Emmanuelle Bertrand : Mémoire active
Musique

Emmanuelle Bertrand : Mémoire active

Emmanuelle Bertrand se présente à Québec pour une toute première fois. À titre de soliste, elle interprétera le Concerto pour violoncelle de Robert Schumann en compagnie du chef d’orchestre Gábor Hollerung à la tête de l’OSQ.

Elle court à travers la ville, cellulaire en main, surprise de n’être pas arrivée à temps pour son rendez-vous téléphonique. Paris, que voulez-vous? Avec un sourire au bout du portable (le tourbillon de la Ville Lumière comme fond sonore) et une sollicitude appliquée, Emmanuelle Bertrand se présente avec son naturel désarmant; une personnalité lumineuse qui contredit toutes les idées préconçues que nous pourrions cultiver envers une virtuose aussi primée et louangée. Une musicienne pour qui "la musique est une langue qu’on adopte".

Récapitulons. Un disque solo, presque légendaire aujourd’hui, voué à un répertoire du XXe siècle, la consacre en 2000. En 2002, elle est révélée aux Victoires de la musique classique en Europe, et je vous fais grâce des nombreux concours internationaux auxquels la violoncelliste s’est soumise et dont elle fut lauréate. Pour combler le tout, la violoncelliste a trouvé un parrain de prédilection: le compositeur Henri Dutilleux. "Il y a des gens avec qui je suis liée pour la vie, indique Emmanuelle Bertrand. Henri Dutilleux est l’une de ces personnes et j’ai une très haute estime pour lui. Quand nous avons travaillé Trois Strophes sur le nom de Sacher, c’était le monde à l’envers! C’était aussi un moment clé dans ma vie. Un compositeur qui s’ouvre à ce point au rapport intime que cultive l’interprète avec la composition, c’est un moment de liberté exceptionnel. Il m’a ouvert les yeux et les oreilles sur mes facultés. Sur l’importance de l’instinct et de l’esprit qui nous caractérise et ce que nous devons nous permettre d’exprimer. À ce moment précis, le violoncelle s’est révélé à nouveau pour moi." Un témoignage partagé par Henri Dutilleux qui, à l’époque, livrait sa pensée comme suit: "Je n’hésite pas à dire qu’il s’agit pour moi d’une véritable révélation."

Une complicité entretenue avec le pianiste et compositeur Pascal Amoyel dirige la violoncelliste dans une trajectoire atypique. Après moult réalisations, le duo a créé Le Block 15 (La Musique en résistance) en France, un récital narré, inspiré des écrits d’Anita Lasker et Simon Laks, deux musiciens qui ont vécu la déportation à Auschwitz lors de la Seconde Guerre mondiale. "L’idée musicale de cette adaptation est de raconter deux histoires distinctes et d’interagir avec elles, précise Emmanuelle Bertrand. La première suite de Bach exprime un fait concret de la vie d’Anita Lasker, qui passe une audition. La composition de Pascal (Amoyel), Itinérance, illustre le bouclier essentiel pour supporter cette chute en enfer. Louange à l’Éternité de Jésus du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen s’imposait d’elle-même; elle fut créée dans un camp de concentration. Il s’agit de deux personnalités distinctes: Anita possède cette énergie et ce tempérament nécessaire à la survie, alors que Simon, qui était un compositeur reconnu, a été broyé par cette tragédie." Une trame sonore biographique et une prise de position humaniste. "C’est politique dans l’engagement artistique. Celui d’évoquer la mémoire et de la transmettre en musique."

Le 21 février à 20h
Au Grand Théâtre de Québec
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