Pink Martini : Rose bonbon
Le collectif de Portland Pink Martini débarque en terre québécoise après une absence de sept mois pour y présenter plusieurs nouveaux morceaux qui figureront sur leur troisième album. Rencontre.
Inflexions swing, jazz, cabaret, latines, européennes, classiques, pop. Non vraiment, rien n’est à l’épreuve de Pink Martini. Combo à géométrie variable (quelque part entre 10 et 14 membres), fondé par le pianiste de formation classique Thomas M. Lauderdale, Pink Martini ("parce que ça sonnait festif et fabuleux!") s’affiche comme le nouvel apôtre du multiculturalisme, accueillant dans ses rangs des musiciens d’origine afro-américaine, chinoise et même iranienne. "Cette diversité ethnique explique nos nombreuses influences musicales. Tout le monde grandit ensemble et poursuit son apprentissage de différentes langues. Nous sommes tous conscients de la pluralité des cultures de ce monde dans lequel nous vivons", explique Lauderdale, joint à sa demeure de Portland. Amoureux des langues et francophile averti, l’homme se permet même de glisser dans la conversation quelques mots dans la langue de Molière.
Démonstration de cette pluralité des cultures, Sympathique, premier compact de la bande, voit le jour en 1997 (l’étiquette Audiogram l’a réédité plus tôt cette année). Majoritairement composé de "standards", le compact était une jolie carte de visite et remporta un certain succès. À la suite de cet accueil favorable, la troupe part en tournée pour les trois années suivantes. "Ça ne nous effrayait pas de nous retrouver sur la route aussi longtemps et aussi nombreux parce qu’on forme véritablement une famille à part entière. Tout le monde travaille fort pour garder le moral même lorsque c’est difficile. Des batailles? Euh, il n’y en a eu que quelques-unes au fil des ans et, règle générale, c’est parce que j’étais en retard!" rigole Lauderdale.
SORTIR DE L’OMBRE
Ce n’est que sept ans plus tard que son successeur, Hang on Little Tomato (nom provenant d’une pub de ketchup aux tomates Heinz), atteint les bacs des disquaires nord-américains. Pourquoi une aussi longue disette, monsieur Lauderdale? "Pendant les trois ans et demi qu’on a bossé sur le disque, j’étais en état de panique. J’avais cruellement peur d’échouer et j’étais paralysé, car on a tenté de composer nous-mêmes la plupart des morceaux. C’était un énorme défi d’arriver avec huit ou neuf nouveaux titres, mais aussi épouvantablement stressant pour moi, et l’angoisse a fini par me ronger tout le long du processus", explique Lauderdale en soupirant bruyamment.
Plus accompli que son prédécesseur avec ses effluves cubains, brésiliens et world, Hang on… fut véritablement l’album de la consécration pour l’orchestre américain. "On cherchait des façons de rendre notre répertoire musical attrayant, accessible et cohérent. J’aime penser que ce que l’on a produit est un croisement entre la musique des productions hollywoodiennes des années 40 et celle des Nations unies! Un son à la fois riche et romantique qui n’a aucune barrière linguistique."
Lauderdale et son équipe se sont même payé le luxe d’inviter le mythique guitariste slide Hiroshi Wada (décédé il y a un an et demi) sur la pièce Kikuchu to Mohshimasu (traduction libre: Je m’appelle Kikuchu) explorant un style méconnu appelé enka. "Pendant plusieurs années, j’étais obsédé par un de ses enregistrements que j’avais déniché dans un magasin de disques usagés de Portland. Je ne parvenais pas à faire fonctionner cette chanson et je cherchais désespérément une façon d’inclure une portion slide. Masumi Timson, notre joueuse de koto, l’a rencontré au Japon, et il a accepté de participer. Cette pièce est devenue, en quelque sorte, le thème central de Hang on Little Tomato, et ce fut, tristement, le dernier enregistrement de Wada."
LA SUITE DES CHOSES
Lauderdale prédit que l’attente ne sera pas aussi longue pour le troisième album de Pink Martini, qui devrait voir le jour au mois de mars et qui comportera des chansons en portugais, japonais, espagnol, français, anglais et même en espéranto, obscur langage développé au cours du siècle dernier, supposé devenir la nouvelle langue internationale. "L’album est à moitié complété, et ce fut un processus beaucoup plus délectable et détendu que l’expérience précédente. Du travail de studio vraiment plaisant et facile, moins effréné. On vous promet un disque encore plus pop et joyeux", avance-t-il. Produit par la chanteuse China Forbes (qui est aussi sa compagne) et Lauderdale, l’opus renfermera une poignée d’invités, dont le légendaire Little Jimmy Scott, chanteur fétiche de Billie Holiday sur une version de Tea for Two, un vieux classique des années 20.
À l’heure actuelle, Lauderdale élabore déjà un quatrième album de Pink Martini, qui s’annonce beaucoup plus symphonique que les précédents, et prépare une tournée européenne prévue pour le printemps. Cependant, pour l’instant, ses préoccupations principales sont loin d’être musicales. "Je songe sérieusement à participer à la prochaine campagne électorale afin de devenir le nouveau maire de Portland! La politique m’intéresse énormément, mais China veut avoir des enfants, alors rien n’est assuré de ce côté! Qu’est-ce qui m’attend à part ça? Plusieurs jours de bonheur, je le souhaite de tout coeur!" Alors, on trinque?
Le 15 septembre à 20h
Au Grand Théâtre
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