Musique

Guide Disques 2006

Une année de disques derrière la cravate et voilà que le temps est venu une fois encore de vous faire part de nos suggestions-cadeaux dans ce guide. Vous y trouverez nos coups de coeur de l’année 2006 et nous vous invitons à nous faire part des vôtres. Quels disques offrirez-vous à vos proches cette année?

CHANSONS

Carl-Éric Hudon
Les tempêtes que l’on avale
(Fruit / Indépendant)

Depuis son premier maxi folk paru l’an dernier, Carl-Éric Hudon a considérablement raffiné ses compositions. Souvent douces, un brin minimalistes, mais parfois audacieuses (Savoir retenir ses larmes chamboule la fin du compact avec des guitares à la Mogwai et Sigur Rós), les pièces d’Hudon évoquent la fragilité qui émane à l’occasion chez Yann Perreau. Son approche pop tantôt rêveuse le rapproche également d’un Dumas, bien que la réalisation des Tempêtes que l’on avale s’avère plus crue que léchée. Les textes transpirent la détresse humaine, quelques abus et les règlements de comptes. Un disque surprenant, non sans quelques fautes (le spleen mériterait d’être allégé sur quelques titres), mais qui augure très bien pour le jeune auteur-compositeur à surveiller. (Olivier Robillard Laveaux)

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Holden
Chevrotine
(La Tribu / Select)

Revoici le groupe français Holden avec un excellent troisième album, Chevrotine, après le merveilleux Pedrolira en 2002. Parfait mariage de la délicatesse des guitares de Mocke, rock lent et pop feutrée, et de la langueur sexy de la voix d’Armelle. Chansons planantes, grisantes, qui se baladent doucement entre méandres amoureux et portraits de ville (Madrid), de gens (Charlie, Rosie et moi), de la condition humaine (Sur le pavé). Le tout raconté avec une légèreté et une finesse remarquables. L’ami Jean-Louis Murat vient même chanter sur un titre (L’Orage). Sacrée bonne idée de La Tribu que de nous offrir, après Françoiz Breut l’an dernier et Dominique A bientôt, cet opus de Holden qui tutoie les anges – autant dire le sublime. (Francis Hébert)

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Dominique A
L’Horizon
(La Tribu)

Après la pompeuse parenthèse symphonique de Tout sera comme avant, le Français Dominique A revient à la simplicité, à la base de son prodigieux talent. Du rock littéraire splendide et sombre, poésie de contemplatif écorché. Joliment titré L’Horizon, l’opus ouvre les fenêtres sur les plaines, la mer, les voyages, des paysages intimes et brumeux. Un tel album se mérite, à l’image de son chef-d’oeuvre Remué (1999), mille richesses y sont enfouies ou éclatent telle une évidente beauté qui passe. Trois chansons frôlent les sept minutes, comme des bornes sur une route. L’heure est à la méditation, au partage d’un questionnement intime. Depuis 15 ans, Dominique A trace une voie toute personnelle – que tente de suivre un Miossec – et signe avec L’Horizon une étape majeure de son oeuvre. (Francis Hébert)

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Pierre Lapointe
La Forêt des mal-aimés
(Audiogram)

Sur le premier disque de Pierre Lapointe, on remarquait d’abord un solide talent d’auteur-compositeur. Ce nouveau CD va plus loin: il n’a jamais aussi bien chanté, ses textes sont plus précis, moins précieux, plus concis. Lapointe se regarde encore écrire, auto-satisfait, mais c’est moins flagrant. Les mélodies du jeune homme, fines et fortes, se nichent encore plus aisément dans la mémoire. Des chansons déjà fantastiques à la base deviennent fabuleuses grâce aux bons soins de son équipe: Jean Massicotte à la réalisation, Denis Wolff à la direction artistique, ainsi que Massicotte et Philippe Brault aux arrangements époustouflants. La Forêt des mal-aimés est propulsé, enflammé par des partitions électro-classiques (ô ces violons!), une pop moderne à la française que personne ne pratique aussi audacieusement au Québec. (Francis Hébert)

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Marcel Kanche
Vertiges des lenteurs
(Fusion III)

Seize ans après ses débuts, Marcel Kanche accouche du splendide Vertiges des lenteurs, à coup sûr son meilleur opus à ce jour. Que ceux qui gémissent sur la mort de Ferré ou se pâment sur les dernières mutations de Bashung, eh bien! qu’ils écoutent Kanche, ils y trouveront leur compte. Poète, délicat compositeur, il cherche depuis toujours une manière de faire de la chanson rock et mélodieuse, avec ses frêles mélopées envoûtantes, frémissantes, captivantes. Autour de sa belle voix rauque, d’un piano vaporeux et léger, ses chansons s’agrémentent de mandolines, guitares, violoncelle, harmonica. Le chanteur achève son disque sur un texte d’Eugène Savitzkaya: Si je devais mourir, testament murmuré, sombre, et qui donne furieusement envie de vivre encore plus fort en réécoutant Kanche, essentiel poison poétique. (Francis Hébert)

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Barbara Carlotti
Les Lys brisés
(4 AD)

Le nom de Barbara Carlotti circule sous le manteau depuis la parution l’an dernier de son maxi, acclamé par la presse branchée d’Europe. La demoiselle avait fait appel à Bertrand Burgalat, annonçait un goût pour la satire joueuse (Cannes, irrésistible), sur des musiques douces, entraînantes, aux arrangements soyeux. C’est tout cet univers savoureux que l’on retrouve sur Les Lys brisés, son tout premier album qui reprend quelques chansons du maxi. Que du bonheur. Une écriture élégante et une sensualité dans la voix qui ne sont pas sans rappeler Françoise Hardy: beauté pure, suspendue à son souffle. Frissons le long de l’échine en écoutant Silence, Mon corps alangui, La Nuit des amants, sans oublier cette jolie adaptation française des Zombies (Une rose pour Emily). Carlotti ou la somptueuse chanson moderne. (Francis Hébert)

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Tristan Malavoy
Carnets d’apesanteur
(Audiogram/Coronet Liv)

Avec Carnets d’apesanteur, le poète et journaliste Tristan Malavoy réussit le pari de faire descendre la poésie dans la rue, avec une légèreté et une finesse remarquables. Grandiose réussite, fredonner aux mélomanes ses vers rêveurs et énigmatiques. Les textes sont portés par des ambiances sonores envoûtantes, que l’on doit en partie au coréalisateur Jean-François Leclerc (guitares, basse, piano, claviers, programmation). On découvre en Malavoy un chanteur de tout premier ordre, avec une voix soyeuse qui se mêle harmonieusement à celle de sa choriste de luxe, Stéphanie Lapointe. L’artiste se fend même de deux superbes chansons (Nos virées galactiques; Où t’en vas-tu?) qui n’ont rien à envier à celles de Dumas. D’une éclatante beauté. (Francis Hébert)

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Jérémie Kisling
Le Ours
(GSI Musique)

Le Ours est un disque terriblement attachant, le second du Suisse Jérémie Kisling. Retenez ce nom, il risque de grimper rapidement vers les sommets de la chanson française, section pop acoustique de grande qualité. On pense à un Laurent Voulzy moins mièvre, à un Souchon de nouveau rempli de fièvre, de sève. De ce dernier, Kisling a la plume légère, inventive, le sens de l’autodérision: "Et même si tu aimes mieux / Les chansons de l’indolent Delerm / Et du vieux vieux Souchon / T’as raison". On retient de cet album le charme mélancolique, les rêveries étoilées, une sentimentalité à fleur de peau, un sens inouï de la mélodie et du verbe qui fait mouche. À savourer en attendant, on l’espère, la sortie à prix domestique de son premier opus Monsieur Obsolète, une splendeur parue en 2003. (Francis Hébert)

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Dick Rivers
Dick Rivers
(EMI)

Dick Rivers dans Voir? Avec autant d’étoiles? Seuls ceux qui ne l’auront pas écouté s’étonneront. Les autres tombent illico sous le charme de ses nouvelles chansons country-folk. On a revampé Macias, Henri Salvador, Adamo, au tour de Rivers, transformé avec cet opus éponyme en Johnny Cash français. Rien de moins. L’homme en noir des quatre derniers disques. Du folk sombre, de la country en profondeur, des chansons d’autoroutes parcourues en solitaire, une guitare acoustique sur le siège arrière de la voiture. Rivers y ajoute une savoureuse touche d’autodérision. Le chanteur a du flair, on trouve parmi ses collaborateurs cette fois-ci: Cabrel, Biolay, Boogaerts, Mickaël Furnon, Miro. Des choix pointus pour un album d’orages ensoleillés. L’arc-en-ciel n’est pas loin. (Francis Hébert)

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Jean Leclerc
Mexico
(Roi Ponpon / DEP)

Construit par un seul homme ivre d’apocalypses joyeuses, autour de deux, trois incontournables dont on reconnaît la facture, telles Le Malheur et Tangerine, le premier Jean Leclerc – sans trahir Leloup et son je-m’en-foutisme – offre quelques accomplissements remarquables. D’abord, en quittant une peau usée, Leclerc a réussi à garder pied dans son époque en offrant une pop plus imprévisible, tordue de belles trouvailles comme les Mygales jaunes idiotes et paniquées. Il a aussi eu le temps de s’inventer un son, hybride des Ventures et du funk psychédélique noir ramené des seventies où tout se fonde sur des guitares acides avec quelques points d’orgue idiots (Cowboy Groove). Dans sa solitude, Leclerc a finalement fait aboutir sa fusion paroles/musique. Un disque marrant et cruel comme une BD d’Al Cap, généreux (17 titres!) et authentique. (François Desmeules)

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Sandra Le Couteur
La Demoiselle du traversier
(Productions Île Miscou)

Extraordinaire interprète, l’Acadienne Sandra Le Couteur a produit un somptueux album de chansons poétiques comme on n’en entend plus guère, avec une retenue et une simplicité remarquables. Réalisé par Francis Covan, La Demoiselle du traversier prend les couleurs du piano, de l’accordéon, du violon. Les chansons nous viennent principalement d’Acadie et du Québec avec les Gilles Bélanger, Sylvie Royer, Calixte Duguay, Michel Marin, etc. Que des grands textes, riches, écrits avec dextérité. On parle d’amour et de mer, de Gauguin et d’embruns, et avec quelle force! Une souplesse et une classe folles chez cette dame, absolument à contre-courant et intemporelle, chanteuse traversière. (Francis Hébert)

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Murphee
Il faisait vert
(Le Karente Deu)

Murphee est sans doute un des plus beaux espoirs de la chanson québécoise. Avec Il faisait vert, paru au printemps sur étiquette indépendante, il signe un disque de pop-rock hautement poétique qui, au fil des écoutes, se bonifie. Beaucoup de trouvailles passent d’abord inaperçues pour se dévoiler peu à peu. On en ressort ébahi. Parfois l’ombre de Richard Desjardins se fait sentir: Murphee reprend subtilement, de manière très émouvante, Les Yankees. Et il écrit lui aussi des textes comme les épopées qui fleurissent sur Les derniers humains, le premier opus solo du maître. Comme influences, on a connu pires. Le jeune homme est également un animal scénique charismatique et drôle. Retenez ce nom, c’est un Icare moderne qui prend son envol. Puisse-t-il atteindre les sommets sans se brûler. (Francis Hébert)

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Georges Dor
Un homme libre
(Disques XXI)

Georges Dor, chanteur psychédélique à l’instar du Ferland Jaune et du Charlebois qui défonce le mur du son? Oui, sur son excellent album Au ralenti (1972) réédité sur ce double CD. Stupéfaction. Des chansons sociales et vibrantes, électriques, délirantes. Modernes, jouissives, éternellement jeunes. Les deux autres 33 tours repris sur Un homme libre valent également le détour. Après la démesure d’Au ralenti, Dor revient l’année suivante à la sobriété sur Amour, avec pour seul compagnon Lawrence Lepage aux guitares/harmonica – beauté sur le fil du rasoir. Enfin, en 1976, le vinyle Fidélité joue dans le dépouillement piano/voix, que Dor maîtrise parfaitement aussi. Le poète savait tout faire et cette réédition essentielle nous en fait la preuve par trois. (Francis Hébert)

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Da Silva
Décembre en été
(Tôt ou tard)

Sur Décembre en été, son premier album, la voix de Da Silva se voile pour murmurer de petites histoires sentimentales dans un écrin acoustique. On pense valses, musiques de nuit, chansons d’ennui réjouissantes. Les heures passées à regarder les filles, en feignant le désintérêt. Les amateurs de la nouvelle scène française, minimaliste, feutrée, seront ravis. Cet homme a du charme, du charisme, il effleure admirablement les sentiments. Le genre de CD que, insensiblement, sans le vouloir, on a envie de remettre dans le lecteur. Pas de tubes fracassants, juste une saisissante beauté en demi-teintes, frémissante plume sensible. Du talent en germe qui ne demande que des oreilles pour éclore encore plus dru. (Francis Hébert)

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Vincent Vallières
Le Repère tranquille
(Disques BYC)

Il a fallu trois albums à Vincent Vallières pour peaufiner sa pop-rock métissée de folk et d’une touche de country. Avec Chacun dans son espace, il avait trouvé son style et on sentait qu’il n’en dérogerait pas beaucoup. En effet, sa nouvelle galette navigue dans les mêmes eaux, creusant un peu plus la profondeur des sentiments, enrichissant les arrangements (merci au bon boulot du réalisateur Éric Goulet qui a su renifler l’essence du chanteur). L’écriture des textes, lorsqu’elle sort enfin des ornières du joual, est mieux fignolée et s’embellit d’images marquantes ("Y reste juste de la limaille de rêves sur le plancher"). À coup sûr, les chansons de Vallières se bonifient, elles ont toutes les chances de circuler à la radio et d’agrandir son cercle de fidèles. Elles le méritent. (Francis Hébert)

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Michel Faubert
La fin du monde
(La Tribu/Sélect)

Féru de contes et de musique traditionnelle, Michel Faubert prend congé des Charbonniers de l’Enfer pour accoucher de son premier album de chansons depuis L’Écho des Bois (1997). Quelques Charbonniers se joignent néanmoins aux Dumas, Éric Goulet, Karen Young, Pierre Flynn et autres nombreux invités venus lui prêter main-forte pour la conception de cet album surprenant, arrangé et réalisé par Jérôme Minière, avec l’aide de ses valeureux musiciens. En résulte une fine symbiose entre airs folkloriques et textures modernes, rappelant par moments le travail de certaines formations scandinaves et conférant à l’atmosphère apocalyptique du disque une dimension intemporelle. Des histoires à donner froid dans le dos, des musiques envoûtantes et une riche macédoine de sonorités; tout ce qu’il faut pour une fin du monde diablement réussie. (Patrick Ouellet)

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ooo

ROCK / POP

Malajube
Trompe-l’oeil
(Dare To Care / Outside)

Oui, nous porterons Malajube aux nues encore cette année. Pourquoi? Parce que la formation vient de repousser les limites de son premier album Le Compte complet. Tantôt très agressif, parfois plus mielleux, le quatuor a complexifié ses arrangements et peut facilement passer d’un extrême à l’autre; souvent dans la même pièce comme sur la remarquable Monogamie. Tout en conservant sa signature à la fine pointe des courants rock alternatifs, Malajube propose une richesse sonore rarement rencontrée chez nos groupes francophones. Sans être vraiment pop accessible (la voix de Julien Mineau se retrouve couramment perdue sous les décibels), Trompe-l’oeil risque de marquer l’histoire et de propulser Malajube à travers l’Europe. Vendu, vous dites? Non, estomaqué devant une telle authenticité résultant d’une absence de barrières. Qu’il soit rock, pop rêveur, métallique, folk, électro, psychédélique ou punk, ce groupe se donne sans réserve. (Olivier Robillard Laveaux)

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Navet Confit
LP1
(Dry & Dead / Local)

Profitant d’un départ canon grâce à cinq pièces rock aux structures déstabilisantes et aux mélodies recherchées, le premier album complet de Navet Confit remplit les attentes suscitées par ses EP 1 et 2. Aussi moderne et authentique, mais plus lo-fi, que le dernier Malajube, LP1 amène notre protagoniste dans des univers planants (Pourquoi tu fleuves), parfois abrasifs (Dimanche) et tantôt électroniques (Asphalte). Un tour de force en soit, considérant que ce raffinement issu d’une quête d’originalité n’affecte en rien l’efficacité des compositions. On pourrait critiquer la coupure rythmique causée par Bambou ou la fin du compact, qui s’étire, mais on pardonne car une fois de plus, la pop franco tend à prendre un virage franchement intéressant. L’achat de LP1 vous permettra de télécharger gratuitement les EP 3 et 4. (Olivier Robillard Laveaux)

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Ratatat
Classics
(XL / Select)

Duo instrumental formé de Mike Stroud et Evan "E*Wax", Ratatat signe un des meilleurs compacts de l’année. Avec ses rythmes électroniques, ses violons, ses claviers et ses guitares trafiquées (jouées à l’envers et teintées de distorsion), le groupe new-yorkais accouche, sur son deuxième disque, d’une synergie tout aussi profonde qu’énergique. Bien que complexes, les pièces contiennent de multiples variations dont seule une écoute attentive permet de saisir toutes les subtilités. Classics s’avère essentiellement mélodique, devenant accessible à toutes les oreilles. Avec son ouverture de piano et de violons qui précède sa mélodie envoûtante, Tropicana pourrait même être une reprise à la sauce moderne des Beatles (époque Sgt. Pepper): raffinée, expérimentale et diablement efficace. (Olivier Robillard Laveaux)

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Vulgaires Machins
Compter les corps
(Indica / Outside)

Compter les corps s’ouvre sur un départ canon avec Anéantir le dogme et la pièce-titre, deux des meilleures compositions signées Vulgaires Machins: matures, complexes, réfléchies, abrasives, plus rock, mais toujours punk dans leur sentiment d’urgence. Le quatuor s’y renouvelle avec panache. Suivent quelques titres plus punk typique de la trempe d’Aimer le mal (La télé me regarde, Arrachez-moi les yeux), plusieurs hymnes ultra-accrocheurs (Légaliser l’héroïne, Puits sans fond) et une nette volonté de transcender le simple genre punk sur Je m’appelle Guillaume et Dommage collatéral. Bref, des pièces moins surprenantes qu’Anéantir le dogme ou Compter les corps, mais qui assureront sans doute aux VM un succès aussi retentissant qu’Aimer le mal, et peut-être plus grand si les radios commerciales sautent dans le bateau. Si elles l’ont fait pour Green Day, elles n’ont aucune raison d’ignorer les Vulgaires Machins. (Olivier Robillard Laveaux)

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Xavier Caféïne
Gisèle
(Indica / Outside)

Tout juste sorti de l’aventure Poxy, Xavier Caféïne lance son premier album solo, Gisèle, un retour à la langue de Molière. À l’image de son défunt groupe Caféïne, qui donnait dans le rock garage bien avant la déflagration Strokes-Stripes-Ferdinand, le musicien replonge tête première de ce courant, dont il connaît toutes les subtilités. Xavier a d’ailleurs joué de la majorité des instruments entendus sur Gisèle. Il a profité de l’exercice pour actualiser son écriture (textes plus engagés) et pour rafraîchir ses compositions, témoins flagrants de la dernière percée rock anglo-saxonne. On ne vantera peut-être pas l’originalité du compact, mais on se laisse facilement séduire par les mélodies accrocheuses, grande force de Xavier, qui y abondent; 1-2-3-4, Montréal (cette ville), Gisèle et Pékin Love sont de véritables bombes. (Olivier Robillard Laveaux)

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The Sainte Catherines
Dancing for Decadance
(Fat Wreck Chords)

Comme si le fait de signer avec l’étiquette phare du mouvement punk rapide des années 90 avait influencé les Sainte Catherines, la formation montréalaise livre son album le plus énergique en carrière. La troupe y perd peut-être un brin de l’intensité lourde retrouvée sur le dernier Art of Arrogance, mais elle y gagne en virulence, laissant complètement tomber certaines influences post-rock. Avec leurs trois guitares et la voix rauque plus travaillée de son chanteur Hugo Mudie, les Sainte Catherines enchaînent les brûlots punk agressifs avec force, efficacité et précision. Rageuses et témoignant de l’expérience acquise par les Ste 4 au fil des ans, Burn Guelf Burn et Ring of Fire = 4 Points donnent le ton au compact jouissant d’une réalisation supérieure aux précédents efforts du groupe. Une bombe pour vos oreilles. (Olivier Robillard Laveaux)

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TV on the Radio
Return to Cookie Mountain
(Touch & Go)

On savait déjà ces quatre musiciens de Brooklyn fort audacieux. Avec Desperate Youth, Blood Thirsty Babes, leur premier album (2004), ils n’y étaient pas allés par les sentiers de la facilité. Ici non plus. Ils maîtrisent davantage leur art et l’envoûtement est encore plus puissant. Return to Cookie Mountain est un collage fin et complexe de sonorités rock et d’éléments électroniques, d’approches pop et expérimentales, un mélange de genres sidérant (post-punk, gospel, blues, psychédélique, soul, jazz) qui s’effectue en toute cohésion. David Bowie, Katrina Ford (Celebration) et Kazu Makino (Blonde Redhead) prêtent leurs voix à l’exercice, secondant celle, exceptionnelle, de Tunde Adebimpe qui a aussi signé la facture visuelle du livret. (Clémence Risler)

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Les Breastfeeders
Les Matins de grands soirs
(Blow the Fuse / Fusion III)

Ce deuxième effort des Breastfeeders est à inclure dans la catégorie des "albums plus". Rock abrasif plus assumé: à l’instar de ses concerts, la formation déploie une énergie sans lendemain sentie dans la voix plus mordante de Luc Brien et dans les pièces plus garage et sales que yé-yé. Arrangements plus riches: avec ses lignes de piano et de violons, Et j’apprendrai que c’est l’hiver carbure autant à la défonce rock qu’aux subtilités distinctives. Compositions plus profondes: en terminant l’album avec Septembre sous la pluie et ses mélodies de cornemuse, le combo prouve qu’il sait être aussi efficace lorsqu’il flirte avec le mouvement psychédélique que lorsqu’il joue la pédale au plancher. Plus accrocheur: Funny Funiculaire, Pas sans saveur et Tout va pour le mieux dans le pire des mondes s’incrustent dans le cerveau en moins de deux. Mission accomplie. (Olivier Robillard Laveaux)

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Cat Power
The Greatest
(Matador)

L’hiver passé, on avait eu Before the Poison de Marianne Faithfull pour accompagner les jours pâlots de janvier; cette année, c’est Cat Power, décidément extraite de l’enclave indie rock, qui largue ses ballades sombres et enveloppantes. Sur ce nouvel album enregistré à Memphis auprès de musiciens vétérans (attention au titre un peu confondant: il ne s’agit pas ici d’un "greatest hits" mais bien d’un album intitulé The Greatest), la diva tourmentée chantonne ses histoires de paumés et de marginaux décalés avec une assurance étincelante et un calme indéniable. Taillées sur mesure pour les nuits blêmes, devant piano, mais ne lésinant pas sur la guitare quand c’est nécessaire (The Moon, Love & Communication), les chansons marient tristesse et lyrisme écorché à des effluves de soul venu du Sud, des ambiances de piano-bar enfumé (Lived in Bars, After It All), évoquant même parfois des terres plus country (Empty Shell, Islands). (Marie Hélène Poitras)

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Yeah Yeah Yeahs
Show Your Bones
(Interscope / Universal)

Déçu du nouveau Strokes, on avait un peu peur de se faire refaire le coup avec les Yeah Yeah Yeahs. Faut dire que la mouture précédente, Fever To Tell (2003), avait mis la barre très haut. Craintif mais plein d’attentes, on a donc glissé Show Your Bones dans le lecteur. Ouverture surprenante avec Gold Lion (revisitée dans un excellent remix signé Diplo d’ailleurs), sur des guitares d’abord acoustiques et une Karen O relativement calme… avant que le feu ne prenne, 30 secondes plus tard. Si le bouillant trio new-yorkais, qui séduit en injectant un côté arty-sexy à son garage punk irrévérencieux, n’a rien perdu de son urgence et de sa drive initiale, il a aussi gagné en nuances en élargissant ses horizons, chose que l’on constate à l’écoute des montées poignantes de Dudley et de la douce-amère Turn Into, qui boucle le disque avec beaucoup de panache. Un instinct rock indéniable. (Marie Hélène Poitras)

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Thom Yorke
The Eraser
(XL Recordings)

Ne nous le cachons pas, le premier disque solo du leader de Radiohead s’adresse à ceux qui ont suivi le quintette à travers sa métamorphose post-Ok Computer. Ce qui frappe avec ce compact d’une étonnante homogénéité, c’est son urgence et son aspect "brouillon", malgré la réalisation signée Nigel Godrich (propre mais dépouillée de tout artifice). À part ça? Mêmes textes angoissés. Même voix limpide et dramatique, reconnaissable entre mille. Mêmes textures synthétiques et effets électroniques glauques noyés dans une mer de cliquetis et de guitares trafiquées. Non, Yorke n’injecte aucun sang neuf à sa mouture minimaliste mais propose une poignée de compos à la hauteur de son génie. On retiendra Black Swan, Harrowdown Hill et Cymbal Rush, point d’orgue parfait. Bref, rien pour convertir les mécréants, ceux pour qui Amnesiac et Kid A furent d’inconsistants labos sonores, mais les autres (et ils sont nombreux) y trouveront leur compte. (Stéphane Martel)

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The Dears
Gang of Losers
(MapleMusic Recordings / Universal)

Beaucoup d’attentes entourent la parution du nouvel album des Dears, et peut-être ne l’attend-on pas où il veut éclore. Si la première écoute laisse perplexe, les suivantes suffisent pour laisser opérer le charme du sextette montréalais qui s’est rapidement fait remarquer avec ce son riche et ces arrangements luxuriants, une intensité assumée, un sens aiguisé des contrastes et des textes tourmentés, ténébreux, laissant tout de même percer une touche d’espoir. Premier constat: Murray Lightburn est dangereusement en forme et tout en voix. Certains trouveront qu’il en fait trop; d’autres, qu’il n’a jamais aussi bien chanté, déployant ses chansons d’apocalypse tempérées ici et là par les choeurs féminins et quelques cuivres (cor français et sax). Après une ouverture inattendue pouvant évoquer les synthés de M83, les retrouvailles avec le rock sophistiqué des Dears ont lieu, en deux temps, façon vinyle. Ça prend au ventre et ça donne la chair de poule: Lightburn et les siens sont de retour. (Marie Hélène Poitras)

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Patrick Watson
Close to Paradise
(Secret City Records / Fusion III)

Dès les tout premiers instants, avec les inflexions somptueuses et planantes de la pièce-titre, on se sent investi d’une impression d’apesanteur. Autant doué pour les envolées touffues que pour le dépouillement, le jeune auteur-compositeur et pianiste montréalais a tissé cette trame claire-obscure avec des éléments de pop-rock orchestral, de classique, de jazz et d’ambiances cinématographiques. Mais Watson n’est pas seul: Robbie Kuster (batterie), Mishka Stein (basse) et Simon Angell (guitare) se joignent au chanteur à la voix feutrée pour former cette fanfare onirique capable de nous entraîner dans un sillon pavé de grâce et de mystère. Amon Tobin, Katie Moore (Timber) et Elizabeth Powell (Land of Talk) ont aussi pris part à l’oeuvre. Si Just Another Ordinary Day n’a pas tout à fait capté l’attention qu’il méritait en 2003, Close to Paradise pourrait y arriver. (Clémence Risler)

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Beck
The Information
(Interscope / Universal)

On nous a annoncé que ce neuvième opus de Beck flirtait avec le hip-hop. Premier constat, il s’agit plutôt d’éléments de hip-hop (dans les beats et le chant de Beck) intégrés à la mouture vaguement folk-rock du blondinet. D’ailleurs, sur The Information, on sent que l’éclectique artiste a intégré tout ce qu’il avait exploré au cours de la dernière décennie. On y retrouve quelques touches funky à la Midnite Vulture, des arrangements de cordes évoquant Sea Change ici et là (Think I’m in Love, Dark Star), quelques rythmiques plus latines exploitées sur Guero. Beck a travaillé avec Nigel Godrich, qui avait réalisé Mutations et le lyrique et envoûtant Sea Change). Toujours aussi désinvolte et précis, entre quelques élans cosmiques (Movie Theme) et ses poses nonchalantes, il poursuit sa démarche et on le suit pas à pas. (Marie Hélène Poitras)

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Rachid Taha
Diwan 2
(Universal)

En 1998, Rachid Taha proposait Diwan, un album sur lequel il revisitait des classiques du répertoire oriental (inoubliable Ya Rayah, notamment). Il revient à cette formule et présente Diwan 2, ensorceleuse collection de reprises des grandes chansons du monde arabe, ponctuée par deux fois de ses propres compositions (Joséphine, Ah mon amour) ficelées avec son complice Steve Hillage. Sous le signe de la nostalgie et de la célébration des origines (une édition limitée est même bonifiée d’un DVD dans lequel on voit Rachid Taha retourner sur les lieux de son enfance), il poursuit cet heureux métissage des sonorités nord-africaines et d’une énergie rock plus contemporaine. Complètement envoûté par ces airs caressants et rythmés, on replonge volontiers dans la découverte de cet héritage musical qui est le sien. (Marie Hélène Poitras)

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The Raconteurs
Broken Boy Soldiers
(V2)

Plusieurs univers s’entrechoquent sur ce premier album des Raconteurs: l’indie-pop raffinée et mélodique de Brendan Benson et le rock garage bluesé largué avec puissance de Jack White, le tout appuyé par les rythmes et la basse de deux membres des Greenhornes. On se prend d’abord à identifier la provenance des idées, celles de White étant facilement repérables, et il s’avère intéressant de les entendre exploitées autrement qu’au sein des Stripes, un peu comme si le côté carré du duo avait été arrondi. Le micro est partagé entre Benson et White, et l’on constate que ce dernier réussit à s’imposer même lorsqu’il fait des back vocals. On se retrouve au final avec un album inégal qui comporte son lot de bons moments (Together, Steady, As She Goes), mais aussi des chansons un peu plus ordinaires, voire oubliables. Intrigant, pas du tout désagréable, mais jamais aussi saisissant que les White Stripes. (Marie Hélène Poitras)

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Bob Dylan
Modern Times
(Columbia)

Ouvrant sur un excellent boogie-woogie à la Jerry Lee Lewis, Modern Times oscille entre des ambiances de bar du Tenessee un soir de Southern Comfort et une moitié de tempos lents aux accents de vieux jazz bluesy, souples, dépouillés et presque gais (Beyond the Horizons). Outre les splendides et très dylanesques Workingman’s Blues no 2, Nettie Moore et la sombre et mystique Ain’t Talkin, qui rappelle le mutisme caustique de Time Out of Mind, l’album abuse si bien des poncifs du genre qu’on croirait entendre des covers des années 60 de Charlie Feathers, Hank Williams ou Mike Bloomfield dans lesquels l’identité de l’auteur se dissout. Quarante-cinquième album du maître, Modern Times est anachronique, primitif et cru. Hormis ses textes délirants, Dylan – et d’autres – aurait pu l’enregistrer il y a 45 ans. (François Desmeules)

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Islands
Return to the Sea
(Equator / EMI)

Réglons immédiatement la question: oui, en écoutant le premier disque d‘Islands, vous reconnaîtrez la voix et la folie de Nick Diamonds, anciennement des Unicorns. Toutefois, même si Islands compte deux anciennes licornes dans ses rangs, ses compositions n’ont pas l’efficacité de pièces comme Tuff Ghost ou I Was Born (A Unicorn). L’esprit rêveur de Nick ne passe plus par des chansonnettes aux claviers explosifs, mais par de longs crescendos plus organiques (la magnifique Swans), par des rythmes déconstruits aux allures de fanfare (Humans), par des arrangements de cordes plus ambitieux (Tsuxiit, à laquelle participent des membres d’Arcade Fire) et par des sonorités exotiques (steel drum, cuica). Délaissant le côté épuré des Unicorns, Nick et ses Îles démontrent une chouette évolution qui aurait cependant pu être plus mordante (on se demande toujours comment il se fait que la percutante Abominable Snow, retrouvée sur Internet, ne figure pas sur l’album). (Olivier Robillard Laveaux)

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K-Os
Atlantis – Hymns For Disco
(Virgin)

On a pu le constater sur Joyful Rebellion (2004), K-Os est un amoureux du métissage, un artiste caméléon qui n’hésite pas à piger dans tous les styles de musique, pour ensuite les mettre au service de son inspiration. Sur Atlantis – Hymns For Disco, il repousse les limites de sa démarche musicale en façonnant des chansons vibrantes et dansantes, composées d’une base de hip-hop, puis enrobées de différentes personnalités, que ce soit ambiant (ELEctrik Heat – the seekwiLL), soul (The Rain, Highway), pop (FlyPaper, Sunday Morning), reggae (Mirror in the Sky), disco (Black Ice), blues (Equalizer), rap (AquaCityBoy, The ballad of Noah) ou rock (Born to Run, Valhalla). Il suffit néanmoins de faire cet exercice de classification pour réaliser à quel point celui-ci est réducteur et ne traduit pas le melting-pot joyeux concocté par K-Os. Le parfait antidote à la grisaille automnale. (Christine Fortier)

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ÉLECTRO

Matmos
The Rose Has Teeth in the Mouth of a Beast
(Matador)

Ce compact de l’avant-gardiste duo de San Francisco semble vouloir repousser les limites de l’album-concept. Constitué de dix portraits sonores de gens aussi célèbres et disparates que Darby Crash (chanteur du groupe punk The Germs), James Bidgood (producteur de films pornos gais), l’auteur William S. Burroughs et même le roi Ludwig II, l’opus séduit par son éclectisme et une absence totale de compromis. De l’électro déconstruit au disco mutant, en passant par le ragtime psyché et un brumeux jazz badalamentien, M.C. Schmidt et Drew Daniel parviennent à tisser une ambitieuse toile sonore plus abstraite que mélodique (et plus vocale que jamais) qui compte la participation, entre autres, du Kronos Quartet, de Maja Ratjke ainsi que de Björk (méconnaissable). Difficile mais accompli. (Stéphane Martel)

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Para One
Epiphanie
(Naïve / Fusion III)

Bidouilleur doué et producteur de TTC, Jean-Baptiste de Laubier brouille les pistes et confond les sceptiques en tentant l’aventure solo. Déterreur de sons sales et de beats lourds, le démiurge prodige découpe, rapièce et nous fait naviguer entre techno nineties, hip-hop, électro-funk déconstruit, acid-house, eurodance mécanique, électro minimaliste décalée et ambiances feutrées à la Georgio Moroder. Résultat? Un kaléidoscope sonore épicé de vocoder à la fois riche, déroutant et tout à fait "addictif", en marge de la production électronique française actuelle avec ses rythmes hachurés, ses loops hypnotiques et ses grooves ravageurs et clinquants. On écoute en boucle mais Dudun-Dun et Les Soleils artificiels raviront les férus de Daft Punk et devraient faire un malheur sur les pistes de danse underground. Révélation majeure. (Stéphane Martel)

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Mouse on Mars
Varcharz
(Ipecac)

Au fil des albums, le duo allemand Mouse on Mouse n’a jamais cessé d’explorer les multiples avenues de la musique électronique. Ici, Jan St.Werner et Andi Toma signent un disque brutal en forme de défi. Exit les voix du très pop et dansant Radical Connector (2004), Varcharz et sa décharge sonore se veulent l’oeuvre d’un groupe n’ayant pas peur de se mouiller (et un test pour les haut-parleurs). Expérimental, sombre, imprévisible et décidément moins accessible que son prédécesseur, ce neuvième opus évoque les premiers pas de l’insaisissable tandem tout en posant un regard vers l’avenir. Le véritable miracle est d’être parvenu à atteindre une balance quasi parfaite entre les éléments bruitistes (Duul, la suite ReTphase) et plus mélodiques (le funk extra-terrestre de Fish Bord). Le résultat ressemble à la trame sonore d’un film porno pour robots. Les amateurs de beats lourds, aventureux et fracturés se délecteront et écouteront en boucles cet intense opus, l’un des gros morceaux électro de l’année. (Stéphane Martel)

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Numéro#
L’Idéologie des stars
(Saboteur Records / Outside)

"Quand vous écoutez Numéro#, il faut vous imaginer Michael Jackson, Madonna, Britney Spears, Justin Timberlake chantant réellement leurs intentions…", lit-on sur le communiqué de presse qui accompagne le premier compact de Numéro#, étoile montante de la scène électro-pop montréalaise. C’est que sur des pièces dansantes et accrocheuses, qui pourraient d’ailleurs être interprétées par ces géants de la pop, le duo formé de Pierre Crube et Jérôme Rocipon décortique les rouages du star-système (les looks étudiés, les succès passagers, la conscience sociale calculée, l’élitisme des artistes branchés et les 5 à 7 pompeux). Le plus ironique dans tout ça: Numéro# le fait avec panache, ce qui l’appelle à devenir, à plus petite échelle bien sûr, le genre de phénomène qu’il dépeint. Pas pour rien que l’étiquette Saboteur (DJ Champion) a recruté le groupe moins d’un an après sa naissance. (Olivier Robillard Laveaux)

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RAP / HIP HOP

Spank Rock
YoYoYoYoYo
(Big Dada)

Avec ce premier album, le tandem de Baltimore composé de MC Spank Rock et du producteur XXXchange arrive avec l’une des plus réjouissantes parutions du label Big Dada. Étoffé par de multiples influences musicales: techno, électro, punk, hardcore, grime, funk, dub et doo-wop, et par la voix nasillarde du MC se situant quelque part entre Flava Flav et Q-Tip, YoYoYoYoYo détonne par son ingéniosité et botte sérieusement le derrière du hip-hop contemporain. Faisant preuve d’éclectisme, l’opus accumule les beats nerveux et lascifs et brise les règles établies pour produire un résultat la fois old-school et avant-gardiste, familier et profondément innovateur. Ajoutez à cela une grosse basse grondante, des textes sexy, voire salaces, quelques inflexions latines et des effets sonores bizarroïdes et diablement cool qu’on croirait réchappés d’une console Colecovision, et vous obtenez le disque de party de l’année. Du véritable bonbon pour oreilles averties. (Stéphane Martel)

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Ghostface Killah
Fishscale
(Def Jam)

Pour son cinquième album studio, le M.C. le plus productif du Wu-Tang Clan multiplie les vignettes saisissantes, comme autant de scénettes d’un film de gangsters, et atterrit avec une collection de morceaux denses, violents et totalement allumés. Revendiquant un flow irréprochable, Tony Starks, alias Ghostface Killah accumule les images fortes et livre un compact d’une grande charge émotive, parcouru de bout en bout d’obscurs échantillons empruntés aux années 70. Difficile de se tromper tout de même avec une équipe de producteurs aussi solide: le regretté J Dilla, Crack Val, Pete Rock, Metal Fingerz, MF Doom et Just Blaze prêtent tous main forte au brillant conteur. Même si, étonnamment, on ne retrouve aucun beat de RZA, on se console en découvrant que le Clan se réunit le temps d’un morceau (l’excellent 9 Milli Bros). Oui, on aurait souhaité moins de sketches, mais on pardonne tellement le reste est étincelant. Sans équivoque, l’album le mieux réussi de Ghostface et l’un des meilleurs de l’année. Point à la ligne. (Stéphane Martel)

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J Dilla
Donuts
(Stones Throw)

Trois jours avant de nous quitter pour un monde meilleur, James Yancey, alias J Dilla, faisait paraître ce minutieux découpage sonore aux imbrications parfois anarchiques. Produit en partie sur son lit d’hôpital, Donuts démontre enfin l’étendue des goûts musicaux de l’ancien pote de Q-Tip. À travers ces 31 vignettes sonores (une seule excède deux minutes), c’est tout un périple musical que nous propose le producteur de Detroit. Puisant autant dans le catalogue soul et R & B de Motown que le funk lascif, les teintes psychées, jazz ou l’avalanche de percussions africaines, le maître "sampleur" semble s’amuser comme un petit fou et accouche d’un assemblage stroboscopique de rythmes syncopés livré dans un esprit agréablement "fait maison". De prime abord un brin désordonné, Donuts révèle ses charmes au fil des écoutes. On découvre alors les subtilités d’une production faisant preuve d’une profonde musicalité, testament éloquent d’un énorme talent trop tôt disparu. Un recueil épique et jubilatoire. (Stéphane Martel)

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Lady Sovereign
Public Warning
(Def Jam)

L’attente fut longue mais l’amateur sera ravi d’apprendre que Jay-Z a vu juste. Sa protégée ne déçoit absolument pas avec ce premier album complet. Après une tentative de collaboration avortée avec The Neptunes, la jeune M.C. londonienne se retrousse les manches, enfile les bombes et livre un compact au potentiel énorme. On retrouve à travers ces 13 titres (dont un remix correct de Love Me Or Hate Me avec Missy Elliott) une plume incisive et personnelle (décidément moins politisée que celle de la soeurette M.I.A.), un flow rapide et précis, un esprit festif, des climats variés, une réalisation du tonnerre signée Medasyn et, surtout, une collection de beats qui tuent (A Little Bit of Shhh, Hoodie, Random et Blah Blah devraient faire fureur sur les pistes de danse). Même si, pour l’initié, l’effet de surprise est absent, cette galette, c’est de la pure dynamite et l’une des grandes réussites de l’année. (Stéphane Martel)

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The Roots
Game Theory
(Def Jam)

Chaque nouvel opus du collectif philadelphien The Roots est attendu avec impatience par la communauté hip-hop et Game Theory ne fait pas exception à la règle. Deux ans après l’accessible et plutôt insatisfaisant The Tipping Point, la bande de Black Thought et ?uestlove Thompson réajuste son tir et lance un premier compact sur l’étiquette Def Jam. À la fois introspectif, dur, mélancolique et ambitieux, autant sur le plan sonore que textuel, la galette compte sur la participation, entre autres, de Peedi Peedi, Dice Raw et Malik B. Échantillonnant au passage Sly & The Family Stone de même que Radiohead et traitant de sujets graves, souvent à portée sociale, Game Theory est réglé au quart de tour; l’oeuvre d’une formation unie, en pleine possession de ses moyens et n’ayant absolument pas épuisé sa banque de beats de qualité. Avec ses touches rock, soul et R & B et la présence d’un tube en puissance (Baby), ce petit dernier est peut-être bien l’album le plus complet des Roots. Incontournable. (Stéphane Martel)

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Manu Militari
Voix de fait
(HLM / DEP)

S’ouvrant avec l’une des meilleures pièces hip-hop produites au Québec cette année, l’intense Voix de fait, premier disque de Manu Militari, révèle le talent d’un rappeur crédible aux textes réfléchis. "La politique tu devrais t’y intéresser / C’ta cause des moutons comme toi qu’la masse est bien dressée", chante-t-il sur Le Meilleur des mondes, tandis que La Piaule décrit avec brio le sentiment d’impuissance vécu par un pauvre cambriolant la baraque d’un riche. Mises en boîte par Hot-Box Productions, les pièces du compact aux influences commerciales américaines collent parfaitement au sentiment d’urgence véhiculé par Manu. Les arrangements de claviers/voix de Voix de fait percutent, les violons de L’An 40 ajoutent de la profondeur et Manu, de son verbe lucide et sincère, matraque les oreilles. (Olivier Robillard Laveaux)

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Boogat
Patte de salamandre
(HLM / DEP)

Reconnu au gala Montréal-Underground (trois trophées), à l’ADISQ (une nomination) et aux MIMIs (une nomination) grâce à son premier effort, Daniel Russo Garrido, alias Boogat, revient à la charge avec Patte de salamandre. Exploitant déjà ses racines latino sur son opus précédent, le rappeur les approfondit, multipliant ici les rimes espagnoles et les ambiances de samba, de rumba, mais aussi de jazz et de dub. Sans surprendre au point de crier au génie – en voulant rester chill, Boogat perd un peu de son mordant -, Patte de salamandre se distingue tout de même des autres productions rap de la province, tandis que Garrido fait montre d’une plume réfléchie, évitant la facilité. Une autre chaude trame sonore tout indiquée pour la saison estivale. (Olivier Robillard Laveaux)

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Anodajay
Septentrion
(7e Ciel / DEP)

Strictement réservé à la réalité urbaine, le hip-hop? Issu de Rouyn-Noranda, Steve Jolin, alias Anodajay, prouve le contraire avec son solide deuxième album. Épaulé par Boogat, Accrophone, Muzion, DJ Horg et même le patriarche Raoul Duguay (sur Le Beat à Ti Bi), le rappeur abitibien nous offre une oeuvre généreuse (pas moins de 17 titres) remplie à craquer de textes engagés, personnels et matures conservant une propension pour les figures de styles de tous genres. Musicalement parlant, Septentrion recèle des trouvailles et emprunte autant au funk et au soul qu’à la pop mélodique et accessible. Traitant de la coupe à blanc, il faut entendre la poignante L’Homme de bois incluant un échantillonnage des Yankees de Richard Desjardins, apparemment déjà conquis par le talent du jeune homme, si l’on se fie au message téléphonique au début de la pièce. Coup de poing en pleine gueule. (Stéphane Martel)

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JAZZ

Cassandra Wilson
Thunderbird
(Blue Note / EMI)

Le dernier disque de Cassandra Wilson, Thunderbird, a été coréalisé par T-Bone Burnett. Rarement a-t-on entendu un mariage aussi heureux entre les différentes formes de la musique noire (blues, jazz, soul, hip-hop) et le country. Un ensemble d’une musicalité remarquable, un travail très fin de textures sonores créées notamment par les guitaristes Colin Linden et Marc Ribot. Les chansons cernent les diverses facettes du sentiment amoureux: le désir, le deuil, le vide. Deux pièces traditionnelles, Easy Rider et Red River Valley, sont des chefs-d’oeuvre d’arrangements. Le dépouillement de la seconde rend l’âme palpable. Le Dakota du Nord donne un paysage à tous les amputés du coeur. Sans compter deux chansons écrites par Burnett, Match, et surtout Lost (I’ll blind myself then find myself in your eyes). Au même titre que New Moon Daughter il y a 12 ans, Thunderbird situe admirablement le jazz vocal dans le paysage actuel des musiques. (Denys Lelièvre)

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Kenny Garrett
Beyond the Wall
(Nonesuch / Warner)

Le dernier disque du saxophoniste Kenny Garrett représente un projet remarquable qui rend compte de son cheminement comme musicien et comme être humain. L’oeuvre est dédiée à McCoy Tyner, pour la grande inspiration qu’il a insufflée en lui. Les pièces se situent dans la continuité de l’univers musical et spirituel de Coltrane et des créateurs qui lui sont associés. Mais le contexte culturel n’est plus le même qu’il y a 40 ans. Les préoccupations de Garrett sont encore plus universelles. Beyond the Wall est inspiré d’un voyage récent en Chine et explore les affinités entre les racines de la culture chinoise et celles de la culture afro-américaine. La musique transcende les barrières, qu’elles soient politiques, naturelles, ethniques ou musicales. Pharoah Sanders, Bobby Hutcherson, Mulgrew Miller, Robert Hurst et Brian Blade se sont joints à Garrett pour ce projet. (Denys Lelièvre)

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Michel Legrand
Legrand Nougaro
(Blue Note)

Au tournant des années 60, Michel Legrand et Claude Nougaro écrivent une page importante de l’histoire de la chanson française: la rencontre de la ballade populaire avec le jazz. Legrand interprète des chansons de la première période de Nougaro, celles qu’ils ont écrites ensemble. Des pièces connues comme Le Cinéma ou La Chanson et d’autres un peu oubliées comme Mon dernier concert ou Sa maison, magnifique ode à l’enfance. Le style des chansons de Legrand/Nougaro s’inscrit fortement dans l’esprit du hard bop. Le compositeur apparaît comme l’un des grands mélodistes de la chanson française. Un Joseph Kosma qui aurait flirté avec le jazz. L’arrangeur s’est entouré d’une pléiade de grands musiciens: le pianiste Kenny Werner, dans une forme splendide, déchaîné par moments, qui sait rendre l’inspiration blues de bien des chansons, le contrebassiste Ron Carter, génial comme d’habitude, et l’organiste Thierry Eliez, ravivant le souvenir d’Eddy Louis. (Denys Lelièvre)

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Christine Jensen
Look Left
(Effendi / Fusion III)

La plupart des pièces de ce nouvel album de Christine Jensen ont été écrites dans le contexte propice à la création qu’est Paris: vue sur la Seine, rencontres stimulantes, distance avec l’Amérique. Look Left exprime l’opposition à l’invasion de l’Irak, A Tree Thing est un hommage à Jimmy Giuffre et à Lee Konitz, Upper Fargo est inspiré par les oeuvres de Jonathan Franzen. Le travail de Jensen s’inscrit en continuité avec celui d’une mosaïque de créateurs actuels auxquels elle n’hésite pas à rendre hommage. De Wayne Shorter, elle retient l’architecture et le lyrisme (Keeping Up Appearances), de Tom Harrell, l’art de la mélodie et du rythme. La saxophoniste a réuni autour d’elle quatre musiciens avec qui elle entretient un lien très organique: Ken Bibace (guitare), Fraser Hollins (contrebasse), Greg Ritchie (batterie) et Dave Restivo, l’un des grands pianistes de la scène torontoise. (Denys Lelièvre)

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MUSIQUE DU MONDE

CéU
CéU
(Urban Jungle / Fusion III)

À part quelques miaulements de cuica échantillonnés qui scratchent un peu trop sous les doigts de DJ Marco dans la quatrième plage, il n’y a pas grand-chose qui agace dans ce premier album surprenant et tout à fait enveloppant de la jeune Brésilienne CéU. Curieux cocktail d’influences électro-jazz, dub, samba et afrobeat, ce disque éponyme ondule entre les genres et dessine le portrait chatoyant d’une auteure-compositrice d’autant plus originale qu’elle n’a que 20 ans. Il y a çà et là une certaine langueur mais surtout de la délicatesse, de l’ouverture d’esprit et une émotion qui vient nous chercher. Moins artificielle que Bebel Gilberto au tournant du millénaire, plus proche encore du son urbain de São Paulo, la belle nous offre au passage une relecture irrésistible du Concrete Jungle de Bob Marley. Enchanté! (Ralph Boncy)

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Gotan Project
Lunàtico
(Beggars Banquet / Select)

Les mauvaises langues prétendent qu’il suffit désormais de prononcer les mots Buenos Aires avec un bel accent espagnol et de les faire résonner avec écho sur un beat lounge pour que ça fasse très "in" exotique et vendable. La faute au Gotan Project, un énigmatique trio qui a livré au monde, il y a trois ans, une vision nouvelle du tango, revampée, efficace en diable. Encore fallait-il en réussir la suite. C’est chose faite aujourd’hui avec ce superbe Lunàtico qui reprend et approfondit la formule avec juste ce qu’il faut d’invention, d’audace et de minutie; le tout avec un dosage qui force l’admiration. Avec Calexico, le rappeur Koxmoz, le superbe Juan Carlos Caceres, dans son propre rôle d’historien du tango, et le légendaire pianiste argentin Gustavo Beytelman. Passionnant. (Ralph Boncy)

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Ali Farka Touré
Savane
(Nonesuch / Warner)

Honoré de nouveau par un Grammy en février 2006, un mois avant sa mort, pour son disque en duo avec Toumani Diabaté, le grand Ali Farka Touré nous fait cadeau d’un album posthume que beaucoup vont trouver plus goûteux encore qu’In the Heart of the Moon. Enregistré lui aussi à l’hôtel Mandé à Bamako par le même Nick Gold, Savane est un album qui séduit et envoûte dès les premières mesures et refuse de vous lâcher. Touré n’a rien d’un homme fatigué et sa dégaine sur la pochette vaut déjà dix mille mots. Voici un disque de blues africain authentique et primitif qui caresse l’intemporel et transcende l’essentiel. (Ralph Boncy)

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Bïa
Coeur vagabond
(Audiogram / Select)

Après le limpide Sources et le rouge Carmin, voici Bïa avec un album entier pour bâtir un pont entre les cultures francophones et lusophones. Et son premier Félix dans la catégorie "Meilleur album de musiques du monde", la poétesse brésilienne ne l’aura pas volé! Sans esbroufe ni éclats de voix mais avec une légèreté, une émotion et son intelligence naturelle, elle se surpasse dans Foule Sentimentale de Souchon, orchestrée avec une formidable économie de moyens. Et si Gainsbourg, Brassens, Salvador, Voulzy et Michel Rivard lui vont tous plutôt bien, Bïa fait aussi honneur aux auteurs-compositeurs de son pays natal: Caetano Veloso, Lenine et son pote Marcio Faraco dont elle nous traduit "L’échelle de la douleur". (Ralph Boncy)

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ET VOUS, DITES-NOUS QUELS SONT VOS COUPS DE COEUR DE L’ANNÉE 2006 ?
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