Patrick Wedd : Quelques bons tuyaux
L’organiste Patrick Wedd et le violoncelliste Matt Haimovitz rendent hommage à György Ligeti par un concert offert durant la série Jusqu’aux oreilles. À redécouvrir.
György Ligeti, décédé le 12 juin dernier à l’âge de 83 ans, restera à jamais parmi la poignée de compositeurs qui ont largement déterminé le renouvellement de la musique durant le 20e siècle. Parallèlement aux Boulez, Stockhausen et Xenakis, cet esprit farouchement indépendant a ouvert des chemins que l’on n’a pas fini d’explorer. Atmosphères, Aventures, Lux Aeterna, Ramifications ou Le Grand Macabre ne sont que quelques-unes des oeuvres de Ligeti qui ont laissé leur marque.
Scott Tresham, directeur artistique de l’événement musical annuel Jusqu’aux oreilles, a décidé de programmer une soirée soulignant la disparition du compositeur et il a réuni pour ce faire deux excellents musiciens. Le violoncelliste américain Matt Haimovitz, qui a récemment adopté Montréal et enseigne à McGill, a réalisé le premier enregistrement de la Sonate pour violoncelle solo de Ligeti, une oeuvre datant de 1953, mais qui ne fut éditée qu’en 1990 et que le violoncelliste a pu approfondir avec le compositeur avant de l’inclure dans son premier récital solo paru chez Deutsche Grammophon en 1991 (un nouvel enregistrement figure sur son récent disque Goulash!, paru sous sa propre étiquette, Oxingale Records). Quant à l’organiste Patrick Wedd, il est maître de chapelle à la cathédrale anglicane Christ Church (ça fera 10 ans en septembre) et n’est certes pas de ceux qui pensent que l’orgue n’a pas sa place dans le répertoire contemporain.
Patrick Wedd était parmi les fondateurs de l’ensemble de Vancouver Days, Months and Years To Come dans les années 70, et, plus récemment, du Montreal Organ Consort (2001) et de l’ensemble Musica Orbium (2005), qui offrent tous une place de choix au répertoire contemporain. "Je pense évidemment que l’orgue peut parfaitement être utilisé comme instrument en musique contemporaine, explique-t-il. Il suffit de voir le catalogue d’un Olivier Messiaen, par exemple; il s’agit sans aucun doute d’un des grands génies du 20e siècle, et son instrument préféré était l’orgue. L’instrument souffre énormément de son lien avec l’église, peut-être davantage dans la culture québécoise d’ailleurs: l’église y étend "peinturée dans le coin", l’orgue l’est aussi. Il y a aussi le fait que l’on joue souvent assez mal de l’orgue – et là, ce n’est pas beau!"
La série Jusqu’aux oreilles, dont les concerts sont offerts à la cathédrale Christ Church, présente chaque année au moins un concert à l’orgue, et il est normal que l’on tire ainsi profit de la qualité de l’orgue construit par la firme Karl Wilhelm (de Mont-Saint-Hilaire) en 1980. "De nombreuses salles de concert se sont dotées d’instruments magnifiques ces dernières années en Amérique du Nord, à Los Angeles, Philadelphie, Seattle, Chicago, etc. Et je sais que l’on étudie la possibilité d’acheter un orgue pour la nouvelle salle de l’OSM aussi, si la chose se fait, bien sûr. J’ai déjà joué avec l’OSM à Wilfrid-Pelletier, mais c’était évidemment sur un orgue électronique, et ça, c’est… horrible! Après, on dit que l’orgue sonnait mal, et c’est vrai, mais ce n’est pas un orgue!"
Patrick Wedd interprétera les quatre pièces que Ligeti a composées spécifiquement pour l’orgue. "On entendra le ricercare Omaggio a G. Frescobaldi (1953, rév. 1984), une oeuvre inspirée d’un ricercare de Frescobaldi que je jouerai également. Dans Volumina (1962/66), au début de la pièce, tous les jeux de l’orgue sont ouverts, toutes les notes du clavier sont abaissées, et c’est à ce moment que l’on met l’orgue en marche… À la cathédrale, il faut de 15 à 20 secondes pour que l’air traverse tous les tuyaux, et ça donne un véritable mur de son! L’oeuvre est une suite de clusters et se développe en une quinzaine de minutes. C’était à l’époque une véritable révolution dans l’utilisation de l’orgue. Je jouerai aussi les deux études, Harmonies (1967) et Coulée (1969)."
Il est probable que les deux musiciens terminent le concert par une improvisation. Bel hommage en perspective!
Le 18 août
À la cathédrale Christ Church
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UN FESTIN D’ORGUE
Le roi des instruments a la cote durant la saison estivale à Montréal, et on pourra entendre d’excellents organistes cette semaine encore. Vincent Boucher participera le 22 (à midi trente, contribution volontaire) à la série des Concerts d’été de l’église St. James United (orgue Casavant, opus 1608, 1938). Du côté de St. Andrew & St. Paul (orgue Casavant, opus 1457, 1932), les récitals d’été du jeudi se poursuivront le 24 (à midi quinze, contribution volontaire) avec l’organiste de Toronto William C. Maddox.