Marco Calliari : À l’italienne…
Marco Calliari a revêtu son costard blanc, son fedora et ses bagues pour entrer dans le monde nostalgique quoique festif de Mia dolce vita, son second essai solo.
C’est un Marco Calliari décontracté, zen même, qui m’attendait au chaud dans un café alors que l’hiver poussait ses premiers relents de fièvre. Attablé devant un thé et une chocolatine qu’il ne toucherait point. C’est qu’il a allait avoir "beaucoup de jasette", comme il le dit si bien.
Avec un parcours pour le moins singulier, Marco Calliari quittait l’an dernier le groupe culte métal Anonymus – qu’il cofondait il y a 15 ans -, après avoir remporté un succès inattendu avec son premier album de ritournelles italiennes, Che la vita, sorti en mai 2004.
Depuis, le poète des temps modernes n’a pas chômé, enchaînant sur une tournée chargée à bloc. Il a tout de même trouvé le temps de se payer une petite visite en studio au milieu du cyclone pour enregistrer un disque composé de grands classiques italiens ainsi que de quelques trouvailles méconnues du répertoire. "La plupart des chansons, je les jouais au début en solo, dans des bars un peu perdus, je mélangeais de l’opéra à la chanson napolitaine… Quand est venu le temps de choisir des chansons pour cet album, je me suis dit que j’allais faire des covers, que j’allais montrer c’est quoi la musique italienne de mes oreilles à moi", note-t-il. En plus de voyager dans le temps – les titres datant de 1892 à 2000 -, l’Italo-Québécois y va de classiques d’opéra à des "chansons ultra quétaines remaniées à [sa] façon" (O sole mio, L’Americano).
Et dans le choix des reprises, il n’a pu passer à côté de certaines, plus engagées, voire controversées, évoquant une partie de son héritage patrimonial. Il y a notamment Bella ciao, qui traite de la rébellion qui a suivi l’alliance de Mussolini avec les Allemands. Une chanson qu’il a déjà présentée dans le sud de l’Italie, mais qu’il n’oserait faire dans le nord, la partie d’extrême droite du pays. La pièce I due fannulloni tient aussi un propos anti-fasciste, le chanteur se faisant un devoir de la mettre en contexte devant son public québécois. Il passe ainsi allégrement du tragique au festif, en spectacle comme sur disque.
PORTRAIT DE FAMILLE
"Chez nous, mes parents écoutaient beaucoup d’opéra, souvent dans les fins de party. Et il y en avait beaucoup! Alors, c’était les enfants en haut en train de jouer et les adultes en bas en train de boire le grappa et le vin. Mon père finissait toujours en larmes en écoutant des classiques chantés par Pavarotti. (…) Et je me suis rendu compte vers 17 ans que je connaissais beaucoup l’opéra."
Homme de famille, Marco Calliari conclut l’album avec la chanson préférée de papa, Mattinata, ses deux géniteurs joignant d’ailleurs leurs voix à la sienne. Et il ne pouvait s’empêcher de joindre à cette belle galerie de classiques, son "Godfather medley", Cosa nostra, qui fait un malheur sur scène: "Dans mon premier spectacle, quand on arrivait au thème du Parrain, on sortait les fusils à pétards et je me faisais descendre sur scène! Mais quand il y avait trop d’enfants dans la place, je laissais faire", se défend bien Calliari, qui a été grandement fasciné par les films de mafia des Fellini et Coppola. "C’est cette espèce de puissance. Les personnes qui sont là-dedans veulent le bien, c’est purement familial… Surtout le Parrain… il faisait ça pour aider sa patrie, sa famille, par amour! C’est ça qui est fou! Et c’est sûr que ça prend des proportions énormes, mais il y a un paradoxe; il y a aussi du bien là-dedans", remarque celui qui a mis ses grands habits pour la pochette du disque, boutons de manchette compris, Monsieur. "En fait, au début, je voulais un look un peu plus "parrain style", mais je suis finalement allé dans un trip film années 60, plus ou moins fellinesque, c’est comme un entre-deux."
Et en plus de mener de front sa carrière en tournée avec ses musiciens, sa deuxième "famiglia" – Lysandre Champagne, Carlos Araya, Frédéric Poliquin et François Héroux –, Calliari mène aussi de front ses aspirations de producteur avec sa boîte Casa nostra. "L’Italie est dans une mauvaise passe depuis plusieurs années musicalement. Le marché du disque ou même artistique est vraiment dans le champ. L’écart entre la star et l’underground est énorme! J’ai ouvert une étiquette d’abord pour ma musique, mais je l’utilise pour aider des gens qui font de la musique italienne partout dans le monde. Pas juste ici", confirme celui qui a récemment sorti de son Italie du Sud un dénommé Sergio Laccone. "Si moi je peux m’amuser ici avec la musique italienne, je pense qu’on peut en faire découvrir des tonnes parce que là-bas, ils sont pris."
En fin de rencontre, l’entrevue bifurque inévitablement sur les raisons qui ont poussé le chanteur à s’associer avec la chaîne de restaurants Pacini: "Il y a des gens qui comprennent tout de suite que c’est positif une association qui vient du privé. Moi, sincèrement, j’ai pas eu droit à des subventions, et j’en ai fait, des demandes. Pour moi, c’est vraiment un cadeau du ciel, cette association. Ils investissent en moi, on devient une équipe totale. Ce sont des gens très ouverts, tout est très clean", conclut celui qui termine sa tournée de l’Ontario à Ottawa, après quoi il sillonnera le Québec (dont un retour dans la région à la salle Jean-Despréz de Gatineau le 12 avril). Il se promet par ailleurs un retour en studio cette année pour un disque écrit de sa main cette fois.
Le 11 janvier à 20h
À La Nouvelle Scène