Ben Lee : Le Second Souffle
Musique

Ben Lee : Le Second Souffle

Adolescent, Ben Lee effleurait le statut de one hit wonder précoce. Près de 15 ans plus tard, il court toujours. Discussion riche en métaphores avec le plus zen des artistes pop ou le plus pop des philosophes.

Au début des années 90, une nouvelle formation nommée Noise Addict frappait de plein fouet la scène musicale alternative. À sa tête, un jeune Australien préadolescent nommé Ben Lee faisait jaser, jouissant d’un talent d’écriture considérable pour son âge ainsi que du soutien des Beastie Boys et de Thurston Moore (Sonic Youth). Tout se dessinait pour une saveur du mois, de la montée fulgurante à la cruelle descente aux enfers. "J’ai appris de cette période que ce genre de succès que j’avais – qui n’était pas tant un succès commercial qu’un succès critique, auprès de leaders d’opinion – disparaît aussi rapidement qu’il survient", explique l’enfant prodige de la pop d’autrefois. Certes, la descente eut lieu mais pas jusqu’aux abîmes. "À l’époque, ça a été très difficile. Imagine te faire dire, à 18 ans, que tu as atteint ton sommet à 16 ans. Sur le coup, ça m’a rendu plutôt anxieux. Mais au bout du compte, ça a fait de moi quelqu’un de plus fort."

S’ensuit une courte tentative de réorientation professionnelle infructueuse: une incursion de quelques semaines à l’université dans le but de devenir détective privé. Mais Ben Lee, P.I. (c’était d’ailleurs le nom qu’il comptait employer à ses débuts en solo – appellation refusée par sa compagnie de disques de l’époque) ne s’inscrivait pas dans les cartes. Retour au bercail; l’appel de la musique refusait de se taire. "J’avais peur de la responsabilité, de devoir m’investir à 100 %. Mais même quand j’essayais de faire autre chose, ça se retournait constamment contre moi. C’est comme si l’univers conspirait à me renvoyer vers mon chemin", explique-t-il, laissant présager une entrevue à caractère "philo pop" plutôt sympathique.

Leçon apprise, l’artiste a poursuivi son chemin en redirigeant son approche. "C’est important de réaliser à quel point ce genre de succès est éphémère et c’est ce qui m’a porté à faire autant de tournées, justifie le nomade. Tu ne peux te fier qu’à la connexion que tu arrives à établir avec un public. La tournée, c’est comme une armée qui va en guerre: au début, tu dois combattre avec force pour obtenir ton territoire, établir tes frontières. Même aujourd’hui, je sens que mon territoire s’élargit, mais je dois persévérer pour le conserver", ajoute-t-il de son ton paisible pimenté d’un accent australien exotique. Enflammez l’encens, déchaussez-vous et asseyez-vous en indien, nous voici en terrain spirituel avec Ben Lee…

L’ÉVEIL EST LE NOUVEAU SOMMEIL

Avec quelques albums sous son aile et plusieurs années d’expérience malgré son jeune âge, Ben Lee fait paraître Awake Is the New Sleep en 2005. Ben Lee renoue enfin avec un certain succès, principalement grâce au hit estival Catch My Disease. Mais de quel éveil s’agit-il? "La question à laquelle Awake Is the New Sleep répond est essentiellement celle-ci: comment vivre sa vie dans ce monde moderne en gardant un coeur ouvert? Ce réveil est donc celui de réaliser ces choses: l’amour inconditionnel, comment aimer profondément. C’est un éveil sans fin." Se défendant d’être religieux, il admet néanmoins que son éveil principal est celui de sa double nature. "En fait, j’ai réalisé principalement deux choses. La première est que je peux parler ouvertement de spiritualité. Auparavant, je ne croyais pas en avoir l’autorité. La seconde, c’est de réaliser ma sensibilité pop. Je ne suis pas un artiste expérimental. Je ne suis pas là pour défier les conventions du médium de la musique. J’aime le médium en soi, tel qu’il est. Je préfère défier son contenu, son usage", admet-il avec une franchise et une humilité désarmantes.

À CHACUN SA VÉRITÉ

Adepte du taoïsme, Ben Lee n’a pas la prétention de détenir la vérité, même si la spiritualité consiste, pour lui, en la recherche de celle-ci. "Il y a autant de vérités qu’il y a de gens dans le monde. Ma portée spirituelle consiste donc à inviter les gens à embrasser leur propre vérité."

"Mon message n’est pas spécifique, comme "mangez des carottes tous les jours" ou "enveloppez-vous dans des algues", ajoute-t-il en riant. C’est plutôt "ouvrez votre coeur et vivez la vie selon votre propre sens". Le seul travail que je n’accepterais pas de faire serait celui qui dégrade l’esprit humain." Ainsi, le chanteur élargit sa portée de diverses façons, notamment en écrivant des chansons pour d’autres artistes ou en faisant une brève intrusion dans le septième art en incarnant Placid Lake dans The Rage in Placid Lake, comédie légère parue en 2003. "Le message du film était en lien avec ma musique: exploiter sa créativité et accepter la différence. J’ai donc perçu ça comme un autre médium, mais ça portait l’énergie que ma musique porte."

"La vraie signification de la vie est de servir, d’apporter de la joie à d’autres personnes. Et la musique pop est un moyen viable de faire ainsi. Alors, j’ai réalisé que ma méditation à moi prenait la forme d’une chanson de trois minutes et demie avec un refrain accrocheur", explique impudiquement le chanteur. "Certaines personnes ressentent le besoin de s’investir dans le tiers monde, dans le pèlerinage, la recherche. Alors, ça peut leur paraître comme une petite chose, mais pour moi, faire de la musique pop qui puisse accrocher les gens et qui a de l’esprit, c’est noble."

Presque désincarné, Ben Lee admet ne suivre que son flair. "Je me sens guidé. Appelez ça mon coeur, mon surmoi, Dieu ou l’univers, mais je ne sens pas que j’ai beaucoup de décisions à prendre. Je dois simplement suivre les instructions dictées par mes intuitions." Il faut croire que cette approche porte ses fruits puisque malgré l’attention tape-à-l’oeil que lui ont procurée ses débuts soulignés par les grands noms ou encore son union (et conséquemment sa rupture) avec l’actrice Claire Danes, Ben Lee est parvenu à maintenir une carrière prolifique avec une vision sage à long terme, empreinte d’une certaine simplicité. "Peu importe qu’il y ait 10 000 personnes ou une vingtaine, j’emprunte la même approche: me rendre sur scène et être moi-même. Et passer du bon temps." Voilà qui est juste… et bon.

Le 3 septembre à 15h
Parc Jean-Drapeau
Scène de la Montagne
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