Jean-Michel Pilc : Avec style
Musique

Jean-Michel Pilc : Avec style

Jean-Michel Pilc, fils spirituel de Martial Solal, a développé un style éminemment personnel et s’est hissé parmi les pianistes les plus importants de sa génération. Il nous parle de sa conception du jeu.

À 10 ans, Jean-Michel Pilc découvre le grand trompettiste et compositeur Bix Beiderbecke: "J’écoutais déjà Louis Armstrong à sept ou huit ans. Puis, j’ai découvert Bix d’abord au cornet. Quand j’ai entendu In a Mist, j’ai eu un véritable coup de foudre. Cela reste le solo de trompette le plus parfait qui existe. De l’envergure, de la perfection, du goût, comme chez Mozart. J’adorais le côté mystérieux du personnage, sa sonorité voilée". En 1987, Pilc travaille comme ingénieur au Centre spatial de Toulouse. C’est un concert de Martial Solal en solo au Petit Opportun qui le fera quitter la science pour embrasser une carrière de jazz: "C’est à ce moment que j’ai réalisé qu’il fallait que je travaille la technique, l’harmonie, l’humour. Ce que j’ai appris surtout de Solal, c’est qu’on pouvait être soi-même".

En 1995, il tente l’aventure new-yorkaise. Contrairement aux Européens, les Américains, selon lui, ne remettent pas constamment le monde en question. La culture y est simple et directe. Le jazz n’est pas pour autant l’apanage des USA: "Le jazz est aussi bien européen. Plusieurs des jazzmen qui ont écrit l’histoire du jazz viennent de différents pays: Bix était d’origine allemande, Gershwin, d’origine juive. Des gens d’origines diverses sont devenus frèrs dans la musique. C’est Brassens qui dit: "Il n’y a que les imbéciles heureux pour être fiers d’être nés quelque part". Beaucoup de musiciens surjouent la carte de l’identité. Ma géographie à moi est dans ma musique". Bon an mal an, il agira pendant cinq ans comme directeur musical de Harry Belafonte et, parallèlement, formera, avec Francois Moutin et Ari Hoenig, l’un des plus grands trios des dernières années. Depuis 2005, il se produit aussi avec Thomas Bramerie et Mark Mondesir: "Belafonte, c’était l’pied! Le métier, l’expérience, surtout une grande leçon d’humanité. En trio, nous sommes attirés par le rythme, par le côté énergique. Nous cherchons à créer un langage qui soit le nôtre. Quand tu joues avec des musiciens qui ont une forte identité, tu sens qu’un son se forme. Un peu comme des Lego qui s’emboîtent".

Écouter Jean-Michel Pilc est une expérience enivrante: toucher impeccable, réinventions harmoniques, caractère imprévisible du dessin mélodique. "Le toucher, c’est le reflet de la personne, de ses émotions. À certains moments, c’est du cristal, à d’autres, un ange ou un démon. Je n’aime pas l’idée de "déconstruire des standards". Je ne tente pas délibérément non plus de fuir les clichés. À partir du moment où tu as un but ou une intention, ton discours est politique. Tu te mets à la disposition de la musique. Les belles mélodies s’emparent de toi".

Le pianiste sera au Festival international de jazz de Montréal pour jouer en solo, puis en duo avec Elisabeth Kontomanou: "Quand tu joues en solo, les musiciens avec qui tu joues sont tous en toi. L’album de Bill Evans, Conversations With Myself, porte bien son titre. En fait, je dialogue avec moi-même! Elisabeth, c’est, à mon avis, la plus grande chanteuse de jazz actuelle. Quand elle fait une note, elle déstabilise souvent les musiciens. T’as pas le choix. Tu te livres à elle corps et âme."

Le 6 juillet à 19h
Avec Elisabeth Kontomanou
Au Club Soda

Le 7 juillet à 17h et 22h
À la Chapelle historique du Bon-Pasteur
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