Le spectacle de la fête nationale à Montréal : Chants du pays
Musique

Le spectacle de la fête nationale à Montréal : Chants du pays

Oubliez le p’tit mouton, la parade et les barbecues familiaux au fond des ruelles. Il y a belle lurette que le pouls des Québécois se prend au pied des scènes de ces grands spectacles où la chanson a pris le pas sur toute autre forme d’expression. Regard en provenance de la scène avec quelques-uns de ceux qui font le show devant une mer de drapeaux blanc et bleu.

"Comment réussir un bon show de Saint-Jean? En proposant des succès, pas moins de 60 % de chansons connues. Faut pas se tromper, ce n’est pas du réchauffé, mais ce n’est pas le moment non plus pour qu’un artiste lance ses nouvelles chansons. Nous n’avons qu’un seul objectif: que les gens aient du plaisir, qu’ils dansent, qu’ils fêtent. Et pour ça, il faut que le plus de gens possible s’y retrouvent", dit Sylvie Rémillard, la fort expérimentée directrice artistique de l’événement. "Il faut aussi proposer quelques moments uniques, associer des chansons avec des interprètes étonnants, selon les affinités et le choix de chaque artiste, comme Garou qui chantera Il était une fois des gens heureux, Pierre Lapointe qui chantera Tout écartillé… Et puis, bien sûr, avoir une belle gang sur scène."

Parmi LA gang, vétéran de 12 saisons ininterrompues, Éric Lapointe, aussi indispensable à la fête nationale qu’une bonne bière fraîche, confesse que cette soirée-là demeure toujours exceptionnelle: "La première fois, en 1995, j’étais avec des idoles de jeunesse. En voyant les drapeaux à perte de vue, je me suis littéralement mis à pleurer!… Et puis on y rencontre de grands talents. Chaque collaboration fait grandir."

"Je crois qu’il y a deux raisons essentielles qui font que les artistes acceptent de faire ça chaque année: se retrouver en gang et puis, surtout, chanter devant autant de gens. Les occasions sont rares de faire du spectacle devant une salle aussi pleine!" rigole Mélanie Renaud. "Mon plus beau moment fut la première fois que j’ai participé à l’événement. Je faisais un duo avec Éric Lapointe et Jean-Pierre Ferland. On chantait: Une chance qu’on s’a. Difficile de décrire ce qu’on ressent…" poursuit la chanteuse d’origine haïtienne qui, arrivée ici à huit mois, ne s’est jamais perçue comme une minorité visible cautionnant un événement, qu’elle espère totalement inclusif: "Oh, je ne songe même pas à ça, dit-elle presque étonnée. Mais s’il y a des communautés particulières qui se retrouvent grâce à ma présence, c’est une bonne chose."

CINÉMA

Afin de marquer la grande vitalité du cinéma d’ici, les organisateurs de cette édition ont inclus au centre de l’événement quelques minutes consacrées aux musiques de film. Ainsi, pendant que, images à l’appui, Mélanie Renaud s’attardera avec quelques complices sur Chica Chica Boom Chic d’Alys Robi, Éric Lapointe, lui, se félicite de pouvoir offrir quelques chansons récentes de son répertoire: "Le numéro sur le cinéma tombe bien, ça me permet de chanter du matériel original. Sûr, le répertoire de la chanson québécoise est inépuisable, j’aime bien les reprises, mais n’oublions pas que dans les années 70, les Vigneault, les Charlebois chantaient leurs chansons récentes, alors on peut bien s’offrir de nouveaux classiques."

Que reste-t-il de franchement politique dans les gros shows de la fête nationale aux velléités rassembleuses, vaguement hantés par le souvenir de Claude Dubois, quittant la scène en versant des larmes de rage au soir du premier 24 post-référendaire? "Il y a toujours le discours de la présidente de la SSJB… Et je crois que pour la majorité des artistes, c’est en soi un statement d’y participer", dit Sylvie Rémillard.

"Oh, moi, je me tiens loin de la politique. L’indépendance, disons que si ça arrivait, j’en serais plutôt contente", dit Mélanie Renaud. Pour Lapointe, l’affaire est entendue: "On ne vit pas la même époque, il n’est pas autant nécessaire d’être indépendantiste pour apprécier l’événement… Moi, je participe aussi pour afficher mes couleurs d’ardent nationaliste. Je laisse la politique aux politiciens, même si les choses vont souvent plus vite avec les artistes qu’avec les politiciens… Mais on peut tout de même encore se dire qu’on est beaux en sacrement et qu’on s’aime."