ZPN : Renforcement
Avec Sacrifices, ZPN réaffirme sa place en tant que rappeur francophone consciencieux, qui n’a pas peur de prendre le taureau par les cornes pour faire retentir sa voix. Tête-à-tête avec le guerrier de l’Outaouais.
On connaît le rappeur David Muipatayi, alias ZPN, comme membre du groupe Afro Connexion, qui roule sa bosse depuis 2002, on le connaît aussi pour son premier album solo, Le Masque de Z (2003), qui avait reçu une nomination à l’ADISQ en 2004. C’est aussi lui qui remportait le concours Tout nouveau, tout show en 1999 et qui était désigné Découverte de l’année au gala des prix Trille Or en 2003. Mais on connaît aussi et surtout le surnommé Z comme celui qui se bat pour faire (re)connaître la scène hip-hop de la région, notamment avec le Z-Show Festival, seul festival hip-hop francophone de l’Ontario, dont il est le fier instigateur. Le voilà maintenant qui rapplique avec un nouvel album, Sacrifices, qui laisse place à un style plus travaillé, longeant les différents couloirs musicaux du hip-hop, avec du rap francophone, du R & B, mais aussi avec des accents de pop et de musique latine… "Je voulais faire un album accessible, commence le rappeur originaire du Zaïre. Le hip-hop actuellement, on est dans une période de recrutement. Si je ne faisais que du rap pour les rappeurs, bien on n’irait nulle part, surtout maintenant dans l’état actuel du hip-hop dans le Canada francophone", lance le rappeur à la voix rauque distinctive.
Z défonce ainsi les portes avec notamment des textes au contenu plus universel, dont la plume s’est largement affinée notamment sur la puissante Je crois. "Je ne veux pas juste parler moi en disant: "Je suis un Noir, incompris par la société, etc." Le jeune ou l’adulte blanc ou jaune ne comprend pas trop la situation. Mais si je parle du malheur dans le monde, comme dans L’Enfant d’Afrique, ça donne une autre perspective. Les gens pensent que le hip-hop, c’est des gens fâchés qui veulent revendiquer. Oui, c’est ça, mais revendiquer pas pour t’insulter ou t’agresser, mais pour te faire connaître autre chose, pour t’intéresser, pour que tu portes attention."
ARMÉ DU SAVOIR
C’est dans cette optique qu’il frappe fort et dur avec Sacrifices, une galette où plusieurs fils électriques se mêlent. "J’aurais pu me chercher du travail, faire du 9 à 5. J’ai fait relations publiques au collège et je crois que je suis une personne du public et j’ai des messages à passer. Je n’ai jamais été bon danseur ou musicien, mais écrire et rapper, c’est quelque chose que je chéris depuis que je suis petit. Ce sont les sacrifices que je suis en train de faire pour les miens", exprime-t-il.
Si la mentalité hip-hop prend différentes tangentes partout dans le monde, ZPN, lui, retire ce qu’il veut bien en retirer. "La mentalité gangster accroche plein de monde, mais en fait, ce sont les médias qui sont comme des couteaux à double tranchant; ils déplorent les paroles, mais en font la publicité. Mais si une personne parle de l’Afrique ou de la faim dans le monde, on va passer à côté parce qu’apparemment, il n’y a pas de punch!"
"Je vois les choses de deux manières: faire du rap consciencieux à faire réfléchir le monde, à éduquer, et puis faire du rap pour amuser. Je peux faire une chanson pour rigoler en parlant de choses de tous les jours, c’est plus caricatural et ça fait partie de la vie! Je ne suis pas dans une bulle où je ne vois que la guerre et la merde! Je vis aussi dans le monde, mais je peux aussi faire des chansons très dures comme Imagine."
L’idée de cette pièce lui est venue alors qu’il était porte-parole de Jeunesse, J’écoute et qu’un représentant a fait un discours en donnant des exemples concrets de souffrances que vivent les jeunes. "Ça m’a frappé. C’est vrai, des fois on n’imagine pas les choses comme elles sont. Dans cette chanson, je dis exactement c’est quoi, je ne mâche pas mes mots. On écrit souvent en cherchant à embellir, mais la vérité du petit garçon, de la petite fille, de la dame ou du monsieur qui souffre, elle est crue, alors je la délivre comme ces personnes la ressentent."
ARME D’ÉDUCATION MASSIVE
La réalisation de Sacrifices est signée Sonny Black (Corneille, K-Maro), et une liste impressionnante de collaborateurs s’ajoute au portrait de famille avec notamment Kulcha Connection, Rebel, Patcho Star, des membres d’Afro Connexion et une certaine chanteuse de la région qui a fait les manchettes dernièrement, une dénommée Eva Avila, pour qui ZPN a eu beaucoup de flair, semble-t-il! Il est même lié à la Canadian Idol par un contrat pour qu’elle se retrouve dans ses vidéoclips. Ne sachant pas trop ce que pensera Sony/BMG de cet engagement, il ne veut pas trop s’embêter avec cela pour le moment. "Là, c’est mon album, on verra bien en temps et lieu", note celui qui a une opinion mitigée quant à la controverse entourant Vision Recordz, la même compagnie qui le distribue et qui a relancé une chanson de Kareem sur laquelle Eva Avila était choriste, au grand dam de Sony/BMG. "C’est de l’opportunisme, oui, on ne le cache pas, mais c’est le business de la musique. Sony a signé Eva, pourquoi ne pas l’avoir fait il y a deux ans? Tout le monde en profite d’une certaine manière."
Obstiné, ZPN continue sa campagne contre l’industrie musicale francophone du Canada, dont les différents médiums se laissent manger la laine sur le dos par le marché anglophone, foi du rappeur opiniâtre: Je fais une musique appelée le R.A.P./L’industrie nous déteste tellement qu’elle veut nous R.I.P./Ils haïssent notre style vestimentaire/Apparemment, on est pas leurs pairs/Alors, ils peuvent tous aller niquer leur mère (En force).
Autre thématique qui traverse l’album, le racisme, sujet récurrent qu’il ne peut mettre au rancart: "Le racisme, c’est comme l’amour, on ne pourra jamais l’éliminer, ça fait partie de la vie, de l’être humain." Le thème de la foi revient aussi à quelques reprises sur l’album, comme pour le rappeler à l’ordre: "Je suis confus spirituellement. Mon subconscient est croyant à 100 %. La personne que je suis, le conscient qui vit les choses de tous les jours des fois a des doutes. Parfois on est dans un combat spirituel où on se sent à l’aise de rester au milieu…" complète-t-il, réfléchi.
ZPN lancera son nouvel album devant les élèves de l’école De La Salle le 11 octobre à 16h, après quoi il se produira dans différentes écoles de la région (notamment à la polyvalente Nicolas-Gatineau de Gatineau le 20 octobre et à l’école Gisèle-Lalonde d’Orléans le 1er novembre). Il prévoit aussi faire une petite tournée dans les différentes villes du Québec d’ici Noël.
Sacrifices
ZPN
IIIKINGS
En vente le 11 octobre
LES MASQUES DE Z
ZPN, le gangster: "Le ZPN en colère, c’est le rappeur pur. L’âme même du rap a commencé par des combats verbaux entre deux personnes. Je t’insulte, tu m’insultes, on rigole. C’est du freestyle! Le rappeur, c’est toujours le gars qui va dire: "C’est moi le meilleur. Ici, c’est mon territoire. Fais attention. Avec moi, tu vas perdre." Le rap a justement été inventé pour ne pas emmener ça dans des combats physiques, c’est vraiment verbal, puis ça s’arrête là. (…) Il n’y a pas de tiraillement comme tel entre régions au Québec mais moi, je représente l’Outaouais, donc dans La Menace, je dis que c’est ici que ça se passe. Et là je m’adresse aux puristes du hip-hop, j’essaie de créer mes marques. (…) Je parle de violence, mais ça reste verbalement. Mon arme, c’est ma langue, ma parole, mes lyrics."
ZPN, le lover: "Ça, c’est le côté pour amuser la galerie. Dans Viens t’amuser, c’est le début de l’été, les femmes s’habillent plus léger, ça fait six mois qu’on n’a pas vu des jambes, ah, les mecs pètent les plombs! C’est relax. Pour French Kiss, c’est une situation amoureuse comme bien d’autres. Il y a des petites choses qui viennent de moi, mais aussi des trucs que j’ai entendus."
ZPN, l’écorché: "Je suis le dernier d’une famille de huit enfants, j’ai été beaucoup cajolé par ma mère et, du jour au lendemain, il n’y avait plus rien. Il y a eu une séparation brusque entre mes parents et puis ça a créé une cassure. Je n’ai pas remarqué jusqu’à il y a environ quatre ans que j’avais un malaise par rapport à la famille, une douleur. (…) Aujourd’hui, on dirait que j’essaie de donner à mes enfants ce que mon père ne m’a pas donné. Je leur dis que je les aime tous les jours."