Le Festival du monde arabe de Montréal : Tech de Turcs
Le Festival du monde arabe de Montréal propose une rencontre remarquable entre l’Orient et l’Occident. Le groupe DuOud est un exemple parfait du métissage entre l’instrumentation traditionnelle et le langage électronique. Entretien avec Jean-Pierre Smadj.
La 7e édition du FMA, sous le thème des Prophètes rebelles, favorise plus que jamais la rencontre entre la culture du Moyen-Orient et celle d’une grande ville occidentale, mais de plus en plus cosmopolite, Montréal, l’échange entre intellectuels et artistes soucieux de préserver la mémoire et capables de réinventer le présent. Le volet Arts de la scène, par des concerts d’artistes provenant de nombreux pays du monde arabe, illustre précisément ce rapport de la tradition et de la modernité, l’exploration des racines et la recherche de nouveaux outils. Symphonies du Nil, un hommage au cheikh Sayyed Darwich, Islam Blues, avec Kudri Erguner, le maître du ney (flûte orientale) et Les Possédés, spectacle regroupant des danseurs d’esprit soufi, de baladi et d’expression contemporaine, ne sont que quelques-uns des événements de cette riche programmation.
La musique du groupe DuOud, formé de Mehdi Haddab et de Smadj, représente parfaitement cette fusion entre l’acoustique et l’outil électronique. Depuis 2002, le duo n’a pas cessé de parcourir la planète. Jean-Pierre Smadja (oud, programmation, ingénieur de son) mène plusieurs projets en parallèle. Cette passion pour les mélodies arabes et pour le groove électronique remonte à plusieurs années. Il nous explique ici son intérêt pour la programmation: "Il y a l’aspect rythmique, le pattern propre à la base de la programmation. Après, toute la recherche sonore, les timbres. Les deux se complètent. J’aime cette alchimie". Smadj nous parle de la place de l’électro norvégienne: "L’électro est apparue dans les caves londoniennes. On s’enfonçait pour créer quelque chose par ses propres moyens. L’électro se fait seul. Les pays nordiques sont des lieux de quiétude, de silence. Cela pousse à faire une musique mystique. C’est relié à la culture".
L’alliage entre l’électro et la transe soufie renvoie à l’idée de transe: "Ce terme n’est pas tellement adapté à notre musique. Notre répertoire est physique, le soufisme, c’est l’apologie de la lenteur".
En 2004, Mehdi Haddab et Smadj se rendent au Yémen comme artistes en résidence, et découvrent la musique traditionnelle de ce pays. Ils y enregistrent le disque Sakat (Silencieux) avec le chanteur et joueur de oud Abdulatif Yagoub: "Les interprètes yéménites ont du luth arabe une technique bien spécifique. Il a fallu la transposer sur le oud moderne. Sur le disque, Ahmed Taher joue du mismar, une sorte de bombarde yéménite. L’électro permet ici de souligner des choses qui existent déjà, puis, partant du rythme traditionnel, on est arrivé à d’autres rythmes. Il y a toute la recherche plus mélodique. L’outil électronique permet de créer une ambiance, à partir de sons synthétiques, de samplers". Smadj vient de s’installer à Istanbul, carrefour magnifique de musiques mais un univers très protectionniste: "En Turquie, on prend de l’extérieur pour nourrir l’intérieur. Mon défi, c’est de faire connaître les projets turcs à l’extérieur". Il vient tout juste de réaliser un projet personnel, SOS, un trio en réalité balkanique! (D. Lelièvre)
Le 27 octobre
Au Théâtre Corona
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À voir/écouter si vous aimez
Dhafer Youssef
Mercan Dede
Sheila Chandra
BAGDAD HIP-HOP
Dans le cadre de la septième édition du Festival du Monde Arabe de Montréal, on propose une soirée hip-hop aux effluves orientaux en compagnie de Jamal Abdul Narcel, alias Narcy (ou MC Narcicyst), leader de la formation montréalaise Euphrates. Ayant survécu au décès d’un des membres de son équipe de production, la bande fit paraître en 2004 Stereotypes Incorporated, un deuxième opus qui laissa sa marque sur la scène internationale. Auteur de textes politisés et rageurs, le jeune homme considère que l’universalité de ses propos aida sa troupe à lutter contre le racisme ambiant. "Nous brisons les stéréotypes arabes dans les médias et les réactions furent extraordinaires, non seulement chez les Irakiens, mais aussi chez les Arabes en général", affirme le jeune MC d’origine irakienne. Un événement sortant de l’ordinaire à ne pas rater le 8 novembre au Théâtre Corona. (S. Martel)
JAZZER ARABE
Cette soirée réunit deux formations qui fusionnent de multiples influences musicales. En première partie: Shusmo. À sa création en 2000, cet ensemble new-yorkais dirigé par Tareq Aboussi mêlait la musique du Moyen-Orient avec différents éléments de jazz. Au fil des ans, les cinq musiciens ont inclus des rythmes latins, même le spoken word. En seconde partie, le quartette ontarien de Mel El’rabat. Marocain d’origine, il a grandi à Grenade et vit maintenant à Ottawa. Ce virtuose du oud et émouvant chanteur renoue avec ses racines andalouses. Il explore la musique espagnole, du flamenco à ses racines arabes (turques, kurdes, arméniennes) et n’hésite pas à s’ouvrir à la musique afro-américaine (jazz, funk, musiques cubaine et brésilienne). Mercredi 1er novembre, à 20 h, Théâtre Corona. (D. Lelièvre)