Cirkus : Place au cirque
Neneh Cherry est de retour avec Cirkus, un quatuor noir et volatil qui pige dans le hip hop, le drum and bass, le trip hop pour composer un univers éclaté où se croisent des voix masculines et féminines singulières.
Ouvert et poreux, le Festival de Jazz de Montréal embrasse vaste, comme on sait, et c’est ce qui fait en sorte qu’on puisse y voir jouer The Dears, MSTRKRFT, Cat Power, Buck 65 et un nouveau groupe basé en Suède, Cirkus, qui risque de faire des vagues dans un avenir rapproché. Dans le clan, entre autres, Neneh Cherry, qui se faisait plus discrète depuis quelques années, outre quelques collaborations (dont Gorillaz). Vous vous rappelez Buffalo Stance, l’hymne diablement efficace, sur l’album Raw Like Sushi, paru à la fin de l’éclatée décennie 80, (habilement remixé par Ghislain Poirier dernièrement, soit dit en passant)? La fille du grand jazzman Don Cherry, décédé il y a un peu plus de 10 ans, se réjouit d’une telle ouverture: "Les gens ont souvent une conception assez stéréotypée de ce qu’est le jazz. Pour ma part, c’est le monde dans lequel j’ai grandi, et je pense que c’est d’abord une certaine approche de la musique, une attitude", nous dit-elle de sa demeure en Suède, pays où elle est née. Amis qui bavardent dans le salon et un petit bébé qui fait une crise de larmes en fond sonore.
Cirkus prend son temps. Jusqu’ici on a eu droit à un maxi plutôt prometteur pour le disque à paraître dans quelques mois. On pense à Tricky, à Lauryn Hill, à Massive Attack. À l’écoute des premiers morceaux du disque, les critiques ont parlé de "broken soul". Ça groove, c’est doux et troublé, noir mais volatil en même temps. Les textes abordent des sujets pas toujours jojos, comme les tensions du monde moderne et le climat politique actuel. Et il y a bien quelques miettes de hip hop pour pimenter le tout: "Je me suis rendu compte dernièrement, en faisant un DJ set, qu’encore aujourd’hui j’écoute beaucoup de hip hop old school, raconte Neneh. Ce qui s’est fait dans les années 80 et au début 90, les Wu-Tang Clan, A Tribe Called Quest, Public Enemy, Brand Nubian, De La Soul, Tone-Loc, c’est encore très pertinent aujourd’hui."
Les rythmes sont riches, agiles, les programmations ciselées; Cirkus compte dans ses rangs Cameron McVey (chant, programmation et basse), alias Burt Ford, qui fut notamment producteur de l’album Blue Lines de Massive Attack. Il est derrière les chansons les plus connues de sa femme Neneh: 7 seconds, qu’elle entonnait avec Youssou N’Dour, et Buffalo Stance. À ces deux-là, se sont joints les jeunes Karmil et Lolita Moon. "Sang neuf et expérience, c’est un bon équilibre, rigole Neneh, 42 ans. Pour moi, tout ça est très rafraîchissant. J’ai toujours travaillé dans des environnements de groupe, donc ça m’apparaît tout naturel comme association. J’aime bien partager un espace plutôt que d’avoir toute l’attention sur moi. D’autant plus que je suis liée à toutes ces personnes, alors ça prend forme tout naturellement. Je sens aussi que nous vivons à une époque où le travail collectif s’impose, en quelque sorte, bien plus que les phénomènes de starification pop centrée sur une personne."
Karmil, un des deux membres-fondateurs avec Burt Ford, est longtemps resté à faire de la musique dans sa chambre, où il fut confiné durant toute son enfance et son adolescence en raison d’une forme de fatigue virale. C’est à Londres qu’il rencontre Cameron McVey, qui s’intéresse de plus à plus à ce qu’il fait. "Cirkus, c’est le résultat d’un accident heureux. Au départ, on n’avait même pas prévu devenir un groupe. Puis on a accumulé un petit paquet de chansons et ça a pris forme. C’est un réel privilège d’être entouré de personnes aussi talentueuses et créatives. Cameron et moi avons même fondé un petit label, Tent Music, pour mieux contrôler ce qu’on fait et avoir un lien plus direct avec les fans."
Le 5 juillet
Au Club Soda à 24 h
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