Grand Corps Malade : Rester debout
Musique

Grand Corps Malade : Rester debout

Grand Corps Malade fait tourner les têtes à la suite de la parution d’un premier album qui allie humour incisif et mélancolie. Rencontre avec le Parisien, poète des temps modernes.

Quelques jours à peine avant son vingtième anniversaire de naissance, Fabien Marsaud exécute un plongeon mal synchronisé et se déplace des vertèbres. Partiellement tétraplégique à la suite de cet accident, le jeune homme se raccroche à la vie. Après une période de rééducation, il se rebaptise Grand Corps Malade pour la scène, récite ses textes dans les petits bars parisiens et, bien malgré lui, devient slammeur. "Les gens croient que, après mon accident, je me suis réfugié dans la poésie, mais c’est un affreux cliché que j’essaie de combattre depuis mes débuts. En vérité, j’ai découvert le slam six ans plus tard. J’ai pris le temps de me remettre debout et j’ai poursuivi des études, ensuite, j’ai eu un métier. J’avais la paix et le sourire. Ce n’est donc pas l’écriture ni la musique qui m’ont sauvé, mais bien mon acharnement", raconte Marsaud de sa voix grave, promenant ses grands yeux bleus pétillants.

OEuvre étonnante, empreinte de sensibilité humaine, le premier album de Grand Corps Malade, Midi 20, est débarqué dans les bacs des disquaires québécois plus tôt cet automne après s’être écoulé à 350 000 copies en France. Porté aux nues par la critique, le compact détonnait de la pop ambiante avec ses tendances tantôt a capella, tantôt à l’habillage sonore minimal. Dérogeant aux règles strictes du slam (format de moins de trois minutes, live et sans musique), seule la pièce Ma Tête, mon corps a été enregistrée dans un petit bar. "C’est un clin d’oeil, car le slam, c’est des moments de partage de textes où la scène est ouverte à tous et où le public réagit. C’est un milieu où l’on se nourrit énormément des autres et de ce que l’on voit. Sur l’album, on a voulu que la musique soit secondaire et que le texte prédomine. Dès que tes textes se retrouvent gravés sur un disque, on ne peut plus dire que c’est du slam, alors je préfère considérer mon album comme étant le projet musical d’un slammeur, même si je crois que l’esprit est préservé", précise-t-il, enthousiaste.

Auteur de textes largement autobiographiques, à la fois comiques et graves, Marsaud déclame sa prose d’une voix profonde et posée. Il offre à l’auditeur de véritables moments de grâce avec des pièces telles que Les Voyages en train, Je dors sur mes deux oreilles et Toucher l’instant. Fin observateur, il puise sa matière première dans la vie de tous les jours: les chagrins d’amour, les potes, la ville, les espoirs, les souffrances, et ce, sans jamais sombrer un instant dans le misérabilisme. "Même si je suis encore jeune, je crois tout de même avoir deux ou trois trucs de valeur à conter. J’ai eu une vie extrêmement riche et mouvementée. J’essaie de raconter mes histoires avec des mots simples tout en prenant soin de les placer dans un certain ordre stratégique pour que ça fasse joli!", lance-t-il en souriant de toutes ses dents.

Invité sur le plateau de Tout le monde en parle d’Ardisson à la suggestion du duo d’humoristes Éric et Ramzy, Marsaud est parvenu à rester terre à terre malgré la forte médiatisation dont il a été la cible. "Je ne suis pas quelqu’un qui prévoit les choses à long terme ou qui cultive de grands rêves. Je suis un épicurien qui essaie de profiter de chaque seconde de sa vie. La vie est une belle aventure et le seul fait d’avoir produit un disque que les gens apprécient, c’est génial. On m’a comparé à plein de grands poètes, et Aznavour m’a dit que je redonnais au public le goût des textes. Faire du bien aux gens et leur donner envie d’écrire, voilà mes plus belles récompenses." Une incitation à ne pas baisser les bras pour tout individu frappé par le destin.

Grand Corps Malade
Midi 20
(Musicrama / Universal)

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-La poésie