Ève Cournoyer : Savoir attendre
Ève Cournoyer, contre vents et marées, est passée à travers 2006 avec le sourire aux lèvres et un goût amer dans la bouche…
On aurait pu croire qu’avec un magnifique deuxième album sous le bras (L’Écho), Ève Cournoyer allait tracer un bilan idyllique de l’année 2006. Après tout, le compact en question a été très bien reçu par la critique lors de sa sortie fin 2005, elle avait profité d’une très belle chance en ouvrant pour Richard Desjardins à maintes occasions, et elle a terminé l’année en remportant le tout premier Prix de la chanson Écho remis par la SOCAN pour sa chanson Tout arrive. Pourtant, à l’autre bout du fil, sa courte réponse à la traditionnelle question de fin d’année fut mi-figue, mi raisin: "Une belle année mais rock’n’roll aussi à plusieurs niveaux…"
Il faut comprendre que la talentueuse et bouillante auteure-compositrice-interprète ne l’a pas eue facile depuis son entrée dans le merveilleux monde du showbiz québécois. Déjà, à l’époque de son premier disque (Sabot-de-vénus, 2002), une mésentente entre son producteur et elle l’avait laissée sur le carreau, sans possibilité de gérer adéquatement cette étape cruciale qu’est l’introduction d’une artiste. Pour L’Écho, une association prometteuse avec la compagnie de disques C4, ainsi que la participation de pointures telles que Fred Fortin, Alain Berger, Guy Kaye et J-F Lemieux, laissait présager des jours meilleurs. Mais la dure réalité frappa de nouveau: les musiciens de l’album, trop occupés ailleurs, ne suivirent pas la jeune femme sur scène, et la bisbille a pris avec C4. Résultat: contrat résilié d’un commun accord. Sans gérant, sans compagnie de disques, Ève Cournoyer retournait à la case départ… encore une fois.
Malgré l’accueil chaleureux reçu par L’Écho, le plus grand regret d’Ève est de ne pas avoir pu profiter d’une meilleure visibilité médiatique ni d’une tournée de spectacles digne de ce nom en 2006. "Y a des subventions qui se sont perdues, et ça c’est choquant… Quand il n’y a que des factures qui te reviennent, c’est décourageant! Et quand les gens viennent me voir avec plein d’amour et de compliments après les shows, j’ai de la misère à le prendre à cause de la rage que j’ai face au côté business. Disons que je suis maintenant consciente que je ne suis pas une femme d’affaires géniale… Et je ne veux pas lâcher, j’ai travaillé fort pour ça et j’aime la vie que je mène, mais ce que ça fait en bout de ligne, c’est que je travaille encore chez nous dans mon petit département des miracles. Quand t’as fait deux albums dans ta chambre à coucher pis que t’es encore au même point après, c’est plus tough de faire confiance, mettons… Mais moi, ce dont je rêve par rapport à mon métier, c’est d’avoir un semblant de salaire convenable. C’est sûr que c’est génial, la création; Desjardins me disait: "T’en connais-tu beaucoup des métiers où il y a 500 personnes qui t’applaudissent après ta job?" Ça fait que t’endures… Mais y a des limites à endurer."
Celle qui chante que "tout arrive à qui sait attendre" en aurait-elle assez d’attendre, justement? "Oui, je sais attendre, mais je ne sais pas toujours à quoi m’attendre non plus. Mais il y a une chose qui est sûre, c’est que j’ai encore plein de chansons qui m’attendent…" Et Noël dans tout ça? Comment fêtera celle qui donnera son dernier show (en version acoustique) avec sa formation actuelle lors de l’événement gratuit Noël dans le parc? "C’est sûr qu’à force de me faire passer des sapins, mettons qu’y en a plus dans mon salon, conclut Ève avec une pointe de sarcasme. Mais comme j’ai donné naissance à ma fille un 17 décembre, Noël, c’est vraiment la fête de la nativité pour moi."
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