Steve Reich : Simplicité volontaire
Musique

Steve Reich : Simplicité volontaire

La SMCQ consacre tout un programme à la musique de Steve Reich, l’un des plus grands compositeurs américains vivants. Regard sur l’oeuvre.

Steve Reich est l’un des pionniers du mouvement américain des musiques minimalistes (ou répétitives) qui, dans les années 60, est allé à contre-courant de l’avant-garde musicale dominante en réhabilitant des paramètres qui n’avaient plus droit de cité dans les oeuvres des grands compositeurs: la mélodie, la tonalité et le rythme. Si cette attitude n’était pas très populaire auprès des tenants de la musique sérielle, pour qui Reich et ses acolytes péchaient par simplicité, elle l’était auprès du public (double péché!).

Steve Reich a eu 70 ans en octobre dernier. Au moment où l’Atelier de percussion de l’Université de Montréal s’apprête à donner deux concerts entièrement consacrés à sa musique (30 janvier et 6 février), je l’ai rejoint chez lui, à New York, pour en discuter.

Pour s’engager, avec quelques amis (dont Terry Riley, avec l’ensemble duquel il créait en 1964 la pierre d’assise du minimalisme, In C), contre le courant dominant, il fallait quand même une bonne dose de courage et un certain goût du risque. "Vous savez, je suis devenu compositeur parce que j’adore Stravinski, j’adore Bach, et j’adore le be-bop! Lorsque j’étais à l’université, la seule façon de composer était celle de Boulez, Stockhausen et compagnie. Pour moi, ce n’était pas une option. Alors, oui, c’était assez difficile! Mais je me disais: "À quoi bon être compositeur si je ne fais pas ce que j’ai envie de faire?"" Ce que Steve Reich avait envie de faire à ce moment-là, c’était d’explorer les possibilités qu’offraient les magnétophones (il étudiait en 1961 au Mills College de San Francisco, où enseignait Morton Subotnick, l’un des pères de la tape music américaine). En faisant jouer simultanément deux enregistrements d’une courte phrase extraite du discours d’un prédicateur, il découvre le phénomène du déphasage (voir ses premières pièces, It’s Gonna Rain [1965] et Come Out [1966]). Il transposera ce phénomène à la composition instrumentale avec les oeuvres qui feront connaître sa manière (Piano Phase [1967], Violin Phase [1967], Four Organs [1970]). En 1971, après des études en percussion à l’Institut des études africaines de l’Université du Ghana à Accra, il compose Drumming, l’une de ses oeuvres les mieux connues. "Je pense que mon plus gros hit, c’est Music for 18 Musicians (1976), mais c’est vrai que Drumming est importante. C’est ma plus longue pièce, et on l’a jouée partout, mais elle est parue chez Deutsche Grammophone, tandis que Music… a été lancée par ECM, une étiquette de jazz, et il s’en est vendu plus de 200 000 copies jusqu’à maintenant… Mais je pense que Drumming parle un langage humain; on n’a pas besoin de connaître les arcanes de l’avant-garde ou le principe du déphasage pour l’apprécier."

Steve Reich ira jusqu’au fond de l’exploration minimaliste avec des pièces comme Clapping Music (1972) et Music for Pieces of Wood (1973), des pièces aussi simples que le laissent supposer leurs titres, et composées surtout dans l’idée d’avoir à son répertoire quelques pièces qui ne requièrent pas d’instruments électriques ou d’amplification ("Je me disais: "Mais qu’est-ce qu’on ferait s’il y avait une panne d’électricité?""). Puis, sa musique commencera à se complexifier, et il deviendra bientôt difficile de continuer à étiqueter Reich comme minimaliste. Il sera attiré par l’orchestre symphonique, mais cette exploration-là ne durera pas… "Je n’ai pas besoin de 18 premiers violons… Au plus, trois font l’affaire, et généralement un seul me suffit, parce que je l’amplifie… La musique de Bach arrangée pour grand orchestre ne marche pas, parce que ça dilue la précision de chacune des lignes, et c’est la même chose dans mon cas, parce que je fais, comme lui, de la musique contrapuntique, bien que je ne lui aille pas à la cheville! Il faut pouvoir entendre les détails. L’orchestre est encore aujourd’hui un magnifique instrument pour certains compositeurs, comme John Adams, qui est le meilleur dans le genre, mais pas pour moi. J’utilise la guitare électrique dans Electric Counterpoint (1987). Bien sûr, ce n’est pas encore au goût du jour dans les cercles académiques, mais l’académisme est toujours ennuyant et non pertinent…"

N’empêche… C’est bien l’Atelier de percussion de l’Université de Montréal qui donnera, à l’invitation de la SMCQ et sous la direction de Julien Grégoire et Robert Leroux, un concert tout Reich où l’on pourra entendre Music for Mallet Instruments, Voices, and Organ (1973), Electric Counterpoint (1987), Sextet (1985) et Drumming (1971). L’Atelier donnera un deuxième concert, en collaboration avec l’Atelier de musique contemporaine de l’UdeM, le 6 février à la salle Claude-Champagne, avec un tout autre programme proposant Music for Pieces of Wood (1973), New-York Counterpoint (1985), Nagoya Marimbas (1994) et Music for 18 Musicians.

Le 30 janvier
Au Spectrum
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