Vincent Vallières : OK, on repart!
Vincent Vallières s’apprête à reprendre les routes du Québec afin de présenter ses nouvelles chansons, issues du Repère tranquille, son quatrième disque, abouti et presque serein.
Mine de rien, en douce, Vincent Vallières s’impose peu à peu dans l’univers artistique québécois. En deux mois, son nouvel opus, Le repère tranquille, est passé de 9 000 exemplaires vendus à 20 000 au moment de notre entretien. Vallières, c’est un baromètre de la chanson populaire québécoise. Il rejoint tous les publics, avertis ou non. Il est vrai que ses chansons s’insinuent chez l’auditeur à pas feutrés. Et, surtout, elles refusent de céder leur place. Goutte à goutte, tel un délicieux poison, elles baignent en notre mémoire, reviennent sur nos lèvres. On chante Vallières, inlassablement, sans vraiment le vouloir. Et on aime plonger dans ses histoires de routes, de fuite, de quotidien "plate" et de bière bue sur la galerie.
OK ON PART
"OK, on part/Ça roule je suis parti avec toi mon coeur/Tu te changes en arrière, je te r’garde dans le rétroviseur/C’est comme dans Volkswagen blues que tu lis en chemin/Sauf que nous autres on court après rien", chante Vallières dans Ok on part sur son avant-dernier disque, Chacun dans son espace. Une bonne chanson représentative de sa manière de faire, de ses petites obsessions: le voyage à l’américaine, sur la route poussiéreuse, les filles – belles de préférence, que l’on épie à la dérobée. Soulignons le clin d’oeil à un de ses écrivains préférés, Jacques Poulin: "En apparence, les romans de Poulin ont l’air d’avoir une petite histoire, à la limite légère, mais t’embarques là-dedans et ça t’habite. Volkswagen blues, Le vieux chagrin, La tournée d’automne, tu lis ça et tu vois toute la beauté dans la simplicité des phrases courtes, l’histoire qui se dessine. J’adore ses livres, ça m’inspire dans mon écriture. Son approche me touche."
"Ce qui séduit dans la chanson ou le roman, poursuit Vincent, c’est cet aspect populaire. Le fait qu’une oeuvre soit pénétrable, de prime abord, sans qu’elle soit niaise. J’aime qu’une chanson puisse habiter le quotidien des gens. Quant à moi, je fais ma toune et je la lance en espérant qu’elle aura la vie la plus longue possible, mais ça ne m’appartient plus." Gageons que le public fredonnera longtemps les Hier au soir; Le temps passe; Chacun dans son espace; Juliette et ses petites dernières, folk-pop à souhait, admirables de simplicité volontaire (Un quart de piasse; Je pars à pied; Laura). À dire vrai, c’est Le repère tranquille au complet qui refuse de quitter notre lecteur. Du Vallières au réveil avec les toasts ou dans nos écouteurs pendant qu’on roule en vélo. Toutes les saisons, toutes les occasions sont bonnes: ses chansons sont tenaces. Sans être pugnaces, elles nous frappent en plein coeur.
Est-ce qu’il y a beaucoup de boulot derrière la simplicité de Vallières? "Le travail de réécriture, je l’ai commencé avec le disque Chacun dans son espace. Avant je "wrappais" mes tounes un peu plus vite que ça, avoue-t-il, comme gêné. Mais avant Chacun, c’était davantage un passe-temps, même si ça demeurait sérieux. Ensuite, je me suis investi pour vrai, en passant beaucoup de temps à écrire, à chercher justement la simplicité. Dans le genre de chansons que je fais, il faut qu’il y ait à la première écoute un accès, une histoire qu’on puisse suivre, mais qu’elles soient assez fortes pour supporter plusieurs écoutes, et qu’on y découvre autre chose."
Un de ses grands maîtres est visiblement Richard Desjardins. Il s’enthousiasme dès qu’il l’évoque: "Tu réécoutes Desjardins, et tu te dis: "Tabarnak, ça n’a pas de bon sens!" Tu l’écoutes à 15 ans, puis à 25 ans, et c’est une autre affaire! Les chansons vieillissent avec nous autres, elles nous accompagnent. Je n’ai pas la prétention de faire ça, mais quand j’écris, je mets la rigueur que les maîtres y mettent", confie le jeune homme barbu qui n’a même pas trente ans.
MARCHE ARRIÈRE
En 1999, Vincent, début vingtaine, sortait déjà son premier opus, baptisé Trente arpents en hommage au groupe qu’il formait alors avec des amis. Trente arpents, c’est aussi un roman de Ringuet, un classique du terroir québécois. Décidément, le chanteur originaire de Sherbrooke a les deux pieds dans la terre d’ici: "Quand j’ai fini mon cégep, je suis allé à l’université. J’avais envie d’avoir des cours d’histoire, de français, de littérature, mais pas comme une passion pour absolument devenir prof au secondaire. J’aimais l’idée d’étudier, de faire autre chose que de la musique. J’apprécie les conversations avec des gens qui ont d’autres aspirations dans la vie que la musique. Mais pendant mon bac, j’ai quand même fait deux disques. C’est certain que Trente arpents n’est pas un bon album, mais en même temps, il m’a permis d’apprendre ce que je n’avais pas envie de faire et comment j’avais envie de travailler."
Après un Trente arpents guère convaincant, Vallières change de cap et sort le bien nommé Bordel ambiant en 2001. Les guitares sont saturées, ça part dans tous les sens, mais l’énergie est là, canalisée par le réalisateur Éric Goulet (Les Chiens): "Ce n’est pas un disque carrément abouti, mais il est meilleur que le premier. Il a fallu que je fasse mes classes, que je comprenne ce que j’avais envie de dire. Pendant l’enregistrement de Bordel ambiant, j’avais loué un chalet à Magog et je me suis mis à écouter plein d’autres musiques avec Éric; il me passait des disques, Time out of Mind de Bob Dylan, par exemple, ou The Flaming Lips."
VOUS ÊTES ICI
Il faut voir la route parcourue entre Bordel ambiant et Chacun dans son espace (2001), où Vallières trouve enfin son style, sa manière de dire les choses, sans la contestation adolescente qu’il prisait occasionnellement: "Il y avait moins le désir de chialer constamment. En faisant Chacun dans son espace, je voulais relever un défi: écrire un disque qui serait populaire sans être quétaine dans lequel je m’ouvrirais plus. Plus positif, aussi, alors qu’avant j’avais du plaisir à me vautrer dans une certaine tristesse. Je me suis obligé à mettre plus de soleil dans mes chansons, à écrire davantage. J’ai arrêté de chercher l’approbation de mes amis musiciens."
C’est un Vincent Vallières calme et ensoleillé qui fait une apparition plus nette sur Le repère tranquille. On serait tenté de dire serein. Patronné par la figure du grand Johnny Cash, on perçoit quelques effluves country sur cet opus chaleureux et mélodieux comme un fleuve en été. Le sillon Vallières creuse une ornière singulière dans la chanson québécoise. Sur la grande carte routière, on peut lire: Vous êtes ici. Un long chemin l’attend.
VALLIÈRES SUR LA ROUTE
"Ça fait longtemps que je ne suis pas parti. J’adore faire de la route, partir en tournée. En ce moment, j’ai plus de bonnes chansons que je n’en avais précédemment pour présenter un bon show. J’ai hâte de voir où tout ça va me mener. Mais me demander si je préfère écrire ou faire des spectacles, je ne pourrais pas dire. À la fin de la tournée de Chacun dans son espace, j’avais hâte d’écrire des chansons, de finir celles commencées. C’est une roue: une chose en amène une autre. C’est ce qui est beau de ce métier: pas obligé de te cantonner dans une seule affaire."
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