Beck : Beck to the future
Musique

Beck : Beck to the future

Avec The Information, Beck revient aux affaires avec un disque aussi ambitieux que décomplexé, qui sent bon le retour aux sources. Rencontre.

Une chose est certaine, l’heure n’est pas encore venue pour Beck de rejoindre la longue liste des artistes qu’on aura vu s’empâter avec les années. Alors qu’on le rencontre pour la sortie de son nouvel album, The Information, le blondinet est toujours aussi mince, son teint toujours aussi pâle, et sa main toujours aussi molle. Une image qui contraste absolument avec la forme olympique que tient aujourd’hui sa musique.

The Information est en effet à classer parmi les tout meilleurs albums de Beck. Ceux qui ont aimé les ambiances de brocantes de fin du monde que renfermaient Mellow Gold et Odelay tomberont immédiatement amoureux de The Information. Ceux qui avaient été séduits par les tentatives plus sophistiquées – réalisées avec Nigel Godrich – que furent Mutations ou Sea Change seront certainement un peu plus sceptiques. Pourtant, The Information a lui aussi été enregistré sous la houlette de Nigel Godrich (qui, après Radiohead et Charlotte Gainsbourg, et juste avant le prochain Air en janvier, n’en finit plus de mettre le gratin en boîte).

C’est donc avec le même producteur, qui passa une bonne couche de polish sur ses morceaux, que Beck a choisi de revenir aux sources et de rechausser ses vieilles baskets crottées. Curieux, non? "Pas tant que ça. Nigel et moi avons eu la même envie au même moment, celle de retrouver des envies adolescentes. Au départ, nous avions commencé à enregistrer avec des musiciens de studio qui avaient travaillé avec Bill Withers afin de pouvoir nous doter d’un son vintage du meilleur effet. Les sessions étaient parfaites, mais au fur à mesure, avec Nigel, nous avons trouvé cela presque trop parfait. Nous avons eu envie de déconstruire, de chambouler le puzzle", explique Beck.

UN AMBITIEUX PROJET

Tailler la musique en pièces, pour la ré-assembler à leur guise. Voilà le projet que se fixent Beck et Godrich après ces premières sessions, débutées au cours de l’année 2004. Un projet tellement ambitieux que Beck préfère, avant de s’y consacrer, se vider la tête avec un autre album, moins complexe: ce sera Guero, produit par les Dust Brothers (déjà à l’oeuvre sur Odelay) et paru l’an passé. "The Information était un projet qui demandait beaucoup de disponibilité, et Nigel en manquait cruellement. J’ai donc enregistré Guero, et c’est au milieu de l’année 2005 que nous avons pu nous mettre sérieusement au travail", poursuit Beck.

Les deux rentrent donc en studio avec le trésor de guerre que constituent les sessions réalisées avec les fameux musiciens de Bill Withers. Ils appellent aussi des musiciens amis (parmi lesquels le fidèle Justin Medal Johnson, guitariste lunaire habitué des disques de Beck), et toute la troupe se met au travail pour créer des échantillons de musique qui serviront à la conception de The Information. "L’idée, c’était de ne pas sampler des choses déjà existantes, mais de créer notre propre banque de données. Ce que nous voulions, c’était ne dépendre d’aucune musique déjà existante, afin de ne pas retomber dans l’aspect cliché que peut parfois revêtir le sample", dit le blondinet.

Autre décision: revenir vers les intonations hip-hop qui furent celles de Beck à ses débuts: "C’est Nigel qui a insisté. Nous avons eu une longue discussion, durant laquelle il m’a expliqué pourquoi il considérait que ce que j’avais fait de mieux étaient les morceaux où je prenais des attitudes hip-hop. Alors que je n’étais absolument plus intéressé par ce genre musical, j’ai décidé de faire confiance à Nigel." Et aujourd’hui, Beck n’a pas à le regretter. Avec The Information, il renoue avec les petits foutoirs géniaux qu’il était parvenu à nous faire aimer au milieu des années 90, dès la sortie de Loser.

EN ARRIÈRE, ET EN AVANT

Un pas en arrière, certes, mais qui s’accompagne aussi d’un joli pas en avant. Car le vrai génie de Beck, c’est de parvenir à structurer le fouillis, à lui donner forme comme personne. À l’écoute de Nausea, single évident, ou de Strange Apparition, I Think I’m in Love, Elevator Music ou Cellphone’s Dead, c’est un Beck à la fois chancelant et les pieds bien collés au sol qui nous épate. Et qui fait mentir tous ceux qui avaient sous-estimé Guero en y voyant une sorte de farce forcée. "Depuis quelques années, j’ai vraiment envie de revenir à des choses simples. Pendant l’enregistrement du disque, un soir avec Nigel nous nous sommes retrouvés chez moi et nous avons redécouvert dans ma cave un vieux tourne-disque qu’il fallait actionner à la main. Nous avons passé des disques toute la soirée en tournant la manivelle. C’est ce genre d’émotions que nous avons voulu retrouver sur ce dernier album."

Pour prolonger cette expérience particulière, Beck a également choisi de soigner le côté visuel. "Lors des derniers jours d’enregistrement, ma copine est passée au studio, avec sa mère et ma nièce. Nous avons décidé d’enregistrer un clip pour chacune des chansons du disque, avec des moyens minimes". Résultat: une demi-douzaine de clips qui fleurent bon le carton-pâte et la récup, tous assez amusants. Aussi, pour ce dernier album, Beck a choisi de ne pas trouver de pochette, mais de fournir des stickers pour que l’auditeur réalise la sienne. "Je n’avais pas une image précise qui me venait en tête pour ce disque", dit-il. Ça tombe bien, nous non plus: on en a beaucoup, et elles sont plutôt chouettes.

Beck
The Information
(Geffen/Universal)

À écouter si vous aimez
Guero
Sea Change
Midnite Vulture