Luck Mervil et DobaCaracol : Le monde est à danser
Luck Mervil et DobaCaracol sont parmi les invités du prochain Week-end Pop de l’OSM qui se place sous le thème du métissage, de la terre comme un terreau fertile en musiques.
C’est un projet assez inusité auquel nous convie l’Orchestre symphonique de Montréal et, forcément, ça intrigue. On réunit sur une même scène, le temps d’un spectacle, Luck Mervil, DobaCaracol, Monica Freire, H’Sao et Syncop. Le but? Une grande fiesta de musiques du monde, tout en rythmes et en harmonies, soutenues par un orchestre célèbre, imposant. Il y a fort à parier que ce sera de la puissance avant toute chose. Les sièges de Wilfrid-Pelletier tiendront-ils longtemps en place?
Tout a commencé avec Luck Mervil, maître de cérémonie du concert. "La première personne qui m’a appelé, dit Mervil au bout du fil, c’est la directrice de l’OSM, Madeleine Careau, qui est un peu l’équivalent du directeur général du Canadien de Montréal. C’est elle qui va chercher un Nagano, qui fait des appels. Elle sort des idées pour faire en sorte que l’orchestre, de renommée internationale, soit connu, accessible au public, aux contribuables que nous sommes, car c’est nous qui payons pour ça, finalement. Elle m’a donc appelé pour me demander si c’était possible que l’orchestre joue, par exemple, une pièce sud-africaine. Je lui ai répondu que ce qu’il y avait d’extraordinaire avec la musique, c’était son caractère universel. Si un pygmée écrit une chanson et qu’on la met sur une partition, un orchestre symphonique au Japon peut la jouer!"
Lorsqu’on questionne Mervil sur la traditionnelle séparation entre la musique dite savante et la culture populaire, il dégaine aussitôt une réponse: "Vous savez, Mozart ne se disait pas qu’il faisait de la musique classique mais plutôt de la musique populaire!"
FORMATION DES TROUPES
Mervil accepte l’offre de Madeleine Careau, obtient carte blanche et s’interroge sur la direction à donner au spectacle: "J’aurais pu choisir de jouer juste mon album à moi, Ti Peyi A, mais je voulais faire profiter de ça à d’autres musiciens qui ont du talent mais sont souvent méconnus. Parce que ça prend 20 ans avant d’avoir un privilège comme ça, travailler avec l’OSM. Ça prend 10 ou 15 ans de carrière, le fait d’être une personnalité. DobaCaracol fait cette carrière depuis 2 ou 3 ans, j’ai pensé que ce serait le fun que le duo ait l’occasion de faire part de sa vision de la musique."
Entre Mervil et DobaCaracol, une amitié récente s’est développée, ce que confie Carole en racontant la genèse du projet: "On a appris à le connaître mieux cette année, on a partagé la scène quelques fois. Il est cool et très impliqué dans plein de choses, super bon musicien. Nous sommes très énervées à l’idée de faire quelque chose avec l’orchestre! C’est un gros concept: l’orchestre symphonique va rencontrer des musiques de différentes parties du monde. Nous, on représente le Québec, mais avec l’aspect percussions aussi. Tous les groupes invités, d’ailleurs, ont une part importante de rythmes et de grooves. Luck représente Haïti. Monica Freire, le Brésil. H’Sao vient du Tchad; et Karim (Syncop) d’Algérie!"
Pour diriger tout ce palpitant coeur de musiques du monde, on a fait appel à Guy St-Onge comme chef d’orchestre et arrangeur. Carole des Doba s’enthousiasme, ça s’entend au frémissement de sa voix: "Il a composé des ouvertures symphoniques pour chaque thème. Ce sont des morceaux originaux créés spécialement pour l’occasion."
Mervil surenchérit: "Guy? C’est un pianiste classique et aussi un collectionneur d’instruments. Imaginez un génie musical dont on se servirait pour faire les arrangements d’un groupe rock. Et puis on lui offre l’Orchestre symphonique de Montréal! Il a le sourire jusqu’aux oreilles depuis que je l’ai appelé et il n’a plus dormi! Faire des arrangements pour 80 personnes! Il tripe! Je lui ai dit que je ne voulais pas de guitares électriques, juste des instruments acoustiques et les ancêtres de ces instruments-là: le piano à pouce, les djembés, l’oud. C’est l’Orchestre symphonique qui va être à l’honneur d’abord et avant tout. Et contrairement aux fameux concerts pop symphoniques, il n’y aura pas de drum, ni de basse électrique."
"Dans ce concert-là, poursuit Carole, les percussionnistes de l’orchestre vont s’en donner à coeur joie, alors qu’habituellement ils sont davantage dans des mesures de silence. Nous, on va faire le morceau Amazone et la chanson traditionnelle québécoise Quand j’étais fille à marier, qui vient du folklore, mais dans la version du groupe Galant, tu perds ton temps."
PRENDRE UN ORCHESTRE PAR LA MAIN
C’est un sacré pari que s’apprêtent à relever ces musiciens a priori si divers mais fondamentalement unis par la passion des notes, des percussions qui battent dans les veines. L’air risque d’être à la communion, à la complicité. Ceux qui ont assisté aux premières répétitions entre eux, sans l’OSM, en témoigneront: ces artistes s’amusent et se défoncent. Comme le sourire de Guy St-Onge qui "jamme " avec eux. Contagieux. Les cameramen qui les filment en oublieraient presque leur caméra pour se joindre à la fête. Adieu boulot, dansons à la place.
Mais Luck Mervil frétille, il a des idées plein la tête: "Oui, la musique de l’orchestre est puissante, mais on est en 2007, et il faut que ça évolue. Il va donc y avoir des projections sur grand écran. On a un V.J. avec nous, en direct, un peu comme un instrumentiste de l’image. Des images qui vont nous faire voyager. Le thème de ce show-là, c’est vraiment les racines, l’arbre, la terre. Il risque d’y avoir aussi à l’écran le chef d’orchestre, les musiciens. Je vais interpréter sur scène, de mon album, la chanson Mézanmi et, comme tous les invités, une chanson traditionnelle de mon pays d’origine."
Et il y a aussi de l’envergure chez cet homme en mouvement. Il rêve à haute voix: "J’aimerais pouvoir emmener ce spectacle ailleurs, car c’est universel, les chansons que l’on reprend. Monica Freire qui interprète Chico Buarque, Chega de saudade, ce sont des chansons sublimes. Quand tu fais une chanson nord-américaine, tu sais quatre accords, tu es correct, tu peux jouer. Mais la musique brésilienne, oublie ça si tu ne connais pas 1500 accords! C’est plus complexe, ça va plus loin dans les harmonies… Les Africains, c’est le côté rythmique. Haïti, ce sont des gens capables de te faire danser sur une chanson qui raconte l’histoire d’une petite fille morte de faim. Ils sont capables de jouer avec les émotions d’une façon que très peu de gens peuvent le faire."
Un événement unique et audacieux, ça méritait d’être souligné. Le monde n’est plus à pleurer, mais à danser.
Le 7 février à 20 h
À la salle Wilfrid-Pelletier
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LES WEEK-ENDS POP DE L’OSM
Le spectacle qui met en vedette Luck Mervil et invités fait partie de la série Les Week-ends Pop de l’OSM qui, dans sa saison 2006-2007, a trois événements au programme. Le concept est simple: un chanteur rhabille ses chansons à la sauce symphonique et s’exécute avec l’OSM. Cet automne, on nous a présenté Michel Rivard. En juin, il y aura Les Respectables et leurs convives (Marjo, Mélanie Renaud, Nanette Workman, Antoine Gratton). Pour Carole de DobaCaracol, c’est une joie d’être accompagnée par l’OSM et elle pourra ainsi se rapprocher de deux artistes qu’elle aime particulièrement: "Un disque qui m’a marquée, c’est celui de Portishead Live in New York avec un orchestre philharmonique. Et il y a Björk qui l’a fait aussi, des choses hallucinantes!"