Gianmaria Testa : Cultiver son jardin
Le chanteur italien Gianmaria Testa publie un sixième album qui prend comme fil conducteur le thème de l’exil: une autre merveille, sublime de force tranquille, d’intemporalité.
"Je ne sais rien faire d’autre que des chansons", affirme humblement Gianmaria Testa au bout du fil qui relie l’Italie à Montréal. Même si c’était vrai, où serait le mal? On en redemande, des oeuvres de ce calibre, scintillantes de poésie et de mélodies simplement belles. Gianmaria bricole depuis toujours des chansons intemporelles qu’il offre sur disque depuis 1995 avec Montgolfières. Cinq cd ont suivi, tous plus forts les uns que les autres. Le nouveau s’appelle Da questa parte del mare. Dans cette partie de la mer, les trésors de finesse se ramassent au filet de pêche. Il suffit d’écouter.
"J’adore chanter, voilà. J’ai essayé d’écrire des poèmes, mais je ne suis pas à la hauteur. Par contre, il m’est assez facile de mettre des mélodies sur des paroles. Je suis à l’aise sur scène, car je ne fais jamais de shows, je ne fais que des concerts. Je ne peux être que moi-même en chantant mes émotions à moi, ma petite vérité. Je n’ai jamais le trac. C’est le plaisir plus que le souci. Si les gens ne m’aiment pas, personne ne va tomber malade, à la limite, ils vont sortir!", raconte Testa avec un humour discret et attachant. Gianmaria, c’est l’incarnation d’une existence menée loin du bruit et de la fureur, de la trépidation de notre époque: "Je ne pourrais plus écrire si je n’avais pas une vie normale comme tous les autres. Là, avant votre appel, j’étais justement en train de travailler dans le jardin…"
Testa cultive son jardin, quelques jours avant d’entamer une tournée européenne de spectacles pour présenter Da questa parte del mare. Un album concept autour du thème de l’exil. Les personnages mis en scène, racontés de l’intérieur avec tendresse et compassion par un auteur raffiné, sont des migrants, des oiseaux de passage: "Chacune des chansons est reliée à la suivante. Je suis rentré en studio en sachant déjà le filage du disque. La première chanson parle d’un départ collectif, la seconde est un focus sur une seule personne, la troisième parle de la perte d’identité, puis celle de la traversée… C’est comme un livre avec des chapitres." Ce pourrait être lourd, malhabile, forcé. Ce serait mal connaître l’auteur-compositeur: tout coule de source, avec subtilité. Il suggère plus qu’il ne souligne, et c’est l’art des grands paroliers. Un monde bien à lui, une manière unique d’écrire.
Sans oublier la richesse musicale et vocale (une voix incomparable), sa guitare acoustique, la clarinette, le violoncelle. La direction artistique a été confiée à Greg Cohen, et il a su parfaitement entrer en osmose avec l’univers doux de l’enchanteur. Que l’on soit familier ou non avec la langue italienne, il y a dans les albums de Testa une musicalité qui berce et ensorcelle. Da questa parte del mare est une étape supplémentaire dans son oeuvre. Une main tendue pour s’exiler hors de soi-même, avec lui. À l’horizon scintille une sombre mer.
Gianmaria Testa
Da questa parte del mare
FUSION III
À écouter si vous aimez
Leonard Cohen
Fredric Gary Comeau