Emily Haines : PS Tristesse
Musique

Emily Haines : PS Tristesse

Emily Haines se prépare à faire passer les somptueuses ballades de son premier album solo du studio à la scène. Beau prétexte pour se pencher sur le potentiel de beauté que recèlent ses fables mélancoliques.

Onze chansons qui sont autant d’obsédantes berceuses où se répondent un piano chagriné et les histoires d’êtres blessés, traqués par leur propre vie. Onze morceaux de bravoure, fragments de naufrages humains ou bouées de sauvetages, marqués par l’envie, l’amour éperdu, la dope, le sexe, la désillusion, mais aussi parcourus d’un apaisant fix d’espoir.

Knives Don’t Have Your Back, le premier album d’Emily Haines en marge de son groupe Metric (et de sa participation au collectif Broken Social Scene), trône parmi les plus belles choses que l’année 2006 nous aura offertes. Un recueil baigné d’une lumière pâle, où les textes énigmatiques se laissent difficilement deviner. Cryptiques tout en laissant transpirer le ton, le sens de certaines histoires, et suffisamment imprécis pour que le personnel renvoie instantanément à l’universel, au collectif.

"D’ailleurs, plusieurs chansons se conjuguent au "nous", expose Haines. C’est en partie parce que je pose certains constats qui touchent un ensemble de personnes, mais aussi parce que plusieurs de ces textes émanent de discussions que j’ai eues avec les membres de Metric. De toute manière, ma vie à moi toute seule n’est sans doute pas assez intéressante pour en faire autant de chansons", s’amuse-t- elle au bout du fil.

La jeune femme, qui aligne ce jour-là un chapelet d’entrevues de quinze minutes chacune en prévision d’une tournée de spectacles, est rieuse, répond avec générosité aux questions, s’intéresse aux interprétations que l’on fait de certaines chansons. Puis, c’est avec un certain soulagement qu’elle rétorque lorsqu’on lui souligne qu’elles peuvent induire des sentiments contraires d’une personne à l’autre, l’auditeur absorbant textes et musique pour les faire siens. Ainsi, l’un n’y entendra que de réconfortantes ballades, tandis qu’un autre les recevra comme une salve de coups sur la gueule.

"Ça prouve que je ne me suis pas trompée: je voulais que ces chansons soient une expérience personnelle, cinématographique, la trame sonore de la vie de la personne qui écoute, alors forcément, c’est la perception et la sensibilité de ceux qui les reçoivent qui les chargent de sens."

Au bout du fil, Haines marque une pause. Silence incongru qui caractérise les discussions sur téléphone cellulaire ou moment de réflexion? Depuis l’Arizona où elle compose et enregistre en ce moment avec les autres membres de Metric, elle songeait simplement à une question lancée plus tôt dans la conversation à propos de la douce et enivrante mélancolie dans laquelle sont plongées ses chansons: "C’est elle qui permet la cohabitation, qui ouvre aux différentes interprétations, avance-t-elle pour expliquer cette singulière confusion des sentiments. J’aime la mélancolie, je ne la fuis plus, je la vis avec beaucoup moins de difficulté qu’auparavant. […] Au départ, j’avais un peu peur que ce disque soit très sombre, vu les conditions dans lesquelles il a été conçu [ndj: le père de Haines venait tout juste de mourir]. Mais finalement, ce n’est pas le cas. Évidemment, la douleur est là. Je me suis servie de cette expérience musicale pour la vivre, pour qu’elle ne me quitte pas et qu’elle soit toujours en surface, palpable. Je suis cependant heureuse qu’elle n’ait que teinté ce disque au lieu de l’enfoncer dans la noirceur."

Le 5 janvier
Au Centre Bronson
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