Yann Tiersen : L’instinct
Yann Tiersen s’arrête chez nous, après un album splendide, avec cinq de ses amis, pour bidouiller "un truc plus rock", dit-il.
"Je suis quelqu’un d’assez compulsif. J’aime bien que ça aille vite… Me laisser porter, pas savoir où je vais, ni ce que ça va devenir… C’est comme ça que je m’amuse vraiment", lance chaleureusement Tiersen depuis sa Bretagne natale, à propos de ses magnifiques disques épars et imprévisibles oscillant perpétuellement entre chansons et instrumentales. "Tous mes morceaux sont au départ destinés à devenir des chansons. Et puis, en travaillant les musiques, parfois j’abandonne l’idée de chanter… parce que la voix, ça m’empêcherait d’aller plus loin. L’inverse est aussi vrai: parfois, il me faut des mots. J’ai besoin des deux à parts égales." Avec sa dizaine de morceaux au romantisme délicieusement tristounet où Tiersen joue encore l’homme-orchestre, le récent Les Retrouvailles penche tellement vers la musique que ses quelques chansons ressortent comme des phares dans un horizon gris et doux. C’est le cas de toutes ses collaborations – avec Birkin, Stuart Staples des Tindersticks, les extraordinaires onomatopées d’Elizabeth Fraser (Cocteau Twins, Massive Attack, etc.) – et surtout du Jour de l’ouverture, un texte de rupture hallucinant chanté avec Miossec et Dominique A (Quand tu chialais tu faisais moins peur/Comme si tu effaçais toutes mes erreurs/On aurait pu faire face/À ce qu’on avait vu/Le jour de l’ouverture/De notre grande surface/On aurait dû s’achever/Pour ne pas avoir à en pleurer). "C’est pas en soi une thématique", hésite Tiersen, déjà pressé par la sonnerie de flipper d’un autre cellulaire. "Mon album précédent s’appelait L’Absente, je trouvais simplement amusant d’intituler le suivant Les Retrouvailles. Faut pas chercher plus loin… Ambigu? Oui, bon, c’est pas mal de métaphores sur les ruptures et les retrouvailles et ça parle pas mal de cul aussi…"
Au fil erratique d’une conversation en pointillés, Tiersen évoquera encore souvent instinct et hasard pour expliquer son parcours. Ainsi, même l’immense notoriété acquise avec les musiques d’Amélie Poulain prend des allures d’accident de parcours: "Ben, j’y suis pour rien! C’est pas mon métier, la trame sonore. C’est déjà assez bizarre que ces musiques qui étaient déjà dans mes albums se soient retrouvées sur la trame sonore d’un film décrivant un univers parisien qui m’est étranger… Je n’ai fait qu’une trame sonore de film pour Good Bye Lenin! Et je triche! Je me fais mon album à moi, et après je regarde si ça colle avec le film."
C’est en politique que Tiersen affichera les plus fermes convictions de cet entretien. Sur son site Internet, le pétitionnaire a épousé deux causes concernant l’ensemble des démocraties de l’hémisphère Nord: la préservation de l’universalité des soins de santé et l’opposition aux lois restreignant l’immigration: "Pour moi, ça, c’est viscéral. J’habite un pays de plus en plus libéral et mes racines et mon coeur sont très anti-libéraux. En France, plus ça va, plus les lois se durcissent. Ce pays qui est censé être une terre d’accueil s’acharne perpétuellement sur les mêmes personnes. La France se sclérose lentement."
Cette réalité, il l’évoque sur son disque par une chanson au titre impossible: À ceux qui sont malades par mer calme: "Ça parle de ceux qui auraient tout pour être heureux et qui ne s’en rendent même pas compte."
Le 9 juillet à 21h30
À la Place Metro
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