pahud : Vivre dangereusement en musique

Emmanuel Pahud est au coeur des célébrations entourant le 10e anniversaire de la Salle Françoys-Bernier au Domaine Forget. Entouré d’amis, dont le hautboïste Hansjörg Schellenberg, le 23, et avec les Violons du Roy le 24, le flûtiste vit en musique sans compromis.

Tout juste sorti de l’avion, sur la route qui le mène vers le Domaine Forget, Emmanuel Pahud accorde une entrevue à Voir avec une sollicitude exemplaire. "Il est encore 5h du matin pour moi, alors tout va, dit-il rieur. C’est à peu près l’heure à laquelle je me couche." On aurait cru le contraire de la part d’un musicien discipliné, mais c’est mal connaître le flûtiste natif de Genève en Suisse. Véritable bourreau de travail et virtuose au talent inouï (sans aucun doute l’un des plus grands techniciens), Emmanuel Pahud est au faîte d’une carrière qui l’habite et qu’il chérit avec une passion hors du commun. Un rendez-vous de circonstance pour l’ouverture des célébrations du 10e anniversaire de la Salle Françoys-Bernier. "C’est une année transfigurée", constate Emmanuel Pahud en référence aux deux concerts de la fin de semaine. "Au départ on prévoyait un programme assez festif pour rendre hommage à Mozart. Nous voilà maintenant avec un hommage à György Ligeti avec les Six Bagatelles." Effectivement, le compositeur autrichien, popularisé par le réalisateur Stanley Kubrick, est décédé le 11 juin dernier.

Dans le cadre de cet hommage Mozart-Ligeti, le prétexte était tout désigné pour inscrire au programme le Concerto en ré majeur de Michael Haydn, un compositeur trop méconnu de l’avis du flûtiste. "Il a eu le destin d’être dans l’ombre de son frère, Joseph Haydn. Pourtant, c’est un acteur très important dans la carrière de Mozart. Il s’est littéralement mis au service de sa musique en retouchant certaines partitions. Le concerto m’a plu tout de suite pour sa forme et ses difficultés. C’est un répertoire redouté." Un attrait irrésistible pour Emmanuel Pahud, qui a soif de sensations. À titre d’exemple, il fera la création de quatre concertos l’année prochaine, dont ceux des compositeurs Matthias Pintscher et Marc-André Dalbavie.

Une boulimie qui semblait se remettre en question en 2000 quand Emmanuel Pahud, premier flûtiste au Philharmonique de Berlin, prit une pause de l’orchestre pour deux ans. "Ce n’était pas mûrement réfléchi, explique-t-il. C’est une décision que j’ai prise très rapidement. Finalement, je me suis retrouvé à en faire plus! Plus de récitals, plus de concerts, plus de répertoires, l’enseignement… Je devrais dire que j’en faisais trop. Le mot danger était perceptible." Recruté au sein de l’orchestre dès l’âge de 22 ans par le chef Claudio Abbado, Emmanuel Pahud cultive une relation privilégiée avec l’institution berlinoise. On perçoit, chez celui qui se fait sentimental en parlant d’Abbado, un chef qui l’a vu grandir en tant qu’interprète, le témoignage d’un respect indéfectible pour le maestro et l’homme.

Mais la nostalgie n’est pas l’adage d’Emmanuel Pahud. La musique tous azimuts est au coeur de ses projets. "Je supervise la création d’un festival pour l’année prochaine à Berlin avec le flûtiste jazz James Newton. Un festival consacré à la flûte. C’est l’occasion de donner une visibilité à l’instrument dans un contexte musical très varié." Danger?

Les 23 et 24 juin
À la Salle Françoys-Bernier
Festival international du Domaine Forget
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