Ravi Coltrane : Le souffle au coeur
Musique

Ravi Coltrane : Le souffle au coeur

Le saxophoniste Ravi Coltrane avance dans la recherche d’une voie qui lui est propre, à la fois comme compositeur et comme interprète. Le quartette qu’il dirige présentement forme un ensemble d’une énergie redoutable.

Ravi Coltrane poursuit avec une belle confiance une démarche très rigoureuse de création. Dès le début des années 90, il apprend beaucoup à côtoyer des musiciens comme Joanne Brackeen, dont il retient l’audace harmonique. Peu de temps après, il fréquente de jeunes loups qui enregistrent pour Fresh Sound et qui se défoncent à la Jazz Gallery.

Comme souffleur, une sonorité personnelle déjà, profonde et puissante, qui rappelle peut-être Wayne Shorter, Joe Henderson et, chez les plus jeunes, Branford Marsalis et Ralph Moore.

Presque 10 ans séparent Moving Pictures (1997) et In Flux (2006). Entre les deux, From the Round Box, avec Geri Allen, Ralph Alessi, Eric Harland, et Mad 6, avec George Cooligan, Daryll Hall et Steve Haas: "J’essaie de rassembler mes idées pour en faire un tout cohérent. C’est mieux de ne rien forcer, de laisser l’énergie venir. Comme jeune musicien, tu te fixes des buts. Le mien était de trouver ma voie comme compositeur." Sur Mad 6, il reprend de façon personnelle plusieurs pièces fondatrices de Thelonious Monk (‘Round Midnight et Ask Me Now), Jimmy Heath (Ginger Bread Boy), Charlie Mingus (Self-Portrait in Three Colours) et deux thèmes de son paternel, 26-2 et Fifth House, reconnus, au même titre que Giant Steps et Countdown, pour la modernité de leurs progressions harmoniques et souvent baptisés par les musiciens Coltrane’s Changes: "Mad 6 est un disque de transition, axé beaucoup plus sur l’interprétation que sur la composition."

Le dernier disque de Ravi Coltrane, In Flux, en est un de grande maturité. Le groupe qui l’entoure est formé de Luis Pedermo (piano), Drew Gress (contrebasse) et E.J. Strickland (batterie). Pedermo est originaire du Venezuela et, avec d’autres musiciens latino-américains comme Miguel Zenon, Eugenia Mendez et Yosvany Tery Cabrera, il est en train de transformer la façon dont le jazz latin est perçu. Coltrane nous parle des trois musiciens avec qui il a tissé un lien très fort: "Pedermo est arrivé à New York au début des années 90. Il a une solide connaissance de la musique classique, a appris beaucoup avec sir Roland Hanna. Sa palette est large. Il combine à merveille le style de jazz joué à New York et la musique latine. C’est surtout un improvisateur de premier plan. Gress est un musicien qui provoque des choses. Quand nous avons commencé à répéter pour l’album, les écueils, comme par magie, s’estompaient. Il contribue beaucoup au développement de la sonorité d’ensemble du groupe. Strickland a beaucoup écouté Jack DeJohnette, mais aussi les batteurs de hip-hop. Son énergie est contagieuse."

Le répertoire d’In Flux est fait de compositions dont l’écriture est très moderne: Leaving Avignon, Blending Times. Avec Dear Alice, il rend un bel hommage à sa mère. Elle l’a initié à la musique, lui a fait écouter les grands compositeurs classiques comme Dvorak, Stravinski, Rachmaninov. Surtout, elle lui a communiqué ce désir d’élévation spirituelle: "Cette femme m’a enseigné tellement de choses. C’est difficile de l’exprimer par des mots. Elle m’a beaucoup encouragé à rechercher une musique qui soit la mienne." Coltrane dirige aussi un petit label, RKM, qu’il met au service des jeunes créateurs. Il est sensible à la situation actuelle de l’industrie du disque: la difficulté de vendre du jazz, l’incitation des décideurs à favoriser la reprise de standards plutôt que la création, le téléchargement des pièces sur Internet: "L’industrie du disque est un monde qui tend de curieux appâts. Il faut de plus en plus rivaliser d’audace avec elle, et mettre l’accent sur la musique elle-même. Son avenir en dépend."

Le 29 juin
Au Gesù
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