Ani DiFranco : Ani en Amérique
Musique

Ani DiFranco : Ani en Amérique

Ani DiFranco, comme Elvis Costello et Allen Toussaint dans The River In Reverse, a vu la tragédie de La Nouvelle-Orléans comme une mise en abîme de l’Amérique de Bush.

Cette conversation fait suite à un entretien réalisé au printemps à propos de l’album Educated Guess, où il avait été question du contexte politique et des rapports hommes/femmes. Depuis, Knuckle Down et Carnegie Hall 4.6.02 sont parus. Au début août 2006 paraîtra Reprieve, une collection de chansons inspirées de l’horreur de La Nouvelle-Orléans, des ratés de la gestion de cette crise, de la négligence ayant précédé ce drame, de la prise en otages des médias et de l’exacerbation du racisme durant celui-ci. La crise ne se situait plus à l’autre bout du monde (Irak), mais à l’intérieur du paradis: "La situation qui prévaut à La Nouvelle-Orléans a débuté bien avant l’ouragan Katarina. Elle met encore plus en lumière le problème de la pauvreté, des Noirs surtout, ce racisme qui mine tant l’Amérique. Contrairement à ce qui s’est produit pour la guerre en Irak, les médias ont dit la vérité beaucoup plus rapidement".

L’une des pièces maîtresses de l’album, Millenium Theater, apparaît comme une métaphore de l’état de la nation et laisse entrevoir la capacité des jeunes Américains de rebondir, le moment présent étant perçu comme un répit, un sursis: "Under darkening skies/The resistance is just waiting/To be organized". "C’est terrible de laisser en péril un si bel endroit. C’est tragique sous plusieurs aspects. Plusieurs projets sont en marche. Les vibrations sont bonnes. Ils ont tout fait pour que le New Orleans Jazz & Heritage Festival ait lieu".

Les chansons Decree, A Spade et surtout Reprieve dénoncent la vision encore trop masculine de la société américaine et évoquent le pouvoir des femmes de changer l’Histoire: "Aujourd’hui, le féminisme ne peut plus se battre que pour l’égalité. La guerre, l’état de La Nouvelle-Orléans deviennent des enjeux fondamentaux. Je retourne vers mes origines. Je ressens plus que jamais cet instinct en moi qui veut créer et donner la vie." "When all nature conspires/To make me her glorious whore/It’s cuz in my body I hold the secret recipe of precisely what life is for", écrit-elle. "Les guerres semblent inévitables. Comme un éléphant dans une chambre! Ce n’est pas suffisant d’avoir des femmes actives et impliquées dans ce système. La révolution (le changement) viendra des hommes et des femmes ensemble".

Au plan musical, Reprieve laisse beaucoup de place aux paroles. Un très grand contrebassiste, Todd Sickafoose (du groupe Blood Orange), quelques échos de synthétiseurs, d’échantillonnages. Ani Di Franco s’est beaucoup intéressée au travail d’enregistrement, au remixage: "Après le disque avec le producteur Joe Henry, je voulais de nouveau retourner à quelque chose de très simple, travailler sans filet! Todd et moi, nous nous produisons en duo depuis un petit bout de temps, et j’ai envie de développer ça".

Le 8 juillet à 18h
Avec Kaki King
Au Spectrum
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