Fred Fortin : Buffet chaud
Fred Fortin célèbre cette année le 10e anniversaire de la sortie de son premier album. Quoi de mieux pour souligner l’événement qu’une invitation du Consort contemporain de Québec pour un sonique dépeçage au 20e Coup de coeur francophone?
À la suite des renversantes expériences avec Pierre Lapointe et Loco Locass, le Consort contemporain de Québec n’allait certainement pas faire relâche en cette 20e édition du Coup de coeur francophone. La troupe dirigée par Nicolas Jobin s’attaque maintenant au répertoire de Fred Fortin, qui lançait il y a déjà 10 ans son premier album, Joseph Antoine Frédéric Fortin Perron. Ayant depuis accumulé trois autres albums (en incluant l’abrasive excursion avec Gros Mené), une panoplie de concerts en formule groupe ou homme-orchestre, une foule de collaborations (Mara Tremblay, Large Ensemble ou derrière la console pour Arseniq 33), plusieurs prix tels le Miroir de la chanson francophone au Festival d’été de Québec en 2000, le prix Chanson au gala MIMI en 2001 et le prix Feng Shui à celui de 2005, sans oublier ses fracassantes prestations derrière la batterie pour Les Breastfeeders, Floating Widget et Galaxie 500, Fred Fortin figure désormais parmi les incontournables de la chanson et du rock québécois. On en vient jusqu’à trouver superflu de demander au directeur artistique et musical du Consort les raisons ayant motivé ce choix.
CUL-SEC
"Au départ, c’est une oeuvre qui est déjà ancrée dans une certaine contemporanéité, amorce Jobin. Les arrangements sont déjà quand même assez sophistiqués, particulièrement sur le dernier disque (Planter le décor/C4/2004). Mais juste son propos et la manière qu’il a de rouler sa bosse; il fait tout d’une façon vraiment très personnelle et il a un langage qui lui appartient. Il cherche à toucher les gens d’une manière ou d’une autre, et ça rejoint un peu notre démarche à nous, qui est de démystifier un peu nos esthétiques, mais sans trop de compromis non plus. Alors, quand on nous a demandé de choisir quelqu’un, il s’est comme imposé; il a fait l’unanimité dans l’équipe et on est tout de suite embarqués dans le projet", ajoute-t-il, soulignant avoir opté pour un grand survol de l’oeuvre au lieu de se concentrer sur certaines périodes ou quelques volets précis. "C’est une synthèse de tout; on s’est vraiment équitablement répartis dans les trois albums de Fred, puis on fait même une incursion dans le Gros Mené; du Gros Mené de chambre!" rigole-t-il. "Je suis pas mal à leur merci!" s’esclaffe à son tour le principal intéressé, se disant très flatté de voir un tel orchestre s’intéresser à sa musique. "Le but de l’affaire, c’est de se laisser surprendre, d’embarquer dans le bateau et d’essayer de faire de quoi. Puis avec des musiciens de qualité, c’est sûr que c’est le fun!"
CASSE-GUEULE
En plus de Jobin, qui dirigera sur scène 12 musiciens, trois de ses complices (Pierre-Olivier Roy, Claude Boucher et Guillaume Boulay) auront mis l’épaule à la roue pour les arrangements. "On monte d’abord le répertoire ensemble puis après ça on reçoit la personne", raconte le maestro, également comédien, danseur et metteur en scène. "Pour une question de logistique d’une part, puis évidemment pour lui en mettre plein la gueule quand il arrive, pour que la surprise soit vraiment totale. On essaie d’aller chercher le plus d’esthétiques possibles et, ensuite, on prend rendez-vous avec lui et on le fait venir pour une grosse semaine intensive de répétitions. À ce moment-là, on passe à travers tout le répertoire puis on décrotte", poursuit-il, mentionnant l’évolution continue du matériel en cours de processus. "Parce que musicalement, on place des choses entre nous, en orchestre, avec nos dynamiques, mais finalement, lui arrive avec son interprétation et il faut changer tel et tel trucs. Alors, c’est une grosse semaine d’ajustements", explique-t-il. Mais la grande beauté dans ce type de projet, c’est la spontanéité et l’unicité de chaque représentation. "On ne fait jamais deux fois la même pièce, poursuit Jobin. Ça reste très flexible, très émotif, dépendant de comment Fred se sent devant nous, de ce qu’il donne vocalement ou de ce que les partitions impliquent en émotivité. Ça va être très on the edge; ça risque de faire des beaux moments. Et le public se tient au bout de sa chaise dans ce temps-là parce qu’il le sait; ça engendre une fébrilité sur scène et ça fait tout le temps des soirées bien magiques…"
DAIGNER GOÛTER
Quant à Fortin, il ne se trouve pas en terrain totalement inconnu lorsqu’il est question de musique contemporaine, grand merci à ses études en basse et en composition. "J’en écoute pas vraiment, mais j’ai tâté le terrain quand j’étais au cégep; j’ai même étudié en composition contemporaine pendant quelques sessions. C’est de la musique qui m’a ouvert beaucoup de paramètres", concède-t-il, se souvenant au passage de quelques palpitants professeurs. "C’est sûr que fondamentalement, je suis né dans la musique pop et dans le rock, alors je ne me casse pas la tête tant que ça; je n’ai peut-être pas toute la rigueur pour faire ça parce que c’est une musique qui est quand même exigeante. Ce n’est pas mon domaine, mais je suis capable d’apprécier le buzz; ça m’allume, d’une certaine façon. Je ne suis pas complètement perdu…"
Pour ceux et celles ayant la moue facile à la seule mention du terme "musique contemporaine" ou qui craignent de se retrouver à mille lieues de ce qu’ils connaissent de Fortin, Nicolas Jobin se montre rassurant, mais réaliste. "C’est sûr que ça donne quelque chose de très surprenant. Nous, ce qui nous pousse à éclater tout ça, c’est que, quand les gens viennent pour une relecture, on veut vraiment leur donner quelque chose de particulier. Des fois, on est complètement à côté de la track parce qu’on a bien trop disjoncté, mais ça se porte tellement bien; tout est parfaitement intégré. Il y a moyen de tout éclater sans trop s’égarer quand même; ça demeure contrôlé…" Une seule façon d’en avoir le coeur net: figurer au nombre des veinards spectateurs.
Le 2 novembre à 20h
Au Théâtre Petit Champlain
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