Anjani : Clair de femme
Musique

Anjani : Clair de femme

Chansons d’Anjani et Leonard Cohen. Même sans cette indication en bas de pochette, à la lecture des textes de Blue Alert, un amateur de poésie averti éprouvera une impression de familiarité.

Collaborations entre Leonard Cohen et sa compagne Anjani, ces dix chansons prolongent le propos laconique du septuagénaire sur l’état des lieux de l’amour et le désir charnel, ses écueils et ses plaisirs trop fugaces.

De sa structure s’ouvrant sur un thème quasi politique jusqu’à sa conclusion en somptueuse valse d’adieu, on y retrouve encore: or, disgrâces, chandelles, miroirs, maringouins, nuits lunaires, chambres closes et souvenirs épars. Toute cette familière panoplie d’accessoires nécessaires au culte de la beauté qui conduisent le poète inquiet vers sa chute. Mais ces chansons issues du lien entre des amants heureux recèlent aussi quelques exceptions notables, telle Half the Perfect World, où l’auteur semble avoir enfin trouvé ce que des années de méditation n’avaient pu apaiser: "transparent, weightless, luminous / uncovering the two of us / on that fundamental ground / where love unwilled, unleashed / unbound / and half the perfect world is found".

"Oui, c’est possible, quoique je ne croie pas que ce soit une chanson adressée à une femme en particulier. Son propos est plus vaste qu’intime", dit pudiquement Anjani depuis Los Angeles où son compagnon reste enferré dans un pénible procès, avant de tirer la conversation vers une vision générale, moins intime, de leur étroite collaboration: "C’est presque du jazz mais en plus simple que ce qu’on entend maintenant; des mélodies incontournables, et des textes magnifiques qui ont fait naître des chansons simples. Nous voulions mettre ma voix à l’avant-plan en privilégiant des arrangements dépouillés", explique la native d’Hawaii qui a retrouvé Cohen par hasard à Montréal en 1998, après avoir chanté précédemment sur ses albums new-yorkais et collaboré intensivement sur Dear Heather. "Les chansons ont toutes leur origine propre, ajoute-t-elle. L’une d’elles contient des strophes inédites de Take This Waltz, beaucoup sortent de cahiers de notes récents, que nous avons sérieusement retravaillés ensemble. Le plus délicat fut de le convaincre de me laisser chanter Blue Alert, qu’il voulait absolument garder pour lui. En m’entendant la chanter en studio, il a été terriblement touché. Nous travaillons en belle démocratie. J’avais toujours raison, mais il avait encore plus raison que moi", rigole Anjani.

La jeune femme peut-elle s’approprier aisément des titres comme Golden Gate, racontant d’anciennes errances du temps des cigarettes Sobranie, ou No One After You? ("I’ve lived in many cities / From Paris to L.A. / I’ve known rags and riches…")

"Oh! Je ne suis pas exactement une petite fille, j’ai tout de même 40 ans et un peu de vécu. Le défi était plutôt de conserver sa propre identité. Car qui peut dire qu’il a pu faire mieux que l’original? Leonard a cette tessiture si engageante pour l’auditeur. Alors j’y ai mis mes propres sentiments en essayant de ne pas l’imiter."

Franc succès au Canada, Blue Alert a évidemment connu une part considérable d’attention due à la légendaire notoriété de Cohen. Une journaliste s’est même bizarrement attardée sur la différence d’âge entre les deux partenaires, insinuant que le couple vivait une dernière ligne droite avant la mort. "Mon Dieu, non! Je ne pourrais pas vivre avec cet homme et voir les choses ainsi! Nous nous aimons et nous avons de grands moments devant nous à partager. Nous avons des plans. Son prochain disque maintenant… On a fait installer la climatisation à Montréal… Nous ne nous quitterons jamais."

Le 30 juin, à 17h et 21h
Au Cabaret
Paire de billets gratuite sur présentation de l’album d’Anjani Blue Alert le 27 juin au guichet du Cabaret.