Richard Séguin : Une bouteille à la mer
Musique

Richard Séguin : Une bouteille à la mer

Richard Séguin nous revient avec un 15e album en carrière, où il ouvre une porte sur son intimité tout en osant, pour la première fois, se glisser dans la peau de personnages.

C’est à Saint-Venant-de-Paquette, dans l’antre de Richard Séguin, qu’a eu lieu la rencontre pour discuter de son nouvel album, Lettres ouvertes. Les yeux de mer baignés dans la lumière automnale, installé dans sa véranda, l’auteur-compositeur discute allégrement de ce disque qui fait suite à Solo, un album qu’il distribuait dans ses spectacles et dans son site Web.

Travaillant ses chansons à la manière d’un artisan, il a pris tout son temps pour créer ce disque. S’acharnant sur les mots, jusqu’à trouver la tournure qui pourrait effacer les doutes, composant souvent plusieurs mélodies pour une seule chanson, celui qui a 38 ans de carrière consacrait souvent l’avant-midi à sculpter ses chansons et l’après-midi à creuser des sillons pour produire ses magnifiques gravures. Un dialogue s’est même installé entre ses deux pôles de création, tant et si bien qu’il n’écarte pas la possibilité d’en faire un jour un livre où les chansons feraient écho aux gravures. "Je crois vraiment que l’inspiration, c’est le fruit du travail. Je m’installe et je façonne mes chansons. Musicalement, je suis très content de ce qui s’est passé."

Sur cet album, chaque chanson correspond à une lettre: lettres à un ami (La Route ouverte, Cette saison), à sa fille (Si loin, si près), à sa soeur (Où va l’instant), à son amour (Je donnerais tout). Le chanteur se fait aussi porte-voix des laissés-pour-compte, empruntant tantôt les mots d’un adolescent qui souhaite fuir son patelin, d’un ouvrier abandonné par son amoureuse et d’un ex-analphabète qui écrit sa première lettre. Souvent invité par des organismes d’aide à l’alphabétisation, l’auteur des Bouts de papiers a lui-même été témoin à quelques reprises de l’immense fierté de gens lisant à voix haute une lettre qu’ils avaient réussi à écrire. "Je faisais toujours de l’écriture à partir de moi. Quand je traitais de personnages, je les ai toujours mis à la troisième personne. Pourtant il y en a beaucoup: Jamais dompté, Les Bouts de papiers, Journée d’Amérique, Et tu marches, mais je me mettais toujours dans la situation de l’observateur, analyse-t-il. De le faire, m’ouvre une porte […]. Les quatre chansons à personnages me font aller plus loin dans leur détresse."

Séguin s’est laissé inspirer par des lettres que ses fans lui ont envoyées. "Je pense que secrètement, les gens aimeraient qu’on les raconte. T’écris pas un fragment de ta vie sans penser qu’un jour "peut-être il en fera une chanson"." Parmi les lettres qui viennent de lui, plusieurs se révèlent touchantes, dont celle à sa soeur. J’ai confondu/J’ai attendu/Je n’ai rien vu… "Tout le monde peut dire qu’il n’a pas été assez attentif une fois à quelqu’un, explique-t-il. Dans ce temps-là, tu voudrais rattraper l’instant."

Durant la conversation, on remarque que le doute pointe dans l’oeil franc de l’artiste. "Je suis nerveux et fébrile même si ça fait 15 albums. Tu viens de mettre des années de travail là-dedans, tu ne peux pas dire: "Je me fous de la réaction du monde." Moi, je ne peux pas. Ça compte. J’espère que les chansons seront bien reçues et les intentions, comprises." L’anxiété s’est probablement calmée devant les nombreuses étoiles attribuées à ce nouveau Séguin, qui, comme les plus grands disques, révèle le meilleur de lui-même au fil des écoutes.

Lettres ouvertes
Les Productions À Ciel ouvert/Sélect

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