Béatrice Ardisson : Prêt-à-porter
Béatrice Ardisson, avec ses délicieuses compils ludiques et ses habillages sonores, joue sur les variations méconnues de classiques pop indémodables. Que de découvertes!
Mère de ses trois enfants, épouse de l’animateur et producteur français Thierry Ardisson, c’est sur les concepts et illustrations sonores des talk-shows de son mari – dont Tout le monde en parle -, abondamment ponctués de festifs et fébriles emballages sonores, que Béatrice Ardisson a d’abord entamé son boulot d’habilleuse musique.
Si, actuellement, des commentaires du genre "Avec tout ce travail, on n’a pas eu de vie durant dix ans, maintenant on revit…" semblent la consoler de la mort très contestée de la célèbre émission, la petite entreprise de madame Ardisson, elle, ne connaît pas la crise, puisque les albums-compilations de Paris dernière, late show télé assez torride produit par son mari, se vendent allègrement.
"Le mot "compilation" englobe tout et n’importe quoi. J’essaie plutôt de faire des collections, explique Béatrice Ardisson depuis la Normandie où la famille se retrouve après des absences prolongées. Le concept sonore de l’émission est de n’utiliser que des reprises peu connues de grands standards qui sont le plus éloignées possible des originaux. La demande des téléspectateurs était assez forte pour qu’on sorte des albums. Et ça a tout un côté ludique."
Les collections de Béatrice Ardisson regroupent avec swing et élégance de remarquables trouvailles qu’on a plaisir à reconnaître dans de nouveaux habits, telle, sur le dernier volet de Paris dernière, une pétillante version de There Must Be an Angel issue du cerveau torve du Japonais Fantastic Plastic Machine, Proud Mary de CCR reprise par Prozac For Lovers, le Light My Fire de Robby Krieger revisité par Shirley Bassey, Stayin’ Alive adouci par la voluptueuse Brésilienne Eldissa, Shaft en raï ou le Satisfaction des Stones interprété par José Feliciano, guitariste aveugle des années 70. "Faut que ce soit des titres qui fassent partie de la mémoire collective. Quand on est dans sa voiture la nuit, qu’on sort d’une soirée un peu arrosée et qu’on entend ce genre de reprises, il faut pouvoir se dire: "Qu’est-ce que c’est ça, déjà?" C’est une sorte de blind test."
Plus remarquables encore, les abondantes notes de pochette, rédigées comme de très courtes nouvelles par le journaliste Yves Bigot, sont à la fois chargées de brillantes analyses, ponctuées d’exercices de nostalgie romantique, et quelquefois de fantasmes nocturnes pervers, telle la torride fin de notice accompagnant Hey Ya revisitée par le D.J. Chris de Multifunkshum: "Complètement pétés après inhalation du meilleur cannabis québécois reçu des douanes dans une cannette d’aérosol, Chris mit sur la platine un vieux Pink Floyd… Ils rêvaient de gang-bangs exotiques dans un café arabe de Paris, mais Chris avoua que ce qu’il préférerait serait de pratiquer la sodomie post-mortem sur cette jolie blonde vulgaire qui semblait bien disposée à se laisser tartiner le cul."
"Paris dernière, c’est l’ambiance d’une émission nocturne. Et à Paris la nuit, il y a des moments très hard, je voulais que les disques prolongent l’esprit de l’émission, dit Béatrice Ardisson, prudente devant l’anecdote. Je souhaitais que les textes soient de vrais exercices de création. Je respecte la liberté de l’auteur même si c’est ultra-violent par moments. J’ai trois enfants. Ce n’est pas mon univers, mais l’art et la culture, c’est autre chose, ça doit se passer de censure."
Béatrice Ardisson s’est aussi lancée dans le sur-mesure, confectionnant des ambiances sonores pour quelques hauts lieux chics, chers et branchés: "Après les Paris dernière, des bars et restos célèbres m’ont demandé de réfléchir à leur identité. C’est un peu comme de la haute couture. J’ai fait l’habillage sonore pour les magasins Vuitton du monde entier, un concept cinéma pour le Fouquet’s, d’autres pour le Bristol, le Crillon, le Meurisse… Certains endroits ont fait de mes choix de musique des albums. Le disque est un outil de communication extrêmement efficace, bien plus agréable qu’une simple carte d’affaires."
Pas un titre francophone dans les cinq tomes de Paris dernière? "C’est un choix délibéré pour ce concept-ci. Ma génération a été bercée par la musique anglo-saxonne. La suivante, plus encore. J’aime bien la musique française mais je ne vois pas pourquoi rester franco-franchouillard. Ma fille écoute Hendrix, et moi, entre deux rentrées scolaires, je passe ma vie noyée dans les disques, à faire mes p’tites compils."
Artistes variés
La musique de Paris dernière choisie par Béatrice Ardisson
Naïve / Fusion III