The Herbaliser : Temps durs
Le duo britannique The Herbaliser s’arrête dans la métropole le temps d’un concert dans le cadre du NuJaz Festival. Rencontre avec un survivant, le bassiste et membre fondateur du groupe, Jake Wherry.
"Je prends des drogues médicinales dures et suis cloué au lit depuis trois jours. Je ne fais rien d’autre que regarder Band of Brothers. Ça te dirait de faire ça vite?", lance d’entrée de jeu Jake Wherry, la moitié du combo The Herbaliser, rejoint à son domicile londonien. Ayant survécu à une tragédie personnelle il y a deux ans (le décès de sa femme dans un grave accident), l’homme commence, tranquillement, à reprendre goût à la musique. "Tu sais, je n’ai pas vraiment touché à un instrument depuis ce moment. Pendant toutes ces années, j’ai placé The Herbaliser avant toutes choses, mais depuis ce drame, je n’ai rien fait à part m’occuper de mes deux jeunes enfants. Après avoir été longtemps sur la route, j’ai voulu me rapprocher de mes garçons", raconte-t-il, la voix vibrante.
Venant tout juste d’enclencher le processus créatif du successeur de Take London (paru en 2004), Wherry et son comparse Ollie Teeba ont retenu les services du M.C. torontois More or Les. Faut-il s’attendre à une oeuvre plus funky? "Définitivement. On désire retourner à l’époque de Blow Your Headphones. Il y a un élément de simplicité sur ce disque que j’adore. Je considère que nos derniers albums étaient trop astucieux. Avec Take London, on a tenté quelque chose d’ambitieux en diminuant la quantité d’échantillonnages. On s’est pris pour des compositeurs et on désirait accomplir une trame sonore de film. Dorénavant, on veut "décompliquer" les choses", précise le talentueux rat de studio.
Proposant des envolées jazz, soul et funk imprégnées d’une forte dose de hip-hop, le tandem anglais préconise les grooves organiques, affectionne les b.o. de films et les climats lugubres, et ce, depuis sa première parution (Remedies, en 1995). "À nos débuts, on travaillait avec de l’équipement primitif. Si, à l’époque, on avait eu accès à l’attirail que l’on utilise aujourd’hui, jamais on n’aurait pu produire Take London. Ça nous a pris dix années d’expérimentations pour s’améliorer en tant qu’artistes et producteurs et chaque galette reflète très bien nos connaissances et habiletés techniques. C’est avec Take London qu’on a commencé à s’équiper et à maîtriser notre art", raconte Wherry en tirant sur une cigarette.
Accompagné sur scène de sept à huit musiciens (dont une section de cuivres), le tandem propose une formule big band éclatée, mais ne vous attendez pas à la participation de nombreux M.C. Wherry explique: "Un des problèmes avec les rappeurs, c’est qu’ils sont déloyaux. Lors de notre dernière tournée, une demoiselle nous avait assuré sa présence, puis, à la dernière minute, elle a changé d’avis. C’était terriblement stressant. L’amateur qui s’est procuré notre dernier disque s’attend à retrouver ce même élément rap en concert, et c’est là qu’il peut être déçu. Dorénavant, on veut mettre l’accent sur le fait que The Herbaliser a évolué en tant qu’unité instrumentale."
Élaborant la musique d’un jeu vidéo pour EA Sports tout en magasinant un label pour la prochaine parution du combo, prévue pour 2007, Wherry considère qu’après cinq albums studios pour le label Ninja Tune, l’heure est au bilan pour The Herbaliser. "Ces temps-ci, c’est une période très difficile pour les musiciens. Hier, on a reçu nos droits d’auteur et, man, on n’a pas fait d’argent. Les gens n’achètent plus de disques, alors le futur est très incertain, non seulement pour nous, mais pour beaucoup de monde dans cette industrie. Tellement que je pense devenir facteur au cours des prochains mois. Tu me crois?" Oui, Jake, on te croit.
Le 12 octobre
À l’Olympia de Montréal
À voir/écouter si vous aimez
Plaster
The Roots
Shades of Culture
L’ÉDITION 2006
Diplo |
Conservant un goût marqué pour l’exploration et les découvertes, la troisième édition du NuJaz Festival réunit cette année une quinzaine de groupes et artistes oeuvrant dans les sphères des musiques jazz, urbaines et électroniques. Parmi les grosses pointures internationales, retenons le vétéran duo londonien The Herbaliser en version big band (on raconte que pas moins de neuf musiciens se retrouveront sur scène), le philadelphien Diplo, maître des platines et des climats festifs, le combo britannique Subterfuse, aux rythmes drum’n bass et breakbeat, ainsi que les Français de Sayag Jazz Machine, véritables machines à grooves. Se déplaçant au Main Hall ainsi qu’à l’Olympia, récemment rénové pour l’occasion, l’édition 2006 battra son plein du 10 au 14 octobre. À ne pas rater.
GROUPES MONTRÉALAIS
Deweare |
Proposant un échantillonnage de styles étonnant tout en cultivant un intérêt pour les environnements multimédias et les projections vidéo, le festival NuJaz convie cette année près d’une dizaine d’acteurs de la scène émergente montréalaise. Du dégourdissant trio Plaster jusqu’aux incontournables Artist of the Year, en passant par les relents jazz-funk d’Afrodizz, le Montréalais d’adoption Deweare et le combo jazz urbain Power supply. Sans oublier Gloomy, Kobayashi, Motus 3F, Pheek ainsi que les lauréats du Prix Étoile Galaxie, Phantom Power Deluxe Combo. Puis, le 14 octobre à l’Academy, on donne carte blanche à l’équipe de Mutek pour une soirée après-concert qui promet d’être électrisante en compagnie de Stephen Beaupré, Chic Miniature et Vincent Lemieux derrière les platines. De quoi satisfaire l’amateur de musiques aventureuses et groovantes.