Michel Rivard : Homme de confiance
Michel Rivard, entre quelques souvenirs d’enfance et deux chansons ludiques, se livre à d’intemporels arrêts sur image afin de retenir le bonheur et de se rassurer sur le sens du temps qui passe.
"J’ai un pays qui branle dans le manche de ma guitare."De ce nouveau disque solo où Michel Rivard pratique les vertus morales de la simplicité technique, certains voudront peut-être retenir cette phrase extraite du Beau grand jamais vu, dernier des 13 titres de Confiance. Dans le contexte d’un Québec indécis, l’anecdote vaut dans la mesure où elle illustre les hésitations de Rivard à reprendre le flambeau porté par Leclerc, Vigneault et compagnie. "As-tu l’impression de vivre dans un pays qui sait où il veut aller, toi? Quand tu sais que tu pourrais faire un pas vers quelque chose de mieux mais que tu ne le fais pas, ça s’appelle branler dans le manche, par chez nous. Je me refuse à être un porte-parole. Je ne veux pas me retrouver sur des tribunes qui demandent des réponses de spécialistes. Si mon coeur me dit de porter un drapeau, je le porterai. Si mon coeur me dit d’attendre, j’attendrai. Comme tout le monde, certains matins, je me réveille férocement indépendantiste; et d’autres jours, pas nécessairement convaincu. J’oscille… comme tout le monde… Et je pose la question…"
Hormis la pièce Seize ans déjà, Le beau grand jamais vu contient les propos les plus "ex-centriques" de Confiance. L’un des rares moments où Rivard sort parcimonieusement de sa précieuse intériorité douce et grave pour causer politique et écologie. Car le corps de ce disque (Si, par malheur…, J’te dis oui, Les Chemins de gravelle, Photo dans ma tête, Confiance) repose essentiellement sur des chansons intemporelles, un rien abstraites, contredisant les dires d’Aragon: il y a bel et bien des amours heureuses!
"Dans ma vie, j’ai fait le choix d’être heureux, d’avoir des responsabilités, une famille, une blonde que j’aime. Je savais qu’en faisant ce choix-là, je donnais un sérieux croc-en-jambe à l’auteur-compositeur des chansons de célibataire du temps de Don Quichotte. Oui, c’est plus difficile de faire des chansons sur le bonheur que des albums complets de chansons où l’on se plaint de solitude. Je le prends comme un défi."
Confiance contient quelques audaces, mais de la composition jusqu’au mixage, outre quelques percussions, il s’agit presque du travail appliqué d’un seul homme, coincé avec lui-même durant deux ans dans son studio. "Pour la première fois, y’avait personne quand je chantais, personne d’impatient après la cinquième prise… Seul, je ne chante pas pareil, je ne performe pas. Je ne pousse pas la voix…" Son désir de prendre les choses en main, il l’attribue au bilan de sa plus complexe expérience musicale, Un trou dans les nuages: "En 1987, j’ai voulu faire un virage, me faire emmener ailleurs… J’en suis fier… mais je n’étais pas heureux là-dedans. Je suis né dans le folk. Récemment, lorsque j’ai refait les chansons d’Un trou dans les nuages pour la scène avec un petit groupe, j’ai compris que le folk était ma base, mon école, mon besoin. Dans mon studio, je faisais des maquettes simples et j’aimais ce que j’entendais, ce côté artisanal… Alors je me suis dit que j’étais probablement, après 30 ans, un assez bon juge de mon travail."
Michel Rivard
Confiance
(Spectra / Select)