Barrington Levy : Montréal reggae
Musique

Barrington Levy : Montréal reggae

Barrington Levy a été le précurseur, l’inspiration majeure et l’artiste phare du mouvement dancehall jamaïcain de la fin des années 70. Le voici en ville pour le Festival International de Reggae.

Alors qu’il avait quitté Kingston pour s’établir dans le comté de Clarendon, le jeune Barrington fonda un premier groupe nommé The Mighty Multitudes. "On faisait principalement des chansons d’amour et, surtout, des pièces à portée sociale; ce furent mes premières compositions", dit-il. Une anecdote surprenante: alors qu’il est généralement convenu que Henry "Junjo" Lawes fut le premier producteur à l’emmener à Channel One, il semble se rappeler subitement qu’il s’agissait plutôt de Dobby Dobson, qui aurait enregistré une première chanson de The Mighty Multitude. "Mais malheureusement, à l’époque, il était trop occupé à voyager en Europe et aux États-Unis, alors elle n’a pas marché", ajoute-t-il, l’air désintéressé.

Mais évidemment, sa rencontre avec Junjo – qui a entendu parler de ce prodige de 15 ans jusque dans les studios de West Kingston – et les Roots Radics est déterminante et produit les hymnes pré-dancehall que sont devenus les Ah Yah We Deh, Shine Eye Girl, Looking My Love et Callie Weed. Son premier album, Bounty Hunter, qui paraît la même année, devient un énorme succès. Les enregistrements qui le suivent, pour le label Volcano de Junjo Lawes, pour Jah Life à New York ou pour le label Powerhouse de George Phang, élèvent Barrington Levy au rang de première star du dancehall.

Quand on lui mentionne les autres artistes des débuts du genre, comme Sugar Minott ou Cocoa Tea, sa réaction se fait plutôt brusque et sans appel: "On ne connaissait pas encore Sugar Minott à cette époque! Et Cocoa Tea est arrivé bien après moi…" Son disque Barrington, sur MCA en 1992, fut sûrement l’album reggae-crossover le plus achevé de cette période, mais il a subi le coup classique: le directeur artistique qui l’avait mis sous contrat avec la multinationale s’est fait renvoyer peu de temps après et l’album a perdu sa priorité… Mais un de ses extraits, la ballade classique et atypique Vice Versa Love, échantillonnée cette année par Vybz Kartel, devint tout de même une de ses chansons-signatures. "Elle me vient directement de Dieu! C’est une chanson dédiée à tous, pour rapprocher les gens, jeter des ponts entre eux."

Le chanteur semble s’animer un peu plus lorsque l’on évoque son prochain album: "J’ai retravaillé avec Jah Screw (collaborateur de longue date, responsable de plusieurs de ses plus grands succès) pour mon prochain album. Il s’intitule It’s About Time et comprend plusieurs collaborations: Shyne, Snoop Dogg, Buju Banton, Beenie Man, Cécile et quelques autres. Ce sera mon dernier, affirme-t-il solennellement. Je veux relaxer, maintenant. Et écrire pour d’autres artistes. Je suis en train de monter mon propre studio et je voudrais réaliser."

Le 16 juillet à 21 h 30
Au Quai Jacques-Cartier (Vieux-Port)
Voir calendrier World / Reggae

ooo

BOB MARLEY EN TÊTE

Pour les irréductibles de Bob Marley, les rares visites à Montréal du musicologue, historien et archiviste mondialement connu Roger Steffens équivalent au Mundial du reggae, et cette année, après huit ans d’absence, on pourra prendre les bouchées doubles, pour ainsi dire. Le sympathique marleyologue aura sa propre tente sur le site, dédiée aux conférences vidéo qu’il donnera sur une période d’environ six heures par jour, pendant les trois jours du festival, et dont l’admission sera totalement gratuite. Il pourra, pour la première fois de sa carrière et en cette année anniversaire (Bob est mort il y a 25 ans), ne pas se contenter de ne montrer que de courts extraits d’entrevues et de spectacles, mais bien ces documents vidéo exceptionnellement rares dans leur intégralité, comme le spectacle des cérémonies de l’indépendance du Zimbabwe en 1980, le concert du Harvard Stadium et celui d’Exeter en 1976. On a encore plus hâte que lui!

REGGAE MADE IN CANADA

Les trois jours du festival, de midi à 18 h, la scène Bob Marley offrira des prestations gratuites de formations montréalaises et torontoises. Parmi les plus connues, sûrement le vétéran Jah Cutta & Determination, qui revient tout juste de la Jamaïque avec un solide album sous le bras. Puis les Inus Aso, Killawatt Band, Karavan Kaya et les nouveaux venus Raw Suga pourront probablement mieux s’y faire apprécier qu’avec la formule des années passées. Notons que trois formations locales ont été programmées sur la grande scène chaque soir, tout juste avant la grande vedette du jour: la chanteuse Empress le vendredi, avant Shaggy et Rayvon; Zulu Black, grand vainqueur de la première édition de Canadian Reggae Star, le samedi soir, précédant Kymani Marley; et finalement Kulcha Connection, avant la clôture du festival avec le grand Barrington Levy le dimanche. Une belle brochette de D.J. et de sound systems locaux (Assassins, DJ James Bond, DJ Mossman pour la scène Marley et Earthquake, Little Thunder et Firesquad pour la grande scène) joueront entre les prestations.

LES JEUNES LIONS

Pour sa troisième édition, on retrouve enfin ce dont le festival avait cruellement besoin depuis ses débuts. Le samedi soir, sur la grande scène, se produira un contingent de jeunes artistes jamaïcains émergents: Richie Spice, Fantan Mojah, Turbulence et Natural Black, rendant hommage au son nuroots qui déferle sur la Jamaïque depuis quelques années. Frère des chanteurs Plyers et Spanner Banner, Richie Spice a enchaîné les succès tels qu’Earth a Run Red, Marijuana Pon De Corner et Youth Are So Cold d’une voix vulnérable et irrésistible à la fois. Fantan Mojah fut propulsé aux premières positions avec Hungry et Hail the King l’an dernier; on reconnaît ce grand dread à son petit sac à dos, qui ne le quitte à peu près jamais. Turbulence, lui, sort résolument des sentiers défrichés par son mentor Sizzla avec un album plus mature, Notorious (voir critiques). Et Natural Black, originaire de la Dominique, a épaté la galerie cette année avec son puissant Far From Reality. Musicalement, on est plus près de Bob en 2006 qu’on l’a été depuis 25 ans, et on ne s’en plaindra vraiment pas!

Festival International de Reggae de Montréal
Du 14 au 16 juillet
Vieux-Port de Montréal (Quai Jacques-Cartier et Place Bonsecours)