Michel Faubert : La dernière scène
Michel Faubert offre en concert les doux airs apocalyptiques de son nouvel album à saveur électro-trad, La Fin du monde, réalisé par Jérôme Minière. Entretiens avec le cueilleur et l’apprêteur.
Neuf ans après son dernier recueil de chansons (L’Écho des bois, 1997), Michel Faubert récidivait fin septembre avec La Fin du monde (La Tribu), assouvissant du même coup un fantasme qu’il caressait depuis des lustres: celui de marier sa passion pour les contes, les complaintes et les chansons traditionnelles avec son affection, peut-être moins vive et moins notoire mais néanmoins bien présente, pour les sonorités électroniques. "Il y a certaines choses assez anciennes, plus de ma génération, que j’avais beaucoup aimées, explique le conteur-chanteur, soulignant par exemple toute son admiration pour les Allemands Kraftwerk, dont il possède la discographie complète. "J’ai même fait partie d’un groupe électro pendant un an, dans les années 80; ça s’appelait Janitors Animated et c’était dirigé par Yves Chamberland, relate-t-il, avant de partager son intérêt pour une panoplie de genres musicaux. "En fait, je peux écouter un chanteur breton le matin, Nick Cave l’après-midi, puis Kraftwerk le soir!"
Si la graine de cette idée d’alliage sonore anachronique fut plantée au début des années 80, il aura fallu patienter au-delà de 25 ans pour qu’elle germe à point. "Je pense que dans les années 90, je n’étais pas encore prêt pour ça, estime-t-il. J’étais encore en train de me chercher…" Puis manquait toujours au tableau l’avènement d’une rencontre déterminante: celle de son partenaire d’étiquette Jérôme Minière, avec qui il collaborera d’abord pour le spectacle Amours sorcières. "J’avais l’impression qu’il y avait quelque chose de pas fini dans cette collaboration-là, relate Faubert. Puis bien vite, pour moi, l’urgence de faire un album de chanson a frappé à la porte; j’avais hâte, j’étais dû, je m’ennuyais de ça. Et l’idée de Jérôme est revenue, car ça me promettait une autre palette de couleurs. J’ai fait beaucoup de choses avec des guitares auparavant. Et je savais qu’avec Jérôme, il y en aurait, mais pas seulement ça; qu’il y aurait aussi des nouvelles ambiances pour moi. Alors je me suis lancé dans ce projet-là avec grand plaisir, et avec très bon espoir de me faire surprendre…"
Quant à Minière, il s’agissait pour lui d’une première expérience dans le rôle exclusif de réalisateur-arrangeur; une aventure enrichissante, mais une tâche tout de même exigeante, s’étant étalée sur près de huit mois. "Ça m’a permis d’explorer des zones que je n’explorerais pas de moi-même, confie-t-il. Ce sont des univers qui ne sont pas forcément les miens à la base, des idées que je n’aurais pas eues, poursuit-il, ravi d’avoir pu tâter une nouvelle fois le monde fantastique de Michel Faubert. "Ça me fascine de le voir amener toutes sortes de sources différentes comme ça; aussi bien des vieux textes que des plus récents. Il a tout un bagage et il est vraiment très doué pour réunir des choses qui sembleraient ne pas aller ensemble au départ; il grappille un bout de texte par-ci, un bout de mélodie par-là… C’est plus un glaneur, quelqu’un qui ramasse des choses…"
En plus d’avoir mis à contribution ses talents de technicien et les nombreuses machines encombrant son laboratoire sonore, Minière prête son batteur José Major pour le volet scénique du projet, qui mettra aussi en vedette Sandy Belfort (claviers), Marie-Pierre Fournier (basse), Dominique Lanoie (guitare) et Daniel Roy (percussions, instruments traditionnels). "Je veux que le spectacle garde la couleur de l’album, et je veux aussi revisiter mon ancien matériel avec cette influence", souligne Faubert.
Que tous soient donc prêts pour une sonique macédoine aux parfums de fin du monde, celle appréhendée, ou celle déjà survenue, dont personne ne s’est rendu compte… "On souhaite tous mourir sans s’en apercevoir, répond Faubert quant à son apocalypse rêvée. Et des fois j’ai l’impression que ça se passe un petit peu dans la vie qu’on mène, dans les choses qu’on n’a pas le temps de voir et de ressentir, à courir tout le temps, à vouloir que les choses aillent aussi vite, à commencer à chanter et vouloir être une star dans un an… Vedette, ce n’est pas un métier, ça; on ne prend même plus le temps de faire les choses. Et c’est là-dedans qu’on meurt tranquillement, sans s’en rendre compte, et c’est pour ça que la fin du monde est en train de se passer et qu’on ne s’en aperçoit même pas. Elle est peut-être même déjà passée…"
Le 13 décembre
Au Grand Théâtre
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