Patrick Watson : Entre ciel et terre
Musique

Patrick Watson : Entre ciel et terre

Patrick Watson et ses musiciens lançaient en septembre dernier Close To Paradise, opus lumineux et délicat taillé pour ceux qui rêvent de jour. Café du matin en compagnie des quatre sympathiques musiciens.

Petit matin humide et gris, mais lumineux. Patrick Watson entre dans le café. Un à un, les musiciens du groupe se pointent. "Nous sommes un groupe maintenant, précise le sympathique Montréalais qui lançait son second effort, Close To Paradise, le 26 septembre dernier. J’ai compris ça à New York… On était allé passer du temps là-bas et on s’est mis à composer toute la gang ensemble." Dans ce groupe, il y a Mishka Stein, bassiste discret originaire d’Ukraine qui nourrit un vif intérêt pour le funk et le R’N’B, Robbie Kuster (batterie, percussion, marimba sur l’album), passionné de Mister Bungle, Nick Drake, John Zorn et surtout de free jazz, et enfin Simon Angell (guitare, lap steel, banjo). "J’ai pris des cours de guitare avec Marc Ribot et j’ai appris le banjo avec mon voisin." Vous avez dit éclectique?

En 2003, Watson n’était pas passé inaperçu, avec un premier effort luxuriant, le délicat Just Another Ordinary Day. Depuis ce "jour ordinaire" jusqu’à la promesse d’un paradis proche, il s’est passé beaucoup de choses. Encore aujourd’hui, Pat Watson fait de la musique pour les mêmes raisons qu’à ses débuts: "Quand j’ai commencé à jouer de la musique, ça se passait entre 1h et 3h du matin, et je le faisais pour m’évader, pour aller ailleurs…"

On n’a pas affaire ici à des musiciens qui cherchent à transcender ou canaliser un dark side. "On est des personnes joyeuses!", ajoute-t-il avec un sourire fendu jusqu’aux oreilles. Et on le croit. D’autant plus que Close To Paradise, enregistré un peu partout, entre New York et Helsinki et au studio montréalais Breakglass pour le mix final, diffuse une petite lumière vibrante, enveloppe, élève, apaise, semble taillé sur mesure pour accompagner ceux qui rêvent le jour et observent les étoiles la nuit. Un disque de pop cinématographique – ça pourrait être la trame d’un film de Tim Burton – qui, un peu comme pour Bell Orchestre, a besoin d’espace pour se déployer dans toute sa démesure. On parle d’une galette aux arrangements foisonnants, d’envolées prenantes d’un quatuor à cordes, d’un quintette de cuivres où les trombones dominent. D’un disque orchestral en flottement, néanmoins accessible. "C’est un peu comme un journal de voyage, précise Pat Watson. On est même allé enregistrer Weight of the World dans une église abandonnée au coin de Saint-Denis et Viger. On avait installé un trampoline dans l’église et on projetait des vidéos sur les murs! Il y a même eu un mariage de squee-gee! La police est venue… C’était tellement weird."

Avec cette voix douce et plutôt haut perchée, légère, il chante l’amour, mais de façon un peu détournée, comme s’il s’agissait d’une quête. "En écrivant Weight of the World, j’avais en tête l’histoire d’un gars, debout, sur terre. Une fille passe au-dessus de lui dans une montgolfière. Il se sent divisé, car il veut saisir quelque chose dans les airs et, en même temps, agripper autre chose sur terre. La fille, dans son ballon, lui prend la main. Alors, il saisit le sol avec son autre main. Puis, il se retrouve écartelé entre les deux. À un moment, le sol décolle avec lui. Il monte dans le ciel avec la fille et le ballon et réalise qu’il va devoir abandonner le poids du monde qu’il tient dans sa main. C’est avec des petits films comme ça dans la tête que j’écris des chansons."

Prix Étoile Galaxie pour le meilleur concert au Festival des musiques émergentes en Abitibi-Témiscamingue, Patrick Watson et les siens se sont forgé toute une réputation de bêtes de scène et de solides noceurs. On les a vus jouer avec Lhasa pour le Liban récemment, partager l’affiche avec Steve Reich, Philippe Glass et Cinematic Orchestra (cet automne), assurer la première partie des Dears, du pianiste Gonzales cet été au festival de Québec et même de James Brown! "Il a un de ces sens de l’entertainment à l’ancienne, un grand respect pour ses fans, et il est d’un chic! Quoi qu’il fasse, où qu’il aille, à 8 h comme à 4 h du matin, il est toujours vêtu d’un complet. Avant de monter sur scène, ses musiciens et lui font une prière parce qu’ils comprennent qu’ils sont chanceux de faire ça. Faire des shows, c’est une drogue naturelle qui fait du bien en tabarnak!"

Patrick Watson
Close To Paradise
Secret City/Fusion III

Le 16 décembre
Au sous-sol du Bla-Bla
COMPLET

Le 2 mars
Au Théâtre Granada

ooo

C.V.

Patrick Watson n’est pas tout à fait un nouveau venu, mais voilà un secret encore trop bien gardé. Celui qu’on avait découvert en 2003 avec le délicat Just Another Ordinary Day revient avec Close To Paradise, qui paraît sur Secret City Records, nouvelle étiquette enracinée à Montréal. "C’est un album que j’ai fait en l’espace d’un peu plus de deux ans. Mon band et moi, on voyageait beaucoup tout en cherchant une maison de disques, alors on enregistrait ici et là, à New York, à Helsinki… Jusqu’à ce qu’on entre en studio après tous ces voyages."
Le pianiste de 26 ans originaire de Hudson s’est aussi payé la visite de quelques musiciens basés à Montréal: Amon Tobin et des membres de Land of Talk et de Timber.
Avec toutes ses affinités éclectiques, Watson a aussi partagé l’affiche avec Philip Glass, Steve Reich et Cinematic Orchestra, avec lequel il a tourné en Europe de l’Est. (Marie Hélène Poitras)