Billy Bragg : Une guitare, un citoyen
Musique

Billy Bragg : Une guitare, un citoyen

Billy Bragg, roi du protest song, revient en patriote progressiste parler du virage à droite de la politique canadienne entre les dizaines de classiques de son répertoire engagé.

Issu du punk anglais, apparu en même temps que des groupes légendaires moribonds jadis occupés à raccourcir leur espérance de vie entre deux concerts coup-de-poing, Billy Bragg est un inclassable. À défaut de sombrer dans l’héroïne et de déjeuner à la Guinness tiède, Bragg s’est enfoncé dans un engagement politique inouï qui a fait de lui, après 25 ans de métier, la référence mondiale du protest song.

Il va sans dire que pour ce militant de gauche, les nouvelles du monde sont particulièrement mauvaises depuis le début du siècle. Opposé au néo-conservatisme de Thatcher, remettant en question le libéralisme bon genre de Tony Blair, Bragg a étalé ses positions sur le sens de l’identité britannique dans une société sporadiquement frappée par de solides élans de racisme. Mais les attentats du métro de Londres suivis de l’arrestation de jeunes Anglais islamistes ont porté atteinte à ses convictions: "J’étais sous le choc en écoutant la vidéo enregistrée par un des terroristes. Il a un accent du Yorkshire. C’est l’un des nôtres! Ça a détruit notre consensus social fragile, et maintenant, tout ce qui a un look du Moyen-Orient est considéré avec suspicion. Les partis racistes en Angleterre gagnent des voix. Mais il n’y a aucune excuse pour assassiner des gens. Ces idéologies doivent être absolument combattues", déplore-t-il.

Après avoir quasi inexplicablement vendu de par le monde des caisses de ses gueulantes de prolo hargneux anti-Thatcher, Bragg s’est lentement rapproché de ses racines folk américaines, particulièrement Woody Guthrie auquel il a consacré avec Wilco le splendide Mermaid Avenue. Mais de Levi Stubbs’ Tears aux inédits de sa récente compilation de 50 titres, toute l’oeuvre de Bragg repose sur un même engagement socialiste. Un succès durable permet de se demander pourquoi tant d’artistes conscientisés appréhendent toujours la politique active: "Beaucoup m’ont dit: "Je partage tes idées. J’aurais aimé oser faire ce que tu fais mais ça me gêne, je ne sais pas si je suis compétent." Il est pourtant difficile de croire que des gens qui chantent devant des dizaines de milliers de personnes puissent craindre d’afficher leurs opinions. Je crois qu’ils espèrent souvent de meilleures carrières en se la fermant. Dans le contexte actuel, les Dixie Chicks sont des filles très braves. Si les Américains ne veulent pas entendre de politique dans la musique, qu’ils cessent aussi de faire tourner les chansons facho-patriotiques de Toby Keith. C’est deux poids, deux mesures!"

Quinquagénaire grisonnant, Bragg, qui a passé la dernière année à coucher ses réflexions sur la société anglaise dans un bouquin intitulé The Progressive Patriot, a quitté la région de Londres pour un petit village du Dorset où sa présence se fait sentir dans la politique régionale. Il admet que désormais, il ne chantera peut-être plus Take Down the Union Jack, son vieil hymne anticolonialiste, aussi facilement. Et qu’en vieillissant, il sent bien que rien ne sera jamais plus tout blanc ou tout noir: "Neil Kinnock, nouveau chef du Parti travailliste, a choisi une de mes chansons comme hymne de sa campagne électorale. Cet individu assez roublard a aussi déclaré que son album favori était The Queen Is Dead des Smiths! Mon sang s’est glacé! Ça prouve qu’en matière de politique, il vaut mieux être renseigné. Car plus on est conscient, plus on voit venir la merde de loin!"

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