The Bad Plus : Toujours plus
Musique

The Bad Plus : Toujours plus

Le trio The Bad Plus combine l’énergie du rock avec les structures éclatées du free jazz et de la musique classique. Entretien avec un créateur stimulant, le batteur Dave King.

Dès le début des années 90 apparaît à New York une nouvelle génération de jeunes musiciens de jazz dont plusieurs vont enregistrer pour le petit label Fresh Sound et se produire dans différents endroits de Manhattan, comme la Jazz Gallery. Les plus célèbres s’appelleront Joshua Redman, Brad Mehldau, Chris Potter et… The Bad Plus: Ethan Iverson (piano), Reid Anderson (contrebasse) et Dave King (batterie). De jeunes talents tournés vers l’avenir: "À leur époque, Miles Davis, Thelonious Monk, John Coltrane et Keith Jarrett tenaient compte de la tradition, mais n’hésitaient pas à se développer et à aller de l’avant. En jazz, vous avez souvent à faire des compromis. Or, il faut rester imperméables aux pressions. Ethan, Reid et moi voulons être totalement nous-mêmes. Nous voulons voir se développer une chimie naturelle", dit Dave King.

Vers la fin des années 90, le pianiste Ethan Iverson publie un album important, Deconstructing The Standards, inspiré du travail que ses maîtres, Thelonious Monk et Ornette Coleman, ont effectué 40 ans auparavant. Mêmes effets de tension, de contraste, de dramatisation. Il faut voir là l’origine du travail de déconstruction que The Bad Plus appliquera plus tard à des classiques du rock, à des covers, avec cette capacité de faire surgir de pièces heavy un lyrisme insoupçonné: "Les grandes chansons populaires américaines sont devenues des standards. Chaque génération s’appuie sur eux comme point de départ au processus de création. Nous nous considérons comme appartenant à une sorte de continuum. Ces standards ont déjà eu leur heure de gloire. Il n’y a pas de manuel disant comment s’en servir. Maintenant, il s’agit pour nous de nous les approprier, qu’ils prennent un sens pour notre époque".

Dans le format trio piano/contrebasse/batterie comme celui de Bad Plus, la musique circule d’un musicien à l’autre, chacun est responsable de tous les aspects de la musique: mélodique, harmonique, rythmique. L’interprétation de Every Breath You Take (The Police) en est un exemple remarquable: "Beaucoup de trios de la scène actuelle du jazz, comme ceux de Brad Mehldau et de Jason Moran, sont très excitants. Nous avons beaucoup de respect pour eux. Nous recherchons une dynamique qui naît de contrastes marqués, une impulsion irrationnelle qui se délivrerait comme une lame de fond, comme une avalanche! Dans Every Breath You Take, la contrebasse est complètement déréglée. C’est l’une de mes chansons préférées. Nous tenons à explorer tous les styles de musique. Ethan a grandi avec le boogie-woogie; aujourd’hui, nous sommes tous les trois très intéressés par les musiques du monde, par la musique cubaine".

Les trois méchants garnements sont originaires du Midwest américain, d’un état à l’humour bien particulier, le Minnesota: "Historiquement, Dylan, Prince, des artistes significatifs du punk viennent de chez nous; le pianiste Craig Taborn. Géographiquement, c’est une région isolée, froide, aux températures extrêmes. Nous devons nous débrouiller pour nous amuser. Au plan culturel, il n’y a pas de liens évidents avec New York ou Los Angeles. L’énergie n’est pas la même. Alors, il faut inventer, se mettre au monde".

Le 3 juillet
Au Gésu
Voir calendrier Jazz/Actuelle