Caïman Fu : L’allégorie de la bouffe
Avec Caïman Fu en tournée dans la région, on s’en met partout et on aime ça. Entrevue pas toujours propre avec Nicolas Grimard, guitariste du groupe.
Invariablement, tous les articles traitant de Caïman Fu font un détour par le chemin parallèle de la carrière télévisuelle et cinématographique d’Isabelle Blais, chanteuse et parolière du groupe. Voir s’y est pour cette fois refusé, privilégiant le regard de Nicolas Grimard, guitariste qui a fondé le groupe Caïman Fu avec Yves Manseau. Évidemment, on ne pouvait pas ignorer totalement la vedette du petit et du grand écran…
DOUBLE VIE
Le guitariste ne cache pas que le groupe ait pu profiter, au tout début, de l’attraction indéniable de la chanteuse-actrice sur le milieu médiatique. "C’est certain qu’il y a des avantages, avance-t-il. Au début, j’imagine que pour nous autres, ça a été plus facile d’avoir des entrevues, de sortir médiatiquement. Mais nous autres, comme band, si on oublie l’entourage, si on oublie les médias et qu’on ne pense qu’à nous autres, à notre nombril personnel… Qu’Isabelle fasse du théâtre ou qu’elle soit connue dans le milieu du cinéma ou de la télé, c’est juste un plus. C’est un axe de plus pour l’expression. Ça ne peut pas nuire."
Et le revers de la médaille, est-il souillé? Le vedettariat étant ce qu’il est, une carrière au cinéma et à la télé est très accaparante et provoque souvent l’envie chez le commun des mortels… Caïman Fu aurait-il éprouvé quelque difficulté à cause de la situation d’Isabelle Blais? "Ça peut nuire quand quelqu’un n’est pas vraiment un chanteur, mais ce n’est pas le cas d’Isabelle. Elle fait ça à 100 %, comme tout ce qu’elle entreprend, avec le même respect, avec le même travail. Des fois, je sens que les gens pensent qu’on l’a eu plus facile. Que ce serait juste pour le fun, pour Isabelle. Mais je pense que, du moment qu’ils ont vu un show, ça change tout. Quelqu’un qui ferait un travail pour les mauvaises raisons ne serait capable d’appâter le monde qu’une seule fois. Si c’est pas bon, personne après ne va y retourner. Là, ça fait sept ans que le groupe existe. Maintenant, on s’en fait moins parler. Les gens savent que c’est pas pour le kick!"
Du même souffle, Grimard explique qu’Isabelle Blais n’est pas, à proprement parler, la seule qui mène une double vie, même si sa seconde carrière est plus évidente pour le public. "Notre bassiste joue avec d’autre monde (Malade Mantra). Nous autres aussi, les autres membres du groupe, on a d’autres projets… On n’est pas aussi occupés qu’Isabelle, mais on n’a pas vraiment beaucoup plus de disponibilités. Igor (Bartula) a réalisé les albums de Viviane Audet, Lauren Posner. Moi, je suis en train de monter un projet solo de musique instrumentale. J’ai accompagné Lauren Posner avec Igor. Maintenant que c’est fini, que je n’accompagne plus personne, je retombe dans mes affaires à moi, mes projets personnels de gros rock sale et de musique de film. C’est un mélange des deux. C’est un peu paradoxal, mais c’est super smooth pis ben loud, c’est les deux en même temps."
L’ALLÉGORIE DE LA BOUFFE
Le clip de Continuer son chemin et la séance de photos qui s’en est suivie donnaient une image forte à propos du groupe. Caïman Fu, c’est comme une guerre de bouffe. Chaque mets savouré à part, avec parcimonie, est délicieux. Devenues projectiles dans un salissant champ de tir, merdant les plus beaux habits, même les petites bouchées les plus relevées perdent de leur délicatesse. Et pourtant, il n’y a rien de plus amusant.
Le propre de la musique de Caïman Fu est justement d’être éclectique. Même si ça devait donner mal au coeur à certains critiques parmi les plus puristes. "Le point de départ du groupe, c’était: "On fait des tounes, pis on checkera après". On a tout le temps dit qu’on prenait nos décisions un coup qu’on avait des tounes. On ne veut pas se censurer à la création mais dans le choix des tounes, un coup qu’on en a fait un paquet. Évidemment, on s’éparpille, mais moi, je trouve ça cool. On s’est fait reprocher d’être éparpillé, et tout ça, de ne pas être assez concis… Moi, c’est le reproche que je fais souvent à d’autres albums, je trouve que c’est trop homogène, trop concis. En même temps, il y a une part de travail qu’on a à faire par rapport à ça, faire bien digérer ça aux gens, tous les styles de tounes, ou les coupures au couteau d’une pièce à l’autre. Il y a un travail à faire par rapport à ça, tout le temps, je le reconnais."
Parlant de la situation actuelle dans l’industrie de la musique, Grimard ne mâche pas ses mots. À l’écouter, il y a de quoi sentir des nausées. "Ces temps-ci, l’industrie de la musique est pas mal chambardée avec la surproduction de cochonneries. C’est incroyable! Il y a un de mes amis qui est allé à une conférence en Angleterre, et le conférencier disait que les MP3, le download, ça affecte le marché, mais l’affaire principale, c’est qu’il y a trop de marde qui sort. Il y a trop de mégaproductions poches qui sortent, qui durent pas longtemps, pis ça vient que le monde est tellement écoeuré qu’il n’achète juste plus rien." Mais alors, n’est-il pas plus appétissant pour les gens de suivre une recette plus convenue? "Le but, c’est pas de pogner, c’est de faire nos affaires, de faire aimer ça au monde. Trouver le moyen de se faire connaître, mais en continuant de faire ce qu’on fait. Sinon ça devient vraiment ridicule de faire n’importe quoi juste pour que ça marche, je trouve que c’est complètement stupide." Pour Grimard, il semble donc que la création survienne au moment où on réinvente une recette. Au risque de parfois se tromper, l’intérêt, c’est de chercher à créer de nouveaux mélanges.
Il semble qu’on ait commencé à préparer les ingrédients du prochain album, une galette dont le parfum pourrait nous surprendre. Un nouveau mélange tout aussi éclectique, mais dont les éléments devraient se marier avec plus de raffinement. "C’est ça, notre but. Pour l’instant, ça a l’air de marcher." Surtout, dans la manière de créer, Grimard espère revenir à une plus grande simplicité. Selon ses propres paroles, rien à voir avec les néorockeurs proprets qui préfèrent leur rock immaculé: "Moi, avoir de l’argent, je sortirais tous les osties d’ordis du studio, on taperait avec une bobine. J’aime le son analogue, mais c’est pas rien qu’une question de machine. C’est plus une question de comment on procède, en fait. De nos jours, on a tellement de possibilités en studio que les gens oublient que c’est là que ça se passe, au moment où tu enregistres. Le monde cut leurs affaires par après, il y a eu 12 takes pour une guite, ça finit plus. Moi, je pense que juste le fait de dire "c’est celle-là", on la tape tout le monde ensemble, comme du monde, ça change quelque chose. Tu ne comptes pas sur le mix, tu ne comptes pas sur le "après", comment tu vas arranger ça… C’est là que ça se passe. On est cinq, pis ça va sonner cinq." Et d’ici là, ça sonnera partout, avec une tournée de trois spectacles en rafales dans la région.
La formation Et cætera Et cetera, avec la chanteuse et poétesse Isabelle Tremblay, assurera la première partie de Caïman Fu à la Voie Maltée.
Le 8 décembre
Au Café Cambio
Le 9 décembre
Au Pub Saint-Christophe
Le 10 décembre
À la Voie Maltée
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