Ale Dee : Le mot de la rue
Ale Dee, rappeur de Trois-Rivières, parle le langage de la rue. Il connaît ses liaisons obscures, mais aussi ses exclamations lumineuses. Sur Mine de rien, son premier essai, il conjugue ses expériences.
Sa casquette lui voile légèrement le regard. Pourtant, Ale Dee est loin de se cacher derrière un look ou une image. Il endosse ses opinions – il remerciera Dieu au cours de l’entretien – et son parcours houleux. Le rappeur qu’il est aujourd’hui s’avère une conséquence directe de son passé; d’avoir un jour marché dans l’obscurité lui permet d’écrire avec une plus grande sincérité.
"Ce qui m’inspire, ce sont les vraies choses. Je ne suis pas un gars beaucoup politisé. Je ne suis pas trop engagé. Je ne fais pas ça pour être un modèle non plus. Je ne dis pas aux jeunes de faire comme moi. Moi, je fais juste dire ce que je ressens, ce que je pense. Si on se retrouve là-dedans, tant mieux", raconte celui qui a récemment sorti Mine de rien, un premier album hip-hop fort bien ficelé réalisé par Hotbox.
Si son résultat étonne, Mine de rien n’a pas échappé aux éternels préjugés. Son accouchement a duré trois années, dont une a été entièrement consacrée à la recherche d’un distributeur. "Mais c’est partout pareil. Aux États-Unis, ils ont les mêmes préjugés. Sauf que le hip-hop y génère bien plus de cash, donc on arrive à les oublier, ces préjugés. Tandis qu’ici, les médias ne sont pas toujours intéressés à embarquer dans le projet." Même chose pour les maisons de disques. "Moi, c’est mon label indépendant. Je suis l’artiste et la maison de disques en même temps." Et comment vit-il cette réalité? "Je ne me plains pas trop. Je le savais, en commençant, que ça ne serait pas facile", signale-t-il. C’est pourquoi il essaye de renverser la vapeur par ses gestes concrets. "Là, j’organise un show-bénéfice au profit du Noël du pauvre. Par mes actions, je veux montrer que, bien que je fasse du hip-hop, je suis quelqu’un comme n’importe qui." Il enchaîne: "Je pense qu’on est encore plus en contact avec le vrai monde que n’importe lequel autre style de musique. La plupart de ceux qui font du hip-hop ont un vécu ou un cheminement de la rue. Moi, je suis passé à travers plein de choses que je n’ai pas apprises à l’école. J’ai tout appris sur le terrain. J’ai toujours été une personne avec une grande bouche. J’ai rencontré plein de monde. Et ça m’a amené peut-être à faire des choses que je regrette. Mais, si je ne les avais pas faites, je ne serais pas là en train de faire de la musique."
Lorsqu’il compose, Ale Dee se laisse d’abord porter par le rythme. "Je n’écris jamais mes textes en premier. […] Un beat, ça parle. En tous cas, il me parle et il me dit quoi écrire: de quoi je devrais parler, de quelle façon." Pour Mine de rien, la musique l’a dirigé vers le quotidien de la rue, l’amour et sa propre réalité. L’artiste, qui travaille au bar D’Artagnan à Trois-Rivières, entretient d’ailleurs des liens privilégiés avec certaines de ses chansons. "On ne se cachera pas qu’on fait ça pour l’amour, la musique. Mais ça ne paie pas les bills. Je n’ai pas le goût de travailler dans une shop et de faire de la musique quand je reviens le soir. Moi, j’ai envie de faire de la musique à longueur de journée. J’aime beaucoup Mes douses parce que ça résume un peu où je suis." Il y a aussi Une place à côté de toi, sur laquelle chante Fabiola Toupin, qu’il affectionne particulièrement. "Je ne voulais pas paraître quétaine en faisant cette chanson-là. Il y a beaucoup de chansons d’amour qui sont crissement quétaines. Mais j’aime bien le résultat de celle-là. Je suis allé la chanter dans un mariage. C’était du grand monde, et ils se sont tous levés, se rappelle-t-il. Cette toune-là est pas mal remplie de bons mots que je ne dis pas assez souvent."
Ale Dee
Mine de rien
Les Disques HLM