Jacques Lacombe : Un air de famille
Jacques Lacombe… Le nom du nouveau chef et directeur artistique de l’OSTR se trouve actuellement sur toutes les lèvres; c’est samedi qu’il dirigera son premier concert.
Enfant, Jacques Lacombe se destinait à une carrière en sciences pures. La vie en aura voulu autrement en mettant un piano sur sa route. À ce jour, ce fils d’un cordonnier de Cap-de-la-Madeleine a dirigé une quarantaine d’orchestres et d’opéras, dont le Metropolitain Opera à New York et le Royal Opera House de Londres. Malgré tout, le nouveau chef et directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières n’a pas perdu les forces de son esprit cartésien; sur scène, il travaille de mémoire, sans aucune partition. Et c’est sans doute de cette manière qu’il dirigera À l’aventure, son premier concert avec l’OSTR, qu’il a brodé autour de Verdi, Gougeon, Ravel et Tchaïkovski. Entretien.
Quand on a collaboré avec quelques-uns des plus grands orchestres internationaux, quel intérêt trouve-t-on à diriger un orchestre de région comme l’OSTR?
"Un n’exclut pas l’autre. La preuve, je dirigeais avant-hier à Toulouse, et dans deux semaines, je repars au Minnesota et à Vancouver. La vie d’un chef d’orchestre aujourd’hui, qui a une carrière internationale, c’est une carrière où éventuellement on peut avoir un poste. J’ai mon orchestre à moi, qui est celui de Trois-Rivières, avec lequel je vais travailler sur une base régulière. Puis, le reste du temps, je travaille partout ailleurs. Ça me permet de faire bénéficier l’Orchestre de mon expérience et de mon acquis sur la scène internationale."
Votre solide expérience vous a sans doute amené à développer une signature musicale personnelle. Quelle est-elle?
"C’est un petit peu difficile de répondre à cette question-là parce qu’il y a un aspect de ça qui est assez technique et qui se fait dans le travail en salle de répétition. Je dirais que d’avoir travaillé avec plusieurs types d’orchestres, de niveaux différents, m’a amené à développer mon propre langage, ma propre technique de travail. Je suis quelqu’un qui aime beaucoup intégrer les individualités au sein de l’orchestre. Pour moi, c’est un travail d’équipe et c’est ce que j’ai essayé de développer au fil des années. Quand j’arrive au podium, j’ai la responsabilité de la vue d’ensemble et du résultat final. Mais j’essaye aussi de laisser de la place aux musiciens à l’intérieur de mon exploitation pour qu’ils puissent s’exprimer. Sinon, c’est vrai que, comme musicien d’orchestre, ça peut être un peu frustrant à la longue, voire démotivant, d’avoir travaillé son instrument pendant des années et, là, d’être complètement soumis à la volonté d’une personne, en l’occurrence le chef d’orchestre."
Cette manière de fonctionner doit être fort inspirante?
" Oui… Et dans le cas de Trois-Rivières, ce qui l’est encore plus, c’est qu’il y a beaucoup de musiciens de l’Orchestre qui sont des anciens collègues du Conservatoire, des gens avec qui j’ai beaucoup travaillé dans le passé. Au cours des dernières années, comme j’ai peu dirigé d’orchestres au Québec – à part l’Orchestre de Montréal -, je les ai un peu perdus de vue. Alors, pour moi, ce sont des retrouvailles."
Il paraît d’ailleurs que le premier concert de la saison, À l’aventure, est composé d’oeuvres significatives pour vous…
"J’ai été directeur artistique de quelques orchestres dans le passé et je dirais que, quand on fait la programmation musicale d’un orchestre, c’est une opération qui est assez complexe parce qu’il faut gérer plein de paramètres différents. Il y a le budget, les caractéristiques et la taille de l’orchestre, le public, mes goûts personnels… Et, dans la première saison, le concert qui m’a demandé le plus de réflexion, ça a été le premier. Parce qu’évidemment, c’est un concert de présentation et ça fait des années que je n’ai pas dirigé de concert symphonique à Trois-Rivières, sauf cet été lors d’un événement avec l’Orchestre national des jeunes du Canada. Alors, j’ai mis au programme quatre oeuvres qui sont assez représentatives de ce que je suis."
Au fait, entretenez-vous davantage d’affinités avec certains styles ou époques?
"Moi, je suis très gourmand. J’ai toujours refusé – et ma carrière a fait en sorte que je n’ai jamais été étiqueté – d’être cantonné dans un style de répertoire. Je me nourris de tout plein de genres musicaux. Et ça a été comme ça dès le début de ma carrière. Par exemple, quand j’étais encore aux études, je dirigeais la Maîtrise Notre-Dame-du-Cap, j’étudiais la direction d’orchestre au Conservatoire de Montréal et je m’occupais aussi d’un groupe de jazz, le Quartet. Je me souviens entre autres d’une période où je jouais le samedi soir dans un bar à Trois-Rivières – qui n’existe plus aujourd’hui mais qui s’appelait Le Patrimoine. Le samedi soir, je jouais dans un bar et, le dimanche matin, je dirigeais la messe! Et pour moi, il n’y avait pas de contradiction. La musique peut s’exprimer de toutes sortes de façons."
Cette saison, les abonnements de l’OSTR et d’autres orchestres au Québec sont à la hausse. Est-ce une coïncidence ou assistons-nous actuellement à une recrudescence de la musique classique?
"J’ose espérer. Je sais qu’à l’Orchestre de Montréal, avec l’arrivée de Nagano, ça va bien. Ça reste toujours un défi. Je me souviens que quand j’étais au secondaire, il y a 20 ans, on nous disait que la société de demain serait une société de loisirs, que les gens allaient moins travailler, qu’ils auraient plus de temps pour faire autre chose. Ce n’est pas vrai du tout! (rires) Un des problèmes, c’est qu’on n’a pas de temps. Et un art comme la musique symphonique, c’est un art qui demande du temps. Prendre une soirée pour aller s’asseoir dans une salle de concert quand on se court comme des fous, c’est une démarche. C’est sans doute là qu’on peut trouver une explication. Les gens ressentent peut-être de plus en plus le besoin de se faire du bien, de faire l’effort de se réserver du temps pour eux. Et la musique symphonique est sans doute une des façons les plus saines de se retrouver. On dit souvent que la musique, c’est la forme d’art qui parle le plus directement à l’âme."
Le 23 septembre à 20h
À la salle J.-A.-Thompson
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