Lynda Thalie : L'Orient express
Musique

Lynda Thalie : L’Orient express

Lynda Thalie, forte de ses cinq nominations à l’ADISQ, trimbale un peu de soleil de son Maghreb natal dans la région avec son spectacle De neige ou de sable. Entretien.

Au bout du fil, la voix scintille, papillonne. Lynda Thalie se trouve entre deux séances d’essayage pour le Gala de l’ADISQ. L’artiste d’origine algérienne était par ailleurs en nomination dans cinq catégories, dont celle de l’Album de l’année – Musique du monde, pour lesquelles les Félix ont été remis quelques jours plus tôt, lors de l’Autre Gala à ARTV. Si elle n’a remporté aucun trophée, la jeune femme ne revient pas les mains vides. "C’est comme si on mettait cinq cerises sur un sundae, comme pour me dire: "Bienvenue dans cette industrie musicale-là! On reconnaît ton travail et on l’apprécie." Moi, c’est plutôt comme ça que je vois ça. Parce que la récompense, honnêtement, chaque soir de spectacle, je la vois dans les yeux des gens", avoue-t-elle doucement.

QUÉBEC-ALGER

Si ses souvenirs d’enfance se nichent dans les parfums et les couleurs d’Alger, Lynda Thalie est devenue femme au Québec, lieu où elle vit depuis maintenant 12 ans. Avec son deuxième album éponyme, sorti en 2005, elle estime avoir atteint un équilibre entre ses deux cultures: "Là, ça me convient pour qui je suis en ce moment même. Ça reflète vraiment cet équilibre-là. Qui sait ce que l’avenir va réserver? Mais je pense que je suis arrivée à l’harmonie que je souhaitais."

À travers la douzaine de titres se dessinent tantôt une mer bleue, tantôt l’espoir d’une liberté malheureusement brûlée par le soleil. Chaque mot transporte avec lui une parcelle de l’Afrique du Nord. C’est donc avec un léger étonnement qu’on apprend que toutes les chansons ont été écrites en collaboration (Michel Rivard, Béatrice Richet, Dave Richard…), quand elles ne sont tout simplement pas des reprises (Adieu mon pays d’Enrico Macias, Pearls (Djouhar) de Sade). Collier de jasmin, texte magnifique offert par Tristan Malavoy-Racine, s’agrippe entre autres plus que jamais à une réalité qu’on imagine a priori orientale. Tout en évoquant l’odeur du jasmin et les souvenirs de murets, il chante l’espoir de l’abolition des frontières du coeur humain. "Partout où que j’aille, les gens ont des murs entre eux, mais de vrais murs. Il y avait le mur de Berlin, maintenant il va y avoir un mur entre le Mexique et les États-Unis. Donc il y en a toujours, des murs. C’est pour cet isolement-là que j’espérais… Pour moi, le jasmin est un symbole de paix et d’harmonie. D’offrir des colliers de jasmin, c’est de rassembler ce qui était divisé", dit-elle. "Le collier de jasmin, ça a une grande symbolique pour moi. C’est ce que j’offrais à ma mère quand j’étais petite", poursuit Lynda Thalie avant d’expliquer pourquoi ses collaborateurs décrivent avec finesse des lieux qu’ils n’ont jamais fréquentés. "Il suffit juste, en travaillant avec quelqu’un, de réellement se montrer, de montrer son soi intérieur, ce qu’on a vécu. Et ça se fait très bien, même avec Galouli, une chanson pour les femmes dans le monde qui est très revendicatrice. Cette chanson-là, je l’ai écrite avec Béatrice Richet. C’est une Québécoise d’origine française qui n’a aucun vécu de ce côté-là. Mais à partager ensemble et en se connaissant aussi, on finit par avoir cette proximité-là, qui fait que l’écriture devient juste et me colle à la peau pareil. Tout vient de mes images, de mon vécu."

UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR

Une histoire d’amour de Dalida figure maintenant sur la plus récente édition de l’album de Thalie. Comment le feu est né entre elle et cette pièce? "Bien, c’est arrivé comme les histoires d’amour. C’était absolument imprévu! (rires) Vraiment, ce n’est pas un accident de parcours. Sinon, ça serait un bel accident! J’avais loué plusieurs disques à la Bibliothèque nationale. Puis, quand j’ai entendu cette chanson de Dalida, j’ai fait "Wow!". J’étais tellement chavirée par cette chanson que je me suis dit que j’allais la présenter en spectacle. Surprise générale, tout le monde capotait!" s’exclame-t-elle. L’amour enveloppe d’ailleurs plusieurs de ses compositions. "C’est drôle parce qu’au premier album (Le Sablier), je ne voulais pas en parler vraiment. Mais l’amour, j’ai l’impression qu’on en parlera toujours, parce que c’est le moteur de la vie. L’amour avec un grand A, que ce soit entre un homme et une femme, entre quelqu’un et son enfant, pour un pays, je crois qu’il a toute sa place. C’est bien important d’en parler."

Plus récemment, la chanteuse a revisité d’une manière arabique La route est longue de Luc De Larochellière sur Voix croisées, nouvel album soulignant les 20 ans de carrière de l’auteur-compositeur-interprète. Une expérience qu’elle a adorée. Mais est-ce que ça l’ennuie parfois qu’on focalise sur ses origines algériennes, car elle est aussi une Québécoise? "Je ne suis pas de celles qui vont obéir pour faire plaisir. Donc, si ça me convient, si ça me ressemble, si ça va avec qui je suis et que ça reste dans ma ligne de vie, je vais être bien contente. Je suis aussi contente qu’on me reconnaisse par cette petite différence-là. Car dans la différence, il y a tellement de richesse. Mais je suis aussi québécoise. Donc je n’accepterais pas d’être l’Arabe de service. Ça, c’est clair", conclut celle pour qui les prochains mois s’annoncent des plus chargés.

Le 9 novembre à 18h
À la salle Philippe-Filion

Le 16 novembre à 20h
À la salle Anaïs-Allard-Rousseau