Amélie Veille : À la folie
Musique

Amélie Veille : À la folie

Amélie Veille célèbre ses 25 ans avec un nouveau spectacle tiré de son plus récent album, Un moment ma folie. Un quart de siècle et la saine envie de lâcher son fou.

Deux ans après notre première rencontre, on retrouve chez Amélie Veille les mêmes yeux pétillants, le même sourire à faire fondre l’Arctique et toujours ce rire franc et sonore pouvant dissiper les pires cumulonimbus. On la sent plus zen que jamais. Peut-être à cause du yoga, dont elle est friande depuis quelque temps. Elle relate avec entrain sa récente rencontre avec Maxime Le Forestier en France, l’enregistrement d’une chanson en duo avec Jacques Villeneuve, puis son périple au Paraguay l’été dernier, ayant donné naissance à une vive passion pour la langue espagnole. Mais il y a autre chose. On perçoit chez elle une confiance majorée, une assurance tranquille mais certaine. Il faut dire que la jeune femme possède déjà six ans d’expérience dans le métier, elle qui vient tout juste de fêter son 25e anniversaire. Et ce nouveau cap ne semble pas avoir été trop difficile à franchir. "Je prends bien ça!" assure-t-elle, reconnaissant néanmoins l’avènement d’une toute nouvelle gamme de préoccupations. "Vingt-cinq ans, pour moi, c’est l’heure des mises au point; je pense à ce que j’ai accompli jusqu’ici, à où je veux m’en aller, à ce que je veux vraiment… Je pense que c’est un tournant pour moi. C’est l’heure des bilans!"

Comme il se doit, le bilan dressé s’avère des plus favorables. Depuis la parution de son premier essai éponyme à l’automne 2003, la musicienne d’origine beauceronne a cumulé les concerts aux quatre coins du Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Europe, a remporté les prix de l’auteure-compositrice-interprète et de l’interprète féminine au Festival de Pully à l’heure du Québec en Suisse, en plus d’obtenir en 2004 une nomination à l’ADISQ dans la catégorie Album folk contemporain de l’année. Au printemps dernier paraissait son deuxième album, Un moment ma folie (VivaMusik), recueil aux compositions plus étoffées et aux textes toujours empreints de la même authenticité. "J’ai de plus en plus de plaisir à faire ce que je fais, confie-t-elle. Je trouve que mon métier est de plus en plus dense, de plus en plus riche, et les rencontres sont de plus en plus intéressantes. Je vois la musique d’une façon de plus en plus globale, et je travaille de plus en plus fort aussi. Puis il y a une forme de naïveté qui s’effrite pour laisser de la place à plus de lucidité, je dirais…"

LA BULLE

Amélie Veille porte ainsi une attention supplémentaire à la démarche empruntée et accepte de bonne guerre le fait de se dévoiler toujours davantage au fil des chansons. "C’est ce que j’ai réalisé en préparant le nouveau spectacle", explique-t-elle, soulignant la chimie grandissante avec ses compères Mario "Toyo" Chagnon (guitares, direction musicale), Alex Ouellet (basse) et Bertil Schulrabe (batterie, percussions) sur scène. "Je me livre beaucoup dans mes chansons, et je pense que ça va de soi pour la majorité des auteurs-compositeurs. Mais ce n’est pas un but d’exhibition; c’est un but de partage, de communication et de réconfort. J’ai réalisé que je me dévoilais pas mal alors que je suis une personne quand même relativement réservée. Mais livrer quelque chose dans une chanson et le dire, c’est très différent. La chanson devient comme une bulle préservée où je peux dire des choses intimes; je peux parler de choses très personnelles dans une chanson, mais ça ne veut pas dire que je vais aller raconter ça à un journaliste, par exemple. La chanson, c’est comme une chasse gardée d’intimité, et je trouve ça intéressant pour ça…"

JARDIN DE GIVRE

Assez intéressant pour tranquillement vouloir laisser filtrer ce petit côté givré, dissimulé sous l’image de jeune femme sage et douce. Un léger trop-plein de folie ne demandant qu’à s’exprimer. Et c’est ce qui devrait se produire dans ce nouveau spectacle sous les thèmes du rêve et du surréel, mis en scène par Dominick Trudeau, auquel participeront quelques invités spéciaux. "Oui, j’en ai un petit côté wild, rigole-t-elle. Il est bien caché, hein?!" Effectivement, on le devine, pas trop loin derrière, mais on le sent quelque peu muselé, refoulé. "C’est ça qui est bizarre; je pense que tout le monde, on a des côtés avec lesquels on est en paix, d’autres avec lesquels on l’est moins. Mais je pense que de plus en plus, je vais me permettre de me laisser aller. Il y a comme quelque chose en latence. Mais c’est bien là. Et j’ai comme le sentiment que ça va sortir de plus en plus. Mais ça demande toute une maîtrise de son truc pour vraiment pouvoir lâcher son fou et vraiment s’amuser… Sur une scène, il y a comme une retenue, on dirait. Je pense que j’ai été relativement prudente artistiquement jusqu’ici, mais là, je me permets de l’être un peu moins. C’est sûr que je m’amuse plus aussi; je suis moins sur les brakes… Et ça, ça va aller en grandissant!"

SUR LE FIL

Si l’artiste partage le faible du journaliste pour les créateurs flirtant avec une forme de démence créatrice, elle convient qu’il puisse s’agir d’un terrain glissant. "C’est vrai que c’est spécial quand même quand tu regardes d’où viennent les meilleures idées, les idées de génie… La frontière est souvent très, très mince entre les deux; à un moment donné, t’es dans quelque chose de très sain, de positif, de complètement éclaté, de coloré et de fou braque, puis il y a une petite ligne qu’il ne faut pas dépasser parce que tu vas tomber dans quelque chose de destructeur. C’est un peu comme sur la crête d’une montagne… Les artistes les plus encensés, bien souvent, ils se trouvent juste au sommet. Il y en a qui réussissent à rester là, mais, bien souvent, il y en a qui crashent aussi. Socialement, il y a des conventions dictant quels comportements sont acceptables et d’autres inacceptables… Artistiquement, ça fait partie de l’apprentissage, comment maîtriser son truc; être capable de laisser aller cette folie-là puis en même temps s’arranger pour ne pas tomber…"

Le 22 novembre à 20h
À la salle Albert-Rousseau
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