GrimSkunk : Souffler sur la braise
Musique

GrimSkunk : Souffler sur la braise

GrimSkunk, avec Fires Under the Road, prouve que le feu sacré l’alimente toujours après plus de quinze ans d’existence.

Après l’épisode plus ou moins concluant de Seventh Wave (2002), un album qui avait laissé perplexes une bonne partie des fans de la première heure, on aurait pu croire que le groupe phare de l’underground québécois allait lancer la serviette. C’était bien mal connaître la force de ténacité de GrimSkunk et sa capacité à renouveler l’énergie créatrice qui l’a propulsé à travers le temps et les modes musicales passagères. "On n’a jamais vraiment eu l’intention de splitter, précise Franz Schuller, mais on a été une année complète sans même penser à GrimSkunk. Joe et Alain ont recommencé à écrire des tounes tranquillement, mais je pense que c’est l’arrivée de Vincent Peake qui a ressoudé la gang. C’est lui qui a ramené l’esprit du collectif."

En fait, lorsque la rumeur du mariage entre le leader de Groovy Aardvark et GrimSkunk a été confirmée, c’est à peine si la nouvelle s’est mérité quelques entrefilets ici et là. Pourtant, pour la scène alternative québécoise, c’était un peu comme si Mick Jagger allait jouer pour les Beatles! Comment expliquer alors le peu de cas que les médias ont fait de cette union? "C’est certain que si le band avait été affilié à PKP, on aurait sûrement eu le front du Journal de Montréal avec cette annonce-là, mais franchement, c’était pas notre genre d’en faire une grosse opération promotionnelle. […] On préférait laisser le monde faire notre promo, en parler à leurs chums, plutôt que de donner l’impression que GrimSkunk venait de scorer un trophée avec le chanteur de Groovy Aardvark."

Ce qui frappe d’abord sur Fires Under The Road, c’est cette impression de retrouver l’esprit d’une certaine époque plus fructueuse au plan créatif pour la formation. Une époque où psychédélisme, rock lourd et métissage musical créaient un impact durable écoute après écoute. Quant aux textes, loin de s’assagir, GrimSkunk durcit même le ton. Certains les qualifieront de juvéniles; Franz assume totalement: "Si je peux me faire traiter de juvénile, je suis vraiment très content! C’est ce qu’il y a de plus spontané, honnête et pertinent pour driver une prise de vue plus engagée. Si tu sombres dans la maturité, que tu te mets à intellectualiser, tu perds l’émotion crue, viscérale, tu perds la réaction humaine la plus importante par rapport au monde qui t’entoure. Quand "Adolph Harper" et la "Redneck Alliance" utilisent une expression comme "une réponse modérée" pour justifier le bombardement de Cana, moi, en tant qu’être humain, j’ai envie de prendre sa face pis de la crisser dans un mur, pis de lui dire fuck you, asshole! C’est ce genre de réaction épidermique, la plus spontanée possible, que j’essaie d’exprimer dans les chansons que j’écris, parce que pour moi, c’est ce qui nous définit le mieux dans notre humanité. T’as pas besoin d’être un intello pour toucher les gens. Fuck you I won’t do what you tell me de RATM, c’était pas "intelligent", mais ça a touché combien de gens!"

L’exemple le plus frappant du genre de texte "dans ta face" que Franz peut pondre est sans contredit America Sucks, un hit en puissance, mais dont la virulence du propos pourrait lui réserver un avenir explosif: "Je suis tellement frustré de ce qui se passe en Amérique du Nord que j’ai eu besoin d’en parler d’une manière provocatrice. Je trouve qu’on est mangeux de marde en ce moment! On a laissé passer des choses au-delà de ce qui est même moyennement acceptable! J’essaie de le dire d’une manière tellement violente pour que le monde dise: "c’est quoi, son ostie problème?". Ben, mon ostie de problème, c’est qu’y a eu un ouragan en Nouvelle-Orléans pis qu’on a laissé les blacks crever là parce qu’y avait pas de cash pour eux-autres! Et des exemples comme ça, je pourrais t’en donner jusqu’à demain matin. La réalité, c’est qu’on se câlisse du monde, man! Je peux pas croire qu’on est rendu là…"

Avec Anonymus et Psychotic 4
Au Théâtre Granada
Le 22 décembre